Intelligence artificielle : un outil utile pour le dépistage et le diagnostic des nodules thyroïdiens

Carla Nieto Martínez

Auteurs et déclarations

23 mai 2023

Madrid, Espagne – Bien que seulement 1 nodule thyroïdien sur 10 soit malin, ces nodules sont si fréquents dans la population générale (entre 30 et 50 %) qu’ils conduisent souvent à une consultation.

L’échographie est la technique actuellement utilisée pour l’examen et le diagnostic des nodules thyroïdiens, mais l’intégration prochaine de l’intelligence artificielle et des systèmes de diagnostic assistés par ordinateur pourrait permettre d’obtenir une plus grande précision et d’optimiser le diagnostic.

 

Les principales causes bénignes des nodules :
-Goitre colloïde hyperplasique
-Kystes de la thyroïde
-Thyroïdite

-Adénomes thyroïdiens

 

Compléter l'échographie

C’est ce que le Dr Jordi Reverter, endocrinologue à l’hôpital universitaire Germans Trias i Pujol de Badalona (Barcelone, Espagne) a présenté lors du 63e congrès de la Société espagnole d’endocrinologie et de nutrition [1].

Parmi les avantages qu’offre cette technologie, le Dr Reverter a souligné la possibilité d’apprendre à partir des données qu’elle fournit et d’utiliser les connaissances acquises pour accomplir des tâches et atteindre des objectifs spécifiques. En outre, la technologie est flexible et peut être adaptée en permanence aux informations obtenues. « L’analyse des images de tests radiologiques est l’un des domaines les plus développés à cet égard », a-t-il déclaré.

En ce qui concerne le rôle de ces systèmes dans le diagnostic des nodules thyroïdiens, il a indiqué que l’échographie est actuellement l’imagerie de choix pour l’examen des nodules de la glande thyroïde. Les tumeurs qui doivent être évaluées par ponction cytologique sont sélectionnées en fonction de leur taille, de leurs caractéristiques et de leur classification de risque.

« Cependant, l’échographie comporte une part de subjectivité. Pour la même image d’un nodule, il peut y avoir des divergences de critères entre les spécialistes, et cela dépend donc toujours de l’expérience de l’observateur. C’est dans ce domaine que l’intelligence artificielle peut être d’une grande aide, en réduisant la subjectivité et en améliorant les performances diagnostiques, ce qui se traduirait par une réduction de la durée de l’examen, du nombre de cytologies et des ponctions inutiles », a-t-il ajouté.

Des systèmes expérimentaux

Le Dr Reverter a expliqué que le fonctionnement du diagnostic assisté par ordinateur dans le cadre du diagnostic des maladies nodulaires de la thyroïde s’effectue en quatre étapes fondamentales : acquisition de l’image, segmentation, identification et analyse des caractéristiques du nodule et classification automatique.

« L’acquisition de l’image est très importante et dépend de l’expérience de l’observateur et de la qualité de l’équipement. À l’aide d’une série d’algorithmes, ces programmes tentent d’affiner l’image avant de la traiter. La segmentation permet de déterminer quelle partie de l’image va être analysée, de détecter la région d’intérêt et d’en extraire le nodule à analyser », explique le Dr Reverter.

« L’identification et l’analyse des caractéristiques du nodule se font à l’aide de deux types d’algorithmes : ceux basés sur des méthodologies non-convolutives (non-CNN) et ceux basés sur des systèmes convolutifs (CNN), qui sont les plus avancés et offrent une échelle de risque ou une analyse du type (si le nodule est bénin ou malin) comme résultat », a-t-il ajouté.

« Enfin, la classification automatique se fait de deux manières : en distinguant les nodules malins des nodules bénins et, en fonction de la taille, en proposant une recommandation (cytologie, suivi, ou ne rien faire). »

Le Dr Reverter a expliqué que tous ces systèmes sont expérimentaux et que le domaine est en pleine expansion. « Les résultats obtenus par les différents groupes de travail ont montré une grande capacité de diagnostic.

Plus précisément, ils ont donné de bons résultats en termes de sensibilité et (dans une moindre mesure) de spécificité. […] Ces systèmes ont un pouvoir de diagnostic vraiment important, et un fait curieux à cet égard est que les programmes basés sur l’intelligence convolutionnelle (CNN), qui en théorie devraient être les plus avancés, ont montré moins de puissance que les systèmes non-CNN.

Cela peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit de programmes qui ont été développés plus tard et qui ont probablement besoin de plus de temps pour effectuer les ajustements nécessaires. On a également constaté que leur capacité de diagnostic est très proche de celle d’observateurs experts. 

Le défi de l’application dans la pratique clinique

Trois de ces systèmes ont déjà reçu une autorisation de mise sur le marché de la Food and Drug Administration et de l’Agence européenne des médicaments. Le Dr Reverter a analysé les principales caractéristiques de chacun d’entre eux et a noté : « Les données sont disponibles, mais il manque encore d’autres études et validations. L’enjeu est désormais leur application clinique, pour laquelle une série de points clés doivent être pris en compte : précision du diagnostic, facilité d’utilisation, prix et rapidité. »

« Notre groupe du service d’endocrinologie et de nutrition de l’hôpital universitaire Germans Trias i Pujol a pu réaliser la première validation en Europe, dans la pratique clinique, du premier programme commercial de diagnostic assisté par ordinateur disponible [2]. De ses résultats, on peut déduire qu’il s’agit d’un système qui atteint un niveau de performance diagnostique qui n’est pas celui d'un professionnel expert mais qui peut améliorer celle d’observateurs moins expérimentés, en leur permettant d’être plus efficaces », a-t-il ajouté.

Il s’agit d’un système qui atteint un niveau de performance diagnostique qui n’est pas celui d'un professionnel expert mais qui peut améliorer celle d’observateurs moins expérimentés.

 

En ce qui concerne la mise en œuvre des diagnostics assistés par ordinateur dans la procédure de diagnostic, il a noté que pour les observateurs expérimentés, la contribution de cette technologie peut être quelque peu limitée, car elle n’apporte pas d’amélioration notable de la précision, « mais dans les contextes où l’expérience est limitée ou les ressources sont faibles (par exemple, les soins primaires), ces programmes peuvent améliorer le diagnostic ». Dans le cas des centres experts, ils pourraient servir de double vérification ou de second avis.

« L’essentiel est de déterminer où intégrer ces systèmes dans le processus de diagnostic et de garder à l’esprit que s’ils sont utilisés comme outil de dépistage, il est important de savoir comment interpréter les résultats du programme, et que du personnel technique sera nécessaire pour filtrer en toute sécurité les aspects qui doivent être traités à un niveau spécialisé ou qui nécessitent un examen cytologique. »

Le Dr Reverter a noté que les données confirment que ces systèmes constituent un outil utile pour l’apprentissage et la formation. « L’un des défis de la recherche est de comprendre les raisons sous-jacentes des prédictions faites par l’algorithme. De même, l’un des points d’amélioration de cette intelligence artificielle appliquée au diagnostic de la maladie nodulaire de la thyroïde est qu’elle n’analyse que les nodules et non les structures cervicales, mais il faut espérer que le développement et l’amélioration des algorithmes permettront d’étendre l’utilité et la fiabilité de ces systèmes. »

L’ophtalmopathie thyroïdienne

L’ophtalmopathie thyroïdienne est un autre aspect du domaine de la thyroïde qui a été abordé au cours du congrès. Selon les experts, l’ophtalmopathie thyroïdienne est la principale manifestation extrathyroïdienne de la maladie de Graves -Basedow. De grandes avancées scientifiques ont été réalisées dans ce domaine au cours des dernières années. Une meilleure connaissance de la physiopathologie a permis la découverte de nouveaux traitements et une meilleure formation des endocrinologues et des ophtalmologues. Ces améliorations permettent un diagnostic et un traitement de plus en plus précoces et individualisés.

Le Dr Marco Sales, ophtalmologiste spécialisé dans l’oculoplastie et l’orbite et chef de service à l’hôpital Ramón y Cajal (Madrid, Espagne), a expliqué qu’environ un tiers des patients atteints de la maladie de Graves -Basedow présentent une ophtalmopathie thyroïdienne. Ce problème peut également affecter les patients atteints de thyroïdite auto-immune et, parfois, les personnes sans altération thyroïdienne connue.

En ce qui concerne les facteurs de risque, le Dr Sales a souligné les faits concernant le rôle du tabac et de l’iode radioactif (I-131) utilisé dans le traitement de la maladie de Graves. « Il est très important que les patients ne fument pas et qu’ils évitent l’iode radioactif s’il existe des facteurs de risque de développer une orbitopathie après le traitement, ces facteurs étant principalement le tabagisme, des niveaux très élevés d’anticorps anti-récepteurs de l’hormone thyréostimulante ou une hyperthyroïdie très mal contrôlée. »

Pour ce qui est des nouvelles options thérapeutiques pour cette maladie, dans la phase active ou inflammatoire (pour laquelle les corticostéroïdes sont actuellement le traitement de choix), le Dr Sales a souligné le rôle des médicaments biologiques. « Dans la phase inactive, la seule option est la chirurgie, qui donne de très bons résultats. Les perspectives thérapeutiques pour l’avenir s’orientent vers le développement de nouvelles molécules qui traitent efficacement l’inflammation en phase active et améliorent les séquelles en phase inactive », a-t-il déclaré.

La Dre Carmen Montañez, endocrinologue responsable de la consultation conjointe sur l’orbitopathie thyroïdienne à l’hôpital clinique San Carlos (Madrid, Espagne), a présenté les principales avancées dans l’évaluation clinique et diagnostique de l’orbitopathie thyroïdienne. Cette maladie inflammatoire, qui peut être d’origine auto-immune, est généralement associée à des troubles métaboliques de la glande thyroïde.

« Il s’agit d’un problème qui affecte négativement la qualité de vie du patient, générant même un isolement social en raison des changements physiques qu’il produit. D’où l’importance pour l’endocrinologue de bien connaître les signes et les symptômes afin de pouvoir orienter rapidement les patients concernés vers des unités spécialisées. »

La Dre Montañez a souligné l’importance d’une collaboration étroite entre l’endocrinologue et l’ophtalmologue dans le traitement de ces patients dans le cadre d’une approche multidisciplinaire. Elle a fait allusion au consensus entre les différentes spécialités, publié en 2016 par le European Group On Graves’ Orbitopathy et dont une édition révisée a été publiée en 2021.

Le diagnostic est fondamentalement clinique, a-t-elle ajouté. Le diagnostic est étayé par des tests biochimiques (mesure des hormones thyroïdiennes et des anticorps anti-récepteurs de l’hormone stimulant la thyroïde) et radiologiques (tomodensitométrie axiale et IRM). « Dans l’évaluation clinique de ces patients, il est essentiel de mesurer l’activité et la gravité de l’inflammation afin d’établir un traitement. »

En ce qui concerne la prise en charge de cette pathologie, la spécialiste a déclaré : « Bien que tous les facteurs qui interviennent dans le développement de l’orbitopathie thyroïdienne ne soient pas modifiables, il est important de connaître ceux sur lesquels il est possible d’intervenir pour éviter l’aggravation de l’état des patients hyperthyroïdiens présentant une atteinte ophtalmologique. »

 

Les Drs Reverter, Sales et Montañez n’ont révélé aucune relation financière pertinente.

 

Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Artificial Intelligence: A Useful Tool in Thyroid Nodule Screening and Diagnosis. Traduit et adapté par Mona El-Guechati

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....