Sécu : la Cour des comptes veut serrer la vis ces deux prochaines années

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

26 mai 2023

France – Si les hospitaliers et les médecins libéraux crient famine et demandent tous, à l'unisson, des moyens supplémentaires, la Cour des comptes de son côté dénonce une gabegie en matière de dépenses sociales et appelle les responsables à serrer la vis – au moins sur la période 2023 / 2024. Car si les comptes de la sécurité sociale s'améliorent d'année en année après les dépenses folles des années Covid (principalement en 2020 et 2021), le déficit reste marqué. C’est en tout cas ce qui ressort du dernier rapport des Sages sur l’application des lois de sécurité sociale.

21 milliards de déficit pour l’assurance maladie

Le déficit sur l’ensemble des branches (maladie, vieillesse, famille, autonomie, accidents du travail) atteint 19,6 milliards d'euros, un mieux de 9,7 milliards par rapport à 2021.

La seule branche maladie est en déficit de 21 milliards, « en aggravation de 1,9 milliard par rapport à la prévision initiale ». Ce déficit est compensé par d'autres branches excédentaires, comme accidents du travail, famille, autonomie.

Les prévisions en matière de dépense d'assurance maladie pour les années à venir apparaissent particulièrement ambitieuses aux yeux de la Cour des comptes : l'objectif de dépenses (Ondam) progresserait de 2,9%, soit à « peine plus que l'inflation à 2,8% » .

À titre de comparaison, la progression des dépenses sur l'année 2022 a dépassé les 5%. Cette forte progression, hors mesures Covid, est due principalement à des mesures de revalorisations salariales issues du « Ségur de la santé », soit 2,4 milliards d'euros, et de l'augmentation du point d'indice dans la fonction publique, soit 1,5 milliard d'euros.

Quoi qu'il en soit, tenir une progression à 2,9% des dépenses d'assurance maladie implique des mesures d'économies drastiques, considère la Cour des comptes. Et ça semble mal parti pour l'année 2023, car la progression des dépenses est d'ores et déjà estimée à + 3,8% par rapport à 2022.

Meilleure information sur les cliniques

Pour redresser la barre et mieux contrôler les dépenses de santé, la Cour de compte propose un éventail de mesures comptables. Qui suppose, par exemple, une meilleure connaissance des comptes des établissements de santé, en particulier des cliniques et des établissements privés non lucratifs, lesquels passent sous les radars du Parlement.

Les experts de la cour des comptes préconisent aussi de récupérer les dépassements de budget des établissements de santé sur l'année n+1.

Un stop aux expérimentations

Les contrôleurs des comptes tiennent aussi à rappeler aux hospitaliers, qui ont mené des dizaines d'expérimentations en tout genre depuis la promulgation de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale 2018, qu'il est désormais impérieux d'arrêter de multiplier les projets.

La Cour des comptes préconise de stopper les expériences qui n'ont rien donné et de généraliser au plus vite celles qui semblent les plus prometteuses. La Cour requiert aussi une évaluation globale de l'ensemble de ces expérimentations.

Les Samu, sujets de préoccupation

Autre préoccupation : la hausse de l'activité des Samu/Smur : « En sept ans, depuis 2014, le nombre d’appels reçus par les services d’aide médicale d’urgence (Samu) a augmenté de 22 %», établit la Cour.

Pour juguler cette hausse, la Cour propose de rapprocher certains services de régulation médicale, de recourir à des infirmiers quand cela est possible, de généraliser le service d'accès aux soins (SAS), qui permet de contrôler l'accès aux urgences en basculant tout ce qui relève de la bobologie vers la médecine de ville.

Fraude sociale

La lutte contre la fraude sociale est aussi un des moyens brandis par la Cour des comptes pour faire des économies, d'autant qu'elle avait listé une quinzaine de recommandations en 2020 pour vaincre ce fléau. Trois ans après, elle estime que les progrès sont insuffisants. Pour la seule assurance maladie, l'estimation de la fraude atteint entre 3,8 et 4,5 milliards d'euros. « L’assurance maladie doit notamment s’attacher à mettre en échec les surfacturations émanant des professionnels et des établissements de santé, en faisant évoluer ses systèmes informatiques de gestion des remboursements », estime-t-elle, tout en demandant que les contrôles soient de plus en plus nombreux.

Maitrise médicalisée

Autre cible de la cour des comptes : la maitrise médicalisée, qui a pour but la pertinence de la dépense, en recherchant à éviter un recours inutile aux soins (prescription de produits de santé inadaptés, etc), et dont les objectifs lui paraissent trop modestes. Ainsi les économies engendrées par la maitrise médicalisée rapportent chaque année entre 700 et 800 millions d'euros, alors même que la Cour estime que la gabegie en matière de prescription est de l'ordre de 12 à 18... milliards d'euros l'année.

Pour améliorer les résultats, la Cour des comptes demande que de nouveaux outils soient mis à disposition des médecins prescripteurs et de l'assurance maladie, qui comprendrait « les référentiels de pratique à l’attention des professionnels de santé, ainsi que la codification des diagnostics et des prescriptions sous la forme de données structurées pour en permettre des exploitations numériques ».

Les contrôleurs veulent aussi rendre obligatoire la prescription électronique, « ainsi que les indications médicales justifiant ces prescriptions », et mieux contrôler les prescriptions hors AMM.

 

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