Paris- France – L’anaphylaxie aux venins d’hyménoptères (guêpes, abeilles, frelons, fourmis…) est la 1ère cause d’anaphylaxie en Europe chez l’adulte et la deuxième cause chez l’enfant. Le problème est donc fréquent et pourrait prendre encore de l’ampleur alors que le réchauffement climatique contribue à l’expansion et à la redistribution de ces espèces d’insectes.
Lors du Congrès Francophone d’Allergologie (CFA), une session a été dédiée au sujet au cours de laquelle la Dre Catherine Neukirch (AP-HP, hôpital Bichat, Inserm 1152) a fait le point sur l’importance de faire le distinction entre les réactions croisées aux hyménoptères et les co-sensibilisations afin de proposer la bonne désensibilisation au patient.
Les piqûres d’hyménoptères sont extrêmement fréquentes à tous les âges de la vie. En Europe, les piqûres de guêpes sont les plus fréquentes (70%), suivies des piqûres d’abeilles (environ 20-25%, surtout les apiculteurs) et des piqûres de frelons (4 à 10%).
De l’importance de l’interrogatoire
Le diagnostic et la prise en charge de l’allergie aux venins d’hyménoptère débute par le recueil de l’histoire clinique et la précision des symptômes.
« Lorsqu’il y a une réaction clinique, il est important de repérer les comorbidités du patient et les cofacteurs d’aggravation comme le stress lié à la piqûre, la chaleur et la consommation d’alcool. Il est par ailleurs important d’éliminer les diagnostics différentiels (attaque de panique, malaise vagal…). Enfin, reconnaitre l’insecte est compliqué. Or, il faut trouver le bon traitement pour le bon malade et ne pas se tromper dans la désensibilisation », a souligné l’oratrice.
En effet, lors d’une allergie après une piqûre d’hyménoptère, l’insecte piqueur est rarement identifié de façon certaine par le patient. Des chercheurs espagnols ont par exemple observé que l’identification visuelle entre les deux espèces de guêpes Vespula ou Poliste par le patient est incorrecte dans 27,7 à 41,9% des cas et que celle de leurs nids l’est dans 70,5 à 81,7 % des cas.
Pour tenter d’identifier l’insecte piqueur, il peut être utile de montrer des photos et de faire préciser le contexte de la piqûre (région de France, randonnée, pique-nique, récolte de miel…) mais le bilan biologique sera d’une grande aide.

Image 1 (left): Guêpe Vespula
Image 2 (right): Guêpe Poliste
S’aider de la biologie pour proposer la bonne désensibilisation
Le bilan allergologique va permettre de confirmer les mécanismes IGE médiés, de déterminer précisément à quel venin d’insecte le patient est allergique.
Les tests cutanés restent l’examen de choix suivis des IGE d’extraits complets mais une positivité à plusieurs hyménoptères est souvent retrouvée lors de ces tests car les extraits utilisés contiennent aussi bien des allergènes spécifiques que croisants.
Par exemple, une double positivité abeille/guêpe est retrouvée dans 25 à 40 % des cas et dans le sud de l’Europe, une double sensibilisation guêpes Vespula/guêpes Polistes dominula est retrouvée dans 50 à 60 % des cas.
« Parfois, on peut avoir une authentique allergie à deux familles d’hyménoptères mais parfois les venins contiennent des allergènes qui ont des homologies de structure entre les deux familles d’insectes, ce sont des réactivités croisées », précise l’intervenante.
L’utilisation d’IgE spécifiques d’allergènes moléculaires est alors nécessaire pour pouvoir interpréter avec justesse ces positivités multiples et proposer un traitement adapté.
Quelle désensibilisation choisir ?
Pour distinguer les sensibilisations aux abeilles de celles aux guêpes (Vespula ou Polistes), il faudra donc rechercher la positivité à des IgE d’allergènes moléculaires spécifiques de l’espèce. Il s’agit par exemple pour l’abeille Apis Mellifera de Api m 1 (pas assez sensible), Api m 3, Api m 4 et Api m 10. Pour la guêpe Vespula, de Ves v1 et Ves v 5 et pour la guêpe Poliste, de Pol d1 et Pol d 5.
« Plus on dose les allergènes moléculaires spécifiques, plus on obtient un résultats sûr », insiste l’allergologue.
Il est plus difficile de faire la distinction entre les deux types de guêpes mais il est possible, notamment, de faire un ratio Ves v 5 (allergène de la guêpe Vespula)/Pol d 5 (allergène de la guêpe Poliste) ou le contraire. « Si ce ratio est supérieur d’un facteur deux, alors on peut se dire que la personne est allergique à l’une des guêpes plutôt qu’à l’autre », explique la praticienne.
Cependant, en pratique lorsqu'une grande incertitude entoure la sensibilisation primaire à l’une ou l’autre des guêpes ou que la sensibilisation aux deux types de guêpes a été démontrée, une thérapie avec deux venins est conseillée pour garantir la sécurité du patient. Dans ce cas, une stratégie d'administration alternée est envisageable.
« En France, les désensibilisation aux deux guêpes sont proposées l’une après l’autre. Mais, il existe différents protocoles, en Espagne, les deux désensibilisations se font en parallèle : une fois la Vespula, une fois la Poliste », précise la Dre Neukirch.

Tableau des réactions croisées. D’après Muraro A. (EAACI Allergy 2022)
En ce qui concerne l’anaphylaxie au frelon européen Vespa Crabro, il n’existe pas d’ITA spécifique. Cependant, il y a une forte homologie de structure entre certains antigènes du frelon européen et de la guêpe Vespula.
« En pratique, il est donc possible de proposer une désensibilisation à la guêpe Vespula quand on a été piqué par un frelon européen et que l’on a fait une anaphylaxie. Parfois on augmente les doses à 200 ug, cela dépend des facteurs de risque des patients », a expliqué la Dre Neukirch.
Concernant le frelon asiatique, une étude sur 5 patients avec anaphylaxie à ce frelon a montré que la désensibilisation à la guêpe Vespula protégeait contre une repiqûre ultérieure par le frelon asiatique, là encore probablement du fait d’une parenté allergénique.
Pour ce qui est de la fourmi Solenopsis invicta « fourmi de feu » (présente en Guadeloupe), il existe des immunothérapies aux Etats-Unis mais pas en France.
Entre la guêpe Vespula et la fourmi Solenopsis invicta « fourmi de feu » (présente en Guadeloupe), des identités de séquences sont présentes mais moins importantes qu’entre les espèces citées précédemment.
« Lors d’une allergie aux piqûres de fourmis, se pose la question de la désensibilisation à la guêpe Vespula mais les données sont encore maigres », souligne l’allergologue.
Enfin, pour l’anaphylaxie au bourdon (survenant principalement chez les maraichers), il n’existe pas non plus d’immunothérapie spécifique en France. Cependant, entre l’abeille et le bourdon, plusieurs allergènes ont des structures proches, « il sera donc possible de bénéficier de l’immunothérapie contre l’abeille avec l’espoir d’une bonne efficacité », indique la Dre Neukirch.
A noter qu’une franche augmentation de la sensibilisation au venin de guêpe Vespula a été retrouvée chez les patients ayant un syndrome alpha-gal « allergie à la viande rouge ou allergie à la morsure de tique ». Il y aurait probablement une réactivité croisée entre le venin de guêpes et les protéines de tiques. « Mais nous ne savons pas quelle est la pertinence clinique de cette réactivité à ce jour », explique la Dre Neukirch.
Enfin, il existe une réactivité croisée aux CCD (épitopes de glycoprotéines ) qui donne des faux positifs. Ces CCD sont aussi présents de façon ubiquitaire dans les plantes et les pollens. Jusqu’à 75 % d’une double sensibilisation guêpe/abeille peut être liée aux CCD.
Une fois le(s) venin(s) incriminé(s) identifié(s), la désensibilisation se fait par injections sous-cutanées répétées du ou des venins identifiés selon un protocole plus ou moins rapide et qui se poursuit sur plusieurs années.
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Citer cet article: Anaphylaxie aux hyménoptères : proposer la bonne désensibilisation - Medscape - 31 mai 2023.
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