Un homme a pu remarcher grâce à une interface homme-machine

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

26 mai 2023

Lausanne, Suisse – Un homme de 40 ans, paraplégique suite à un accident de vélo, a retrouvé l’usage de ses jambes grâce à la technologie cerveau-machine qui transforme la pensée en action.

Une prouesse issue des nouvelles recherches de l’équipe suisse de Grégoire Courtine, connue pour ses travaux sur la neuro-réadaptation et obtenue grâce à une collaboration efficace avec les chercheurs de Lausanne travaillant à l’EPFL, au CHUV, et à l’UNIL, dont la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, et des chercheurs français du CEA/CHUGA/UG de Grenoble.

L'article « Walking naturally after spinal cord injury using a brain-spine interface » a été publié dans Nature Medicine [1].

Contrôle des membres par la pensée

Grégoire Courtine, le scientifique français émigré à Lausanne – où il dirige désormais un laboratoire de recherche –, poursuit ses travaux visant à faire remarcher les personnes paralysées. Après avoir étudié les rongeurs et les primates, il vient de publier dans Nature Medicine un article où il explique comment, avec son équipe, il a permis à un néerlandais de 40 ans, atteint d’une lésion de la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales suite à un accident de vélo qui l’a laissé paraplégique, de retrouver un contrôle naturel du mouvement de ses jambes paralysées.

« Nous avons développé un pont digital sans fil entre le cerveau et la moelle épinière en utilisant la technologie Brain-Computer Interface (BCI) qui transforme la pensée en action », résume Grégoire Courtine dans un communiqué [2]. Grâce à ce pont digital, le patient peut désormais à nouveau se tenir debout, marcher, et même monter un escalier (voir son témoignage ci-dessous).

https://twitter.com/_NeuroRestore/status/1661394788753502208

 

En quoi consiste ce fameux pont digital sans fil ? Deux types d’implants électroniques sont nécessaires. « Nous avons implanté des dispositifs WIMAGINE® au-dessus de la région du cerveau (voir tweet) qui est responsable des mouvements des jambes », explique la neurochirurgienne Jocelyne Bloch.

Ce dispositif développé par le CEA de Grenoble et permet de décoder les signaux électriques générés par le cerveau lorsque nous pensons à marcher.

« Parallèlement, un neurostimulateur connecté à un champ d’électrodes a été positionné sur la région de la moelle épinière qui contrôle le mouvement des jambes. »

Cette façon de procéder est très innovante« Ce qui est impressionnant, c'est que tout est sans fil. Les implants qui sont mis sur le cerveau et sous la moelle épinière sont sous la peau, il n'y a rien d'apparent, et tout est fait digitalement. C'est la première fois qu'on reconnecte deux parties du système nerveux par ce pont digital » a déclaré la neurochirurgienne au micro de RadioFrance.

Guillaume Charvet, responsable du programme BCI au CEA, ajoute : « Grâce à des algorithmes basés sur des méthodes d’intelligence artificielle adaptatives, les intentions de mouvement sont ainsi décodées en temps réel à partir des enre- gistrements du cerveau ». Ces intentions sont ensuite converties en séquences de stimulation électrique de la moelle épinière, qui à leur tour activent les muscles des jambes pour réaliser le mouvement désiré.

 

De gauche à droite : Les chercheurs Guillaume Charvet, Henri Lorach, le patient Gert-Jan, la neurochirurgienne Jocelyn Bloch et le neuroscientifique Grégoire Courtine

Perspectives

Mais ce n’est pas tout. En s’entrainant assidument à marcher à l’aide de son pont digital, Gert-Jan a progressivement récupéré des fonctions neurologiques qu’il avait perdues depuis son accident, précise le communiqué. Les chercheuses et les chercheurs ont ainsi pu quantifier des améliorations remarquables de ses capacités sensorielles et motrices, même lorsque le pont digital était désactivé. Cette réparation digitale de la moelle épinière laisse présager que des nouvelles connections nerveuses se sont formées.

A ce stade, le pont digital a uniquement été utilisé pour améliorer la marche d’une
personne paraplégique de façon à ce qu’il puisse se déplacer au quotidien. « Ce n'est pas douloureux mais ça reste difficile pour lui de faire de longs trajets », explique Jocelyne Bloch .

A l’avenir, pour restaurer leur fonction, bras et mains pourraient bénéficier d’une  stratégie identique, indiquent Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine. Ce pont digital pourrait, aussi, s’appliquer à d’autres indications cliniques, telle que la paralysie provoquée par un accident vasculaire cérébral.

Les applications potentielles de la technologie sont telles que la compagnie ONWARD Medical (www.onwd.com), en collaboration avec l’EPFL et le CEA, a reçu le soutien de la commission Européenne par l’intermédiaire de son Conseil Européen de l’Innovation pour développer une version commerciale du pont digital.

Objectif : rendre cette technologie disponible à travers le monde.

 

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