Remplacement valvulaire aortique: quelle technique pour éviter l’obstruction coronarienne?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

30 mai 2023

Paris, France — De plus en plus envisagé, le remplacement d’une bioprothèse valvulaire aortique défaillante par l’insertion d’une nouvelle valve aortique par voie transcutanée (TAVI) est associé à un risque non négligeable d’obstruction des artères coronaires. Quelle technique choisir pour éviter cette complication?

Un essai, dont les résultats ont été présentés lors du congrès EuroPCR2023, a comparé pour la première fois les performances du stenting Chimney et de Basilica, les deux méthodes actuellement utilisées [1].

Le taux de succès et les résultats cliniques à un an sont comparables. Néanmoins, la pose de stents à l’entrée des artères coronaires (stenting Chimney) avant de déployer un TAVI est associée à une mortalité cardiovasculaire plus élevée, comparativement à une section préalable des valves défaillantes par électrochirurgie percutanée (méthode Basilica).

Chaque technique ayant ses avantages et ses inconvénients, « il est difficile de dire quelle est la meilleure solution », a commenté le Dr Antonio Mangieri (Humanitas Research Hospital, Milan, Italie), principal auteur de l’étude lors d’une conférence de presse. « Je pense qu’il faut tout de même garder en tête que le stenting Chimney est associé à davantage de mortalité cardiovasculaire ».

Je pense qu’il faut tout de même garder en tête que le stenting Chimney est associé à davantage de mortalité cardiovasculaire. Dr Antonio Mangieri

 

Le Pr Alain Cribier (CHU de Rouen), qui est intervenu à la fin de la présentation du Dr Mangieri lors d’une session late-breaking du congrès, a rappelé que la technique Basilica nécessite de l’entrainement avant de la maitriser, comparativement au stenting, nettement plus accessible pour un cardiologue interventionnel expérimenté.

« Cependant, le problème qui se pose avec le stenting Chimney est l‘accès futur aux artères coronaires », en cas de lésion ischémique, a-t-il souligné.

Risque accru d’obstruction avec un TAVI-in-TAV

Avec une incidence globale de 1% et une mortalité de plus de 50%, l’obstruction coronarienne survenant lors de l’implantation d’un TAVI est une complication rare, mais grave. Elle est plus fréquente lors du remplacement d’une bioprothèse par la procédure valve-in-valve, une procédure en développement qui consiste à implanter une nouvelle valve TAVI à l’intérieur de la prothèse défaillante.

Lorsque la prothèse est déployée, le risque est d’écraser les feuillets de la valve native ou de la bioprothèse à remplacer contre les deux entrées des artères coronaires, qui se situent juste au-dessus de l’anneau aortique. Cette complication est particulièrement redoutée lorsqu’un TAVI est implanté dans un ancien TAVI (TAVI-in-TAV), en particulier avec des prothèses en supra-annulaire.

Chez les patients à risque, le praticien dispose de deux options pour prévenir l’obstruction: poser un stent avant d’implanter le TAVI avec une extrémité du stent dans l’entrée de l’artère coronaire et l’autre laissée libre dans l’anneau aortique (stenting Chimney) ou sectionner les valves natives ou celles de la prothèse défaillante par électrochirurgie (procédure Basilica).

Alors que le stenting Chimney était dans un premier temps utilisé, « la méthode Basilica a été proposée pour surmonter les limites potentielles du stenting, qui incluent le risque de torsion [du stent], de resténose ou de thrombose », a commenté le Dr Mangieri, lors de sa présentation. Des complications qui peuvent rendre plus difficile une future intervention percutanée sur la valve ou les artères coronaires.

« Il existe peu de données sur l’évaluation de ces deux techniques et encore moins d’études comparatives », a souligné le cardiologue italien. C’est pour cette raison qu’il a mené avec ses collègues une étude retrospective à partir des données issues de centres de plusieurs pays (Etats-Unis, Suisse, Italie, Pays-Bas…) pratiquant les deux approches.

6,7% de décès cardiovasculaires avec Chimney

Au total, l’étude a analysé les données de 168 patients ayant bénéficié d’une intervention percutanée par stenting coronaire Chimney (n=71) ou par Basilica (n=97) avant de recevoir un TAVI, en grande majorité dans le cadre d’une procédure valve-in-valve. Ils étaient âgés en moyenne de 80 ans et un tiers d’entre eux étaient des femmes.

Les caractéristiques cliniques des patients étaient similaires entre les deux groupes. Les patients pris en charge avec la technique Basilica étaient toutefois plus à risque d’obstruction (entrées des artères coronaires plus étroites, plus proches de l’anneau aortique…).

Dans le groupe stenting Chimney, 45% des patients ont eu une pose de stent dans chacune des deux entrées des artères coronaires. Lorsqu’un seul stent était posé, l’entrée de l’artère coronaire principale gauche était privilégiée (38% contre 17% dans l’artère coronaire droite). Avec la technique Basilica, les deux feuillets à risque d’obstruction étaient dans la majorité des cas sectionnés (86%).

Les résultats montrent un taux de succès de la procédure sans survenue d’obstruction coronaire similaire dans les deux groupes (98,5% avec Chimney contre 97% avec Basilica). A noter que le temps d’intervention est le même avec les deux méthodes (environ 2h30).

Le taux d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs (infarctus du myocarde, décès cardiovasculaire, AVC ou revascularisation sur lésion cible) est également semblable à un an (18,7% contre 19,9%). En revanche, concernant uniquement les décès cardiovasculaires, le taux est plus élevé dans le groupe Chimney (6,7% contre 1,3%).

La procédure Basilica associée à un risque d’embolisation

Autre point négatif de la procédure Chimney: « elle réclame une quantité plus importante de [produits de] contraste, ce qui augmente le risque d’insuffisance rénale aiguë », a commenté le Dr Mangieri.

Les taux des complications péri-procédurales se montrent d’ailleurs en faveur de Basilica. L’incidence de l’insuffisance rénale aigüe péri-procédurale est de 7% dans le groupe Chimney, contre 2% dans le groupe Basilica. Les hémorragies majeures sont légèrement plus fréquentes avec Basilica (9,3% contre 8,5% avec Chimney), mais les saignements mineurs nettement moins nombreux (6,2% contre 15,5%).

« On observe de bons résultats avec la méthode Basilica. Elle préserve davantage la physiologie [de la valve] et évite d’implanter des stents dans l’aorte ». Néanmoins, cette méthode, qui nécessite une échographie pour guider l’opération, est plus complexe à réaliser et présente aussi quelques inconvénients, a précisé le cardiologue

« Si la section de la valve est trop latérale, l’ouverture du feuillet n’est pas suffisante et le risque d’obstruction persiste ». Autre inconvénient majeur: « la technique est associée à un risque d’embolisation », ce qui implique de recourir à un dispositif (filtre) pour éviter une embolie cérébrale.

Malgré tout, « je pense que Basilica est la technique du futur. Peut-être avec le développement de dispositifs qui pourraient faciliter la procédure », a conclu le Dr Mangieri.

Je pense que Basilica est la technique du futur. Peut-être avec le développement de dispositifs qui pourraient faciliter la procédure. Dr Antonio Mangieri

 

 

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