Le vorasidenib donne de bons résultats dans les gliomes de bas grade mutants pour IDH

Neil Osterweil

Auteurs et déclarations

6 juin 2023

Chicago, Etats-Unis – Les patients atteints d'un certain type de tumeur cérébrale pourraient bientôt être traités avec un médicament ciblé par voie orale plutôt que de recevoir une chimiothérapie et une radiothérapie plus toxiques.

En attente d'autorisation de mise sur le marché pour les gliomes présentant des mutations des isocitrate déshydrogénases 1 et 2 (IDH1, IDH2), le vorasidenib (Servier) pourrait en effet modifier la prise en charge thérapeutique de ces cancers.

« Cela pourrait devenir le nouveau standard thérapeutique, sous réserve d'autres essais », a commenté la Dre Muriel Dahan, directrice Recherche et développement d'Unicancer, lors du point presse Unicancer.

Pour le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, cette étude illustre l’une des « tendances lourdes » de l'ASCO 2023, « l’émergence de nouvelles classe de thérapies ciblées ».

Présentés en séance plénière lors de la réunion annuelle de l'American Society of Clinical Oncology ( Asco 2023 ) et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine[1,2], les résultats de l'étude pivot de phase 3 INDIGO montrent que ce médicament retarde significativement la survenue de la progression de la maladie par rapport au placebo.

Dans cette étude, la survie médiane sans progression (PFS) est de 27,7 mois pour les patients sous vorasidenib, contre 11,1 mois pour les patients sous placebo (Hasard ratio (HR) de progression ou de décès : 0,39 (P < 0,0001)).

En outre, le vorasidenib est associé à un délai significativement plus long jusqu'au traitement de chimiothérapie et radiothérapie suivant, et les patients ont généralement bien toléré le médicament.

« La prise orale de ce médicament de médecine de précision permet une réduction du risque de progression de la tumeur de 61%, ce qui est, selon nous, un signe significatif d'efficacité. Cela pourrait transformer le paysage thérapeutique de cette maladie », a commenté le Dr Ingo Mellinghoff (neuro-oncologue, Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New York, Etats-Unis) lors d'un point presse.

Invité à discuter les résultats à l'issue de la plénière, le Dr Glenn Lesser (neuro-oncologue, Wake Forest Baptist Health, Caroline du Nord, Etats-Unis) a applaudi cette présentation. « Ce que vous venez d'entendre, c'est un essai bien fait et bien pensé. Il s'est agi d'utiliser une thérapie orale, ciblée et bien tolérée pour voir si nous pouvons retarder l'utilisation de la chimiothérapie et de la radiothérapie standard », a indiqué l'expert de l'ASCO. Et de souligner : « les résultats sont tout à fait frappants et ils sont statistiquement très significatifs, et plus important encore, ils sont cliniquement très, très significatifs ».

« Les résultats de cette étude suggèrent que chez des patients sélectionnés atteints de gliomes de bas grade mutants pour IDH, nous pouvons potentiellement retarder l'utilisation de chimiothérapies toxiques et de la radiothérapie, peut-être pendant des années, voire de nombreuses années. Par conséquent, c'est aussi retarder les toxicités à long terme de ces thérapies », a détaillé Glent Lesser.

Médicament oral capable de pénétrer dans le cerveau

Inhibiteur oral des enzymes IDH1 et IDH2, le vorasidenib est capable de traverser la barrière hémato-encéphalique. Des mutations de l'IDH1 sont observées dans environ 80 % des gliomes de grade 2, et des mutations de l'IDH2 dans environ 4 % des cas.

La chimioradiothérapie adjuvante est devenue le « gold standard » pour les patients atteints de gliomes de grade 3 avec une IDH mutée et pour ceux atteints de tumeurs de grade 2 ayant une IDH mutée et présentant un risque élevé de progression précoce.

De nombreux patients atteints de gliomes de grade 2 avec une IDH mutée sont d'abord surveillés par IRM. Chimiothérapie et/ou radiothérapie sont initiées si la maladie progresse, a indiqué le Dr Mellinghoff. Le voradisenib offre la possibilité de retarder leur utilisation et donc de modifier l'histoire naturelle du gliome diffus tout en aidant les patients à conserver une bonne qualité de vie, a-t-il ajouté.

Détails de l'étude

L'étude INDIGO a porté sur 331 patients atteints de gliomes de grade 2 avec IDH mutée, recrutés dans 77 centres de 10 pays d'Amérique du Nord, d'Europe et du Moyen-Orient. Agés de 12 à 80 ans, les patients étaient atteints d'un oligodendrogliome ou d'un astrocytome de grade 2 muté IDH1 ou IDH2 résiduel ou récidivant, avec une maladie sans progression et n'ayant pas eu de traitement antérieur (la dernière intervention chirurgicale devait avoir eu lieu entre 1 et 5 ans avant la randomisation).

Seuls les patients qui ne nécessitaient pas une chimiothérapie et/ou une radiothérapie immédiatement étaient éligibles à l'étude. Après stratification en fonction du statut 1p/19q et de la taille initiale de la tumeur, ils ont été randomisés pour recevoir soit 40 mg de vorasidenib chaque jour, soit un placebo en cycle de 28 jours.

Lors de la deuxième analyse intermédiaire en septembre 2022, ce qui correspondait à un suivi médian de 14,2 mois, 226 (68,3 %) des 331 patients étaient toujours sous traitement. Le critère d'évaluation principal était la survie sans progression (SSP) médiane. Celle-ci était supérieure de 16,6 mois chez les patients traités par rapport à ceux recevant le placebo. Le temps avant l'initiation de la chimiothérapie et/ou la radiothérapie était également significativement plus long avec le vorasidenib, avec une médiane non encore atteinte, contre 17,4 mois pour le placebo (HR 0,26, P < 0,001).

Quant aux effets indésirables qui ont concerné plus de 20 % des patients recevant le vorasidenib, ils étaient principalement représentés par une élévation des enzymes hépatiques, de la fatigue, des céphalées, des diarrhées et des nausées. Des élévations de l'alanine aminotransférase de grade 3 ou 4 ont été observées chez 9,6 % des patients recevant le vorasidenib, mais pas dans le groupe placebo.

Le vorasidenib a reçu une autorisation accélérée de mise sur le marché de la part de la Food and Drug Administration (FDA) en mars dernier. Il fait actuellement l'objet d'un essai de phase I en association avec le pembrolizumab (Keytruda) chez des patients atteints de gliomes de grade 2/3. Une évaluation en association avec d'autres agents antitumoraux est aussi envisagée.

Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Oral Drug for Brain Tumor Could Change Treatment Landscape. Traduit et complété par Marine Cygler.

 

Financements et liens d’intérêts

L'étude a été financée par Servier Pharmaceuticals, fabricant du vorasidenib. Le Dr Mellinghoff a rapporté des liens avec Roche, Agios, Black Diamond Therapeutics, Debiopharm Group, Puma Biotechnology, Voyager Therapeutics, Amgen, General Electric et Lilly. Le Dr Lesser a rapporté des liens avec SDP Oncology, Cancer Expert Now, Agio, IN8bio, et Ono Pharmaceutical.

 

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