Bruxelles, Belgique — Après le THC du cannabis et le CBD, voici le HHC, une nouvelle substance psychoactive. Pour l’instant, ce cannabinoïde semi-synthétique est en vente libre en France par exemple, alors qu'il est proscrit en Belgique. L’alerte est lancée sur le territoire européen bien que difficile à identifier. Faut-il en traquer l’usage ? Un expert belge doute de l’efficacité de la mesure de l’interdiction.
Il est signalé depuis moins d’un an sur le territoire européen. Son danger ? Ne pas être (encore) considéré comme un produit illégal, alors qu’il semble fournir des effets psychotropes aussi puissants que le cannabis hautement dosé en THC. Il s’agit de l’hexahydrocannabinol, abrégé en HHC, décrit longuement dans un nouveau rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). Synthétisé à partir de cannabidiol (CBD) extrait de plantes de cannabis à faible teneur en THC (chanvre), il s’agit du premier cannabinoïde semi-synthétique (SSC) signalé dans l’Union européenne. Bien que décrit pour la première fois dans la littérature scientifique en 1940, le HHC a été initialement identifié en Europe en mai 2022. Il est surveillé en tant que nouvelle substance psychoactive (NPS) par le système d’alerte précoce (SAP) de l’UE depuis octobre 2022.
Peu de connaissances sur les effets et les risques du HHC
À l’heure actuelle, on en sait relativement peu sur les effets et les risques de l’utilisation de HHC. Au 31 mars 2023, des identifications de HHC avaient été signalées par 20 États membres de l’UE et la Norvège, dont la Belgique. Au moment de la rédaction du rapport, le HHC n’était pas contrôlé dans la plupart des pays européens et ni répertorié dans les conventions des Nations Unies de 1961 et 1971. Depuis que le HHC a été détecté pour la première fois en Europe, deux autres SSC, l’acétate de HHC (HHC-O) et l’hexahydrocannabiphorol (HHC-P), ont également été identifiés sur le marché européen des drogues.
D’après l’EMCDDA, « ces développements pourraient signaler le premier changement majeur sur le marché des substituts “légaux” du cannabis depuis que les produits de type Spice (contenant des agonistes synthétiques des récepteurs cannabinoïdes) sont apparus en Europe il y a un peu plus de 15 ans. Selon un petit nombre d’études en laboratoire, le HHC semble avoir des effets globalement similaires à ceux du THC, la principale substance psychoactive du cannabis. Les effets pharmacologiques et comportementaux du HHC chez l’homme n’ont pas été étudiés, bien que de récents rapports anecdotiques de consommateurs indiquent que ses effets pourraient être similaires à ceux du cannabis ».
Les experts européens soulignent que « le HHC est vendu ouvertement en remplacement des produits à base de cannabis et de THC dans des gammes de produits (avec ou sans marque) très attrayants. Ces produits incluent des fleurs et de la résine de cannabis (chanvre) à faible teneur en THC, auxquelles du HHC a été pulvérisé ou mélangé (l'apparence et l'odeur sont celles du cannabis illicite). Le marketing et la publicité font souvent des comparaisons avec les effets du cannabis et du THC ».
Depuis octobre 2022, l’OEDT a reçu des rapports d’environ 50 saisies de produits contenant du HHC via le SAP (système d’alerte précoce), représentant environ 70 kg et près de 100 litres de matériel. Alors que la plupart d’entre elles étaient à petite échelle, trois saisies importantes en Italie, en Pologne et en Allemagne suggèrent un commerce potentiellement plus important. Les experts soulignent que « le HHC peut être utilisé par les consommateurs de cannabis existants et les nouveaux consommateurs attirés par ses effets et son statut juridique, y compris les jeunes et d’autres personnes inexpérimentées. Dans certains cas, la facilité d’accès (par exemple via le CBD et les magasins de vapotage) peut favoriser l’utilisation ».
Une grande facilité d’accès
On peut en effet trouver cette molécule dans des bonbons aromatisés, des huiles, des gouttes à mettre sous la langue et du liquide pour les vapoteuses. Selon les consommateurs, ses effets sont parfois proches de ceux de la drogue interdite en France, un effet "planant", de relaxation, euphorisant, et même de "défonce".
« Comme pour le THC, on va retrouver une sensation d'énergie augmentée, des phénomènes hallucinatoires, un sentiment d'euphorie », détaille Amine Benyamina, le président de la Fédération française d’addictologie, interrogé par France Info. « Il y aussi une augmentation de l'appétit. Parfois, une altération de la perception et du temps, une augmentation de la température du corps", ajoute le chef du service psychiatrie et addictologie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif.
« Il y a un trou dans la raquette qu’il faut combler rapidement »
Les réactions se multiplient en Europe : le ministre de la Santé François Braun (France) a annoncé le 15 mai que les produits à base de HHC seront sûrement bientôt interdits. Ces produits « profitent d’une faille de classification », a expliqué François Braun. « Je pense que c’est une affaire de semaines », a déclaré le ministre sur Franceinfo. « Ils ne sont pas classés comme produits stupéfiants. Je pense très honnêtement qu’ils le seront rapidement maintenant. Il y a un trou dans la raquette qu’il faut combler rapidement pour ne plus avoir cette vente libre qui est tout à fait anormale », a conclu le ministre, renvoyant la décision à un avis prochain de l’agence du médicament (ANSM).
C'est d'ailleurs déjà le cas en Belgique depuis février dernier. « L’hexahydrocannabinol (HHC) a été repris dans l’arrêté royal du 6 septembre 2017 portant sur la réglementation des stupéfiants et des substances psychotropes avec la modification du 8 février 2023. La détention ou la vente ne sont donc autorisées qu’en possession d’une licence d’activité pour les stupéfiants et les substances psychotropes », explique l’Agence fédérale du médicament et des produits de santé (AFMPS). En pratique, cela signifie que toute personne qui veut exercer de manière légale des activités avec des stupéfiants ou des substances psychotropes doit être autorisé à cet effet par l’AFMPS. Il s’agit ici par exemple de fabricants et distributeurs par exemple de médicaments, de grossiste-répartiteurs ou de laboratoires qui analysent des médicaments. Et que la vente en boutique de CBD ou de cigarettes électroniques est donc déjà proscrite.
« La prohibition ? C’est clairement un échec, pour tous les produits concernés »
Qu’en est-il du côté des consommateurs ? « Si le cannabis reste bien le premier produit illégal consommé comme drogue, il est effectivement apparu plusieurs substances synthétiques, des THC synthétique, sur le marché. Mais il est difficile de se faire une idée de la consommation réelle de ce produit. Les trafiquants gardent le flou sur le produit, comme ils le font sur l’ecstasy, par exemple. Sous le même nom qui désigne les amphétamines, on va trouver non seulement la « vraie ecstasy », la MDMA, mais aussi d’autres substances comme la MDEA », explique Antoine Boucher, porte-parole de Infor-Drogues, association belge qui offre de l’information, de l’aide et des conseils à tout un chacun confronté à la problématique des drogues. « Il en est de même pour les différents cannabinoïdes. Ce n’est pas la plante qui est interdite, mais la molécule. En la modifiant, on échappe aux sanctions renforcées qui frappent le trafic de ces substances. »
Faut-il alors faire entrer au plus vite le HHC dans la liste des produits interdits ? « Il faut se poser la question de l’efficacité de la prohibition. C’est clairement un échec, pour tous les produits concernés. On vient d’interdire le protoxyde d’azote (gaz hilarant) mais en ne menant aucun travail pédagogique auprès des jeunes qui en sont de fervents consommateurs. Cela conforte auprès de l’opinion que ces consommateurs sont des délinquants, qu’ils sont irrécupérables et perdus pour la société. On ferait mieux de leur expliquer le tort qu’ils font à leur santé et les risques qu’ils prennent mais on n’avance pas d’un centimètre dans la problématique des drogues quand on érige un interdit. De plus, comment voulez-vous que le policier ou le douanier fasse la distinction entre tous ces produits qui ont une apparence commune ? »
L’expert souligne également que se priver légalement d’une substance comme le cannabis entraîne sa criminalisation alors qu’il est prouvé que le cannabis peut aider des patients dans le cadre de la sclérose en plaques, de la maladie d’Alzheimer ou de certaines psychoses. « L’interdit n’a pas de vertu thérapeutique », conclut Antoine Boucher.
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape
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Citer cet article: Alerte au nouveau cannabinoïde HHC - Medscape - 31 mai 2023.
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