Étude de cas : toux persistante chez un homme âgé

Dr Thomas Kron

Auteurs et déclarations

30 mai 2023

Chez les patients cancéreux présentant une forte leucocytose, des facteurs iatrogènes tels que le traitement par stéroïdes et facteurs de croissance doivent être envisagés comme causes. Une fois ces causes possibles exclues, il faut encore penser à une origine paranéoplasique. [1]

Présentation

Un homme de 73 ans s'est rendu aux urgences en raison d'une toux persistante depuis quatre semaines, d'un abattement et d'une perte d'appétit. La toux avait une fois été teintée de sang. Aucune fièvre n'a été rapportée. Le patient est un grand fumeur (40 paquets par an).  

Examens

Le patient est mince, pleinement orienté, son état général est réduit.

La fréquence cardiaque est de 98 battements par minute, la tension artérielle est normale, et la fréquence respiratoire est de 15 respirations par min. L’auscultation des poumons montre des bruits respiratoires atténués dans la région apicale droite. Les résultats sont normaux par ailleurs, sans crépitants.

La valeur de la protéine C-réactive est nettement accrue (jusqu'à 143mg/l, valeur normale <5mg/l), et celle de la procalcitonine est normale.

Autres résultats :

  • Frottis de gorge : pas d'infection par le SARS-CoV-2, grippe A et B ou virus respiratoire syncytial (VRS)

  • Hémocultures stériles

  • Analyse de sang : leucocytose marquée (91/nl), neutrophilie prédominante

  • Frottis sanguin : déplacement vers la gauche sans détection de blastes

  • Thrombocytose (554/nl) et anémie normocytaire légère

  • Diagnostic radiologique et tomodensitométrie du thorax : dans le lobe supérieur droit, on voit une zone de consolidation triangulaire avec un broncho-aérogramme positif

Premier diagnostic, traitement et évolution

Le diagnostic présumé a été celui de pneumonie acquise en ambulatoire. Après son hospitalisation, l'homme a donc reçu de l'ampicilline/sulbactam par voie intraveineuse ; ensuite, l'antibiothérapie a été relevée en raison de la persistance de paramètres infectieux élevés, d'abord sur pipéracilline/tazobactam avec clarithromycine, puis sur méropénème avec clarithromycine ; la thérapie s'est toutefois montrée inefficace, ce qui a nécessité une recherche diagnostique plus approfondie : 

  • Recherche d'agents pathogènes pour l'antigène de la légionellose dans l'urine ainsi que des sérologies pour les agents pathogènes atypiques de la pneumonie : résultats négatifs.

  • Lavage bronchique : aucun germe détectable

  • Test PCR négatif pour les virus, les bactéries et les champignons

  • En raison de la possibilité d'un carcinome occulte, une bronchoscopie avec lavage broncho-alvéolaire et biopsie sont réalisées. Résultats de la bronchoscopie : bronchite chronique atrophique modérée avec muqueuse enflée et ostium étroit dans le lobe supérieur droit

  • Analyse histologique de tissus prélevés par voie transbronchique : adénocarcinome mal différencié, solide et à croissance diffuse (primitif)

  • Négativité immunohistochimique pour le mélanome A (exclusion d'une métastase d'un mélanome connu par l'anamnèse)

  • 40 % des cellules tumorales PD-L1-positive (programmed cell death 1 ligand 1)

  • Pas de mutations pilotes pertinentes pour la thérapie en BRAF, EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor), ALK (Anaplastic Lymphoma Kinase) et ROS1

  • Scintigraphie osseuse, scanner thoraco-abdominal et échographie hépatique avec produit de contraste : sans détection de métastases à distance

  • IRM cérébrale : micrométastases cérébrales sans corrélation clinique

  • Biopsie de la moelle osseuse : granulopoïèse avec maturation normale sans signe de dysplasie ; pas de carcinose de la moelle osseuse

Les leucocytes ont continué à augmenter malgré un large traitement antibiotique (maximum après quatre semaines, environ 178.000/μl). Les médecins ont donc établi le diagnostic d’hyperleucocytose paranéoplasique avec adénocarcinome pulmonaire nouvellement diagnostiqué. En raison de la tumeur maligne, l'homme a reçu une chimiothérapie, mais est décédé après le deuxième cycle de traitement.

Discussion

Chez les patients présentant des carcinomes et une leucocytose inexpliquée, les auteurs rapportant ce cas concluent qu'il faut également envisager une origine paranéoplasique. [1] Ils font état d'une étude rétrospective portant sur 758 patients atteints de tumeurs solides et présentant une leucocytose > 40 000/μl. Une genèse paranéoplasique est en jeu dans 10 % des cas. L'entité tumorale la plus fréquente est le carcinome bronchique non à petites cellules. Selon les auteurs, les leucocytoses paranéoplasiques sont corrélées à une croissance plus rapide de la tumeur, à une moins bonne réponse au traitement et à une survie significativement inférieure. On suppose que le G-CSF produit par la tumeur entraîne la mobilisation de cellules myéloïdes CD11b+Gr1+ qui, à leur tour, favorisent l'angiogenèse tumorale, la métastase et la suppression de la réponse des cellules T. 

Il n'existe actuellement aucune donnée probante sur la gestion de l'administration secondaire de G-CSF en cas de neutropénie induite par le traitement après une leucocytose paranéoplasique. Dans le cas de ce patient de 73 ans, l'administration iatrogène de G-CSF dans le nadir aurait rapidement entraîné une nouvelle leucocytose excessive. Comme un effet stimulant supplémentaire sur les cellules myéloïdes CD11b+Gr1+ par le facteur de croissance ne peut être exclu, le traitement devrait être soumis à un examen critique.

 

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