Cancer du poumon avancé : prévenir les thromboses pour éviter l'arrêt des traitements innovants

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

6 juin 2023

Chicago, Etats-Unis – Être atteint d'un cancer est un facteur connu de risque de thrombose. Plus précisément, le risque de développer une thromboembolie veineuse (TEV) chez un patient souffrant de cancer est multiplié par quatre.

Mais, ce risque peut également être augmenté par certains médicaments anticancéreux, ce qui semble être le cas avec l’association de thérapies ciblées innovantes lazertinib-amivantamab comme cela a été montré chez des patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules à un stade avancé ou métastatiques.

L'étude de ce surrisque de TEV a été présentée par le Pr Nicolas Girard (pneumologue, Institut du Thorax Curie-Montsouris, Paris) en poster le 4 juin lors de la r éunion annuelle de l'American Society of Clinical Oncology  (ASCO). Comprendre et prévenir de tels effets indésirables liés à de nouveaux traitements pourrait permettre d'éviter l'arrêt prématuré de traitements pourtant efficaces contre la maladie cancéreuse.

Une association de thérapies ciblées

L’amivantamab est un anticorps bispécifique anti-EGFR anti-MET et le lazertinib un inhibiteur de tyrosine kinase de l’EGFR de troisième génération. Cette association amivantamab + lazertinib a été évaluée dans plusieurs cohortes de patients atteints d'un cancer bronchique non à petites cellules avec EGFR muté.

Il semble en effet que l'activité antitumorale est améliorée quand les deux thérapies sont données en même temps, et ce avec des effets secondaires plus ou moins acceptables. Ce sont à ces effets secondaires, en particulier l'incidence des TEV, que le Pr Girard et ses collègues se sont intéressés.

Les chercheurs ont repris les données des essais cliniques toujours en cours CHRYSALIS (NCT02609776),  CHRYSALIS-2 (NCT0407539) et LASER201 (NCT04075396) qui évaluent l'efficacité de ces nouveaux agents en monothérapie et/ou en association. Ils ont d'abord recherché tous les événements thrombotiques rapportés puis ils ont exclu ceux qui étaient survenus après ou dans les 30 jours précédents la progression de la maladie.

Surrisque de thrombose

L'analyse a porté sur 560 patients ayant reçu l’amivantamab en monothérapie, 536 patients ayant reçu l'association amivantamab+ lazertinib et 252 le lazertinib en monothérapie. Qu'ont observé les chercheurs ?  L'incidence des événements thromboemboliques est plus importante chez les patients recevant l'association amivantamab+ lazertinib (21%) que chez ceux ayant reçu de l’amivantamab (11%) ou du lazertinib (11%) en monothérapie.

Le premier événement thromboembolique est survenu en moyenne 84,5 jours après le début du traitement par l'amivantamab, 79 jours après le début de la prise de l'association et 170 après le début du traitement par lazertinib. Pour l'association amivantamab+ lazertinib, la plupart des TEV se sont développées au cours des quatre premiers mois de traitement. Les TEV les plus fréquentes étaient l'embolie pulmonaire et la thrombose veineuse profonde.

Cela dit, l'incidence des événements thrombotiques graves (grade ≥3), laquelle était relativement basse (amivantamab (5%) ; amivantamab+ lazertinib (6%) ; lazertinib (6%)) était similaire quel que soit le traitement et il n'y a pas eu d'événement thrombotique de grade 5 parmi les patients traités par la combinaison des deux thérapies ciblées.

Les facteurs de risque significatifs de survenue d'une TEV identifiés dans ce travail étaient un âge supérieur ou égal à 60 ans, un score de 1 sur l'échelle de statut de performance-ECOG et la réponse au traitement ( P < 0,05).

Lors d'une conférence de presse organisée par l'Institut Curie en amont du congrès de l’ASCO, Nicolas Girard a déclaré : « on met en évidence un surrisque de caillot sanguin avec l'utilisation de cette combinaison de thérapies ciblées. Aussi il faudrait donc proposer des mesures préventives, comme ajouter des anticoagulants. C'est une étude importante pour la suite du développement de ces thérapies ».

Dans un communiqué, le pneumologue rappelle que « l’Institut Curie est particulièrement attentif à cette question du risque de survenue de thrombose chez les patients atteints de cancer». Le projet DASTO, dédié à cette question et coordonné par l’Institut Curie, vise à corréler les données issues de plusieurs Centres de lutte contre le cancer en France et celles de la sécurité sociale pour comprendre les facteurs de risque, améliorer la prise en charge des patients, l'évolution du parcours de soin et faire de la prévention sur cet évènement indésirable »

Il faudrait proposer des mesures préventives, comme ajouter des anticoagulants. C'est une étude importante pour la suite du développement de ces thérapies.

 

Le Pr Girard a des liens d’intérêts avec Amgen, AstraZeneca, AbbVie, BMS, Daiichi Sankyo, Ipsen, Janssen, Roche, Lilly, Medtronic, MSD, Novartis, OSE Pharma, Pfizer, Sanofi et Sivan.

 

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