Boston, Etats-Unis — Chez les patients asymptomatiques présentant un syndrome radiologique isolé (SRI) prédictif d’une sclérose en plaques (SEP), un traitement oral par l’immunomodulateur tériflunomide (Aubagio®) réduit le risque d’avoir un premier évènement démyélinisant de plus de 60% dans un délai de deux ans, selon une étude de phase 3 présentée lors de la session « Emerging Sciences » du congrès annuel de l’American Academy of Neurology (AAN 2023) [1].
« Ces données confirment qu’une immunomodulation précoce apporte un bénéfice clinique, même pendant la phase présymptomatique de la SEP », a déclaré lors de sa présentation la Pre Christine Lebrun-Frenay (Centres de ressources et de compétences - Sclérose en plaques, CHU de Nice), auteure principale de l'étude.
D’autres essais avec de plus larges cohortes devront toutefois être menés avant d’envisager une intervention thérapeutique plus précoce chez les patients à risque de SEP, estime la neurologue.
Déjà démontré avec le diméthyle fumarate
Le syndrome radiologique isolé se définit par des anomalies de la substance blanche découvertes de manière fortuite sur imagerie par résonance magnétique (IRM), dont les caractéristiques sont compatibles avec les critères diagnostiques radiologiques de la sclérose en plaque (SEP), mais sans la symptomatologie suggérant une démyélinisation. Il s’agit d’une forme infraclinique de la SEP.
Un SRI, tout comme le syndrome clinique isolé (SCI), qui correspond à un premier épisode de symptôme neurologique évocateur d’une SEP (trouble visuel, faiblesse musculaire…), ne permet pas de poser un diagnostic de SEP, mais ces deux entités sont associées à une forte probabilité de répondre aux critères diagnostiques de la SEP, dans un délai moyen de deux ans dans le cas du SRI.
Cet essai est le deuxième à montrer les bénéfices d’un traitement de fond chez des patients asymptomatiques avec un SRI. Présenté lors du dernier congrès de l’ECTRIMS (European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis) et récemment publié, l'essai ARISE a en effet rapporté, après un suivi de 96 semaines, une baisse de 82% du risque d’avoir un premier événement démyélinisant chez ces patients traités par diméthyle fumarate (2x240 mg/jour), comparativement au groupe placebo [2].
Dans cette nouvelle étude baptisée TERIS, le protocole et les résultats obtenus sont similaires à ce qui est observé avec ARISE. Au total, 89 patients présentant les critères diagnostiques d’un RIS ont été randomisés en double aveugle pour recevoir un traitement oral par tériflunomide (14 mg/jour) ou un placebo. La majorité d’entre eux sont des femmes (71%) et l’âge moyen est de 39,8 ans. Ils avaient 38 ans en moyenne au moment du diagnostic du RIS.
Au cours des deux années de suivi, 8 évènements démyélinisants ont été rapportés dans le groupe tériflunomide, contre 20 dans le groupe placebo, soit une baisse du risque de 63% en faveur du traitement par l’immunomodulateur. La différence entre les deux groupes apparait significative environ six mois après le traitement et devient ensuite de plus en plus marquée.
Risque de surtraitement en présymptomatique
Les études ARISE et TERIS apportent désormais la preuve de l’intérêt d’un traitement précoce visant à retarder les événements démyélinisants. « D’autres données issues de cohortes plus larges de patients sont nécessaires pour confirmer ces résultats », a souligné la Pre Lebrun-Frenay, qui a exprimé quelques réserves, en évoquant un risque de surtraitement dans un contexte de hausse des diagnostics de SRI.
« Etant donné que de plus en plus de personnes passent un scanner cérébral pour diverses raisons, notamment après des maux de têtes ou un traumatisme crânien, davantage de cas [de SRI] sont découverts », a précisé la neurologue. Or, en raison de critères imprécis, il y a un risque de mauvais diagnostic qui peut amener à traiter un patient ayant un faible risque de développer une SEP. « Il est important que les professionnels de santé restent prudents ».
Si le tériflunomide et le diméthyle fumarate sont des traitements de première ligne de la SEP récurrente-rémittente (SEP-RR) généralement bien tolérés. Dans les études TERIS et ARISE, des événements indésirables légers et modérés ont été plus nombreux chez les patients sous traitement, comparativement au groupe placebo, mais aucun effet indésirable grave n’a été rapporté.
Néanmoins, il existe un risque d’effets indésirables graves, notamment avec le tériflunomide qui peut entrainer des lésions et une insuffisance hépatique.
Définir le profil des patients à traiter
L’auteur principal de l’essai ARISE, le Dr Darin Okuda (Southwestern Medical Center, Dallas, Etats-Unis), estime que son étude, qui se retrouve désormais renforcée par l’essai TERIS, vient remettre en question la définition de la SEP, le risque de voir un SRI évoluer vers une SEP étant très élevé.
« Les études ARISE et TERIS ont toutes les deux démontré une baisse significative des taux d’événements cliniques liés à une démyélinisation d’origine inflammatoire », ce qui prouve que ces patients sont exposés à un risque élevé d’événements démyélinisants caractéristiques de la SEP, alors que le diagnostic de SEP n’est pas posé, a-t-il souligné.
Selon lui, « la manière de définir la SEP apparait extrêmement importante », en particulier pour faciliter l’accès aux thérapies les plus bénéfiques.
« Les sujets le plus jeunes présentant à l’IRM des anomalies de la moelle épinière et d’autres caractéristiques paracliniques associées à un risque d’avoir un premier événement démyélinisant pourraient être un groupe idéal de patients pour recevoir un traitement », a indiqué le Dr Okuda.
Comme la Pre Lebrun-Frenay, le neurologue américain estime néanmoins que le profil des patients pouvant le plus profiter de cette approche thérapeutique précoce n’est pas encore clairement défini. « Il nous faut travailler davantage pour avoir une idée plus précise des patients à traiter ».
Possible évolution de la prise en charge
Selon la Dre Mélina Hosseiny (Université de Californie, Los Angeles, Etats-Unis), ces données pourraient conduire à une évolution de la prise en charge des RIS. Elle précise que le risque de SEP associé à ce syndrome est connu depuis longtemps et est accru par la présence de traits caractéristiques observés à l’imagerie.
« Des études ont montré que certaines lésions de la moelle épinière sont associées à un risque d’évolution vers une SEP supérieur à 50% », a commenté la neurologue, qui est l’auteure principale d’une récente revue de la littérature sur le RIS destinée aux radiologues [3].
« Repérer de tels signaux à l’imagerie peut aider à identifier les patients susceptibles de bénéficier de médicaments capables de changer le cours de la maladie ».
La Pre Lebrun-Frenay et la Dr Hosseiny n’ont pas de conflits d’intérêt en lien avec le sujet.
Le Dr Okuda a déclaré des liens d’interêt avec Alexion, Biogen, Celgene, EMD Serono, Genzyme, TG Therepeutics et VielaBio.
Cet article a été publié dans l’édition internationale de Medscape.com sous le titre Teriflunomide Delays MS Symptoms in Radiologically Isolated Syndrome. Traduit et adapté par Vincent Richeux.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Sclérose en plaques: vers un traitement préventif des syndromes radiologiques isolés? - Medscape - 25 mai 2023.
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