HTA en France : des chiffres de prévalence revus à la baisse

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

23 mai 2023

France – La prévalence de l'hypertension artérielle (HTA) en France, estimée à près de 30%, aurait été légèrement surestimée lors de l’étude Esteban qui n’a pas pris en compte la variabilité intra-individuelle de la pression artérielle, selon de nouvelles analyses publiées mardi par Santé publique France (SPF) dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) [1].

Pour autant, Avec 17 millions d’hypertendus en France, dont plus de 6 millions n’ayant pas connaissance de leur pathologie, et seulement 1 patient sur 4 ayant une PA contrôlée, l’HTA reste un enjeu important de santé publique, soulignent les auteurs qui mettent en avant la nécessité de renforcer l’information du public concernant la prévention cardiovasculaire, en particulier chez les femmes.

Tenir compte de la variabilité de la mesure

Réalisée entre 2014 et 2016 en France métropolitaine, l’étude Esteban qui mettait en évidence une stabilité de la prévalence de l’HTA depuis de précédentes études en 2006 (31%) avec presque 1 adulte sur 3 hypertendu, fait référence en France en matière de prévalence de l’hypertension.

Bien que l’étude « répondait aux critères de représentativité et disposait d’une mesure standardisée de la PA pour l’identification des patients hypertendus », elle n’a pas tenu compte « de la variabilité intra-individuelle de la pression artérielle (PA) dans les études épidémiologiques dans lesquelles celle-ci n’est mesurée qu’au cours d’une visite unique », écrivent les auteurs.

« En effet, expliquent-ils, la variabilité de la PA moyenne des individus dans une étude épidémiologique résulte de la vraie variabilité de la PA entre individus, de la variabilité de PA entre plusieurs visites pour un même individu et de la variabilité des mesures de la PA pour un individu au cours de la même visite. »

De fait, un travail réalisé à partir des données de cette enquête a permis de corriger cette prévalence pour tenir compte de ce biais.

Les résultats montrent une surestimation de la prévalence de l’HTA dans Esteban. Après correction, la prévalence de l’HTA en France passe de 31,3% [28,8-34,0] à 27,9% [25,5-30,5] (tableau). L’application de la prévalence corrigée (27,9% de la population) aux données de l’Insee de population permet d’estimer le nombre d’hypertendus en France à 12,7 millions d’adultes entre 18 et 74 ans. L’extrapolation de la prévalence de l’HTA chez les plus de 74 ans, en projetant la prévalence des 65-74 ans aux classes d’âge supérieures, estime ce nombre à 17 millions chez les adultes de plus de 18 ans.

Ainsi, après correction toujours, 60,3% des hypertendus avaient connaissance de leur hypertension (56,3% avant correction), 54,9% étaient traités (49,0% avant correction) et 54,9% des hypertendus traités étaient contrôlés (49,7% avant correction). De même, 30% des hypertendus étaient contrôlés, et non 24% seulement avant prise en compte de la variabilité.

« Néanmoins, si ces chiffres reflètent probablement plus la réalité, ils ne sont pas comparables avec les autres études épidémiologiques françaises ou étrangères souffrant du même biais lié à la non-prise en compte de la variabilité et dont les résultats ne sont pas redressés », précisent les auteurs.

Après correction, la prévalence de l’HTA en France passe de 31,3% à 27,9%.

Inertie thérapeutique et faible observance

Comment expliquer néanmoins ce bas niveau de contrôle ? « En partie, par une certaine inertie thérapeutique, considèrent les auteurs, comme en témoigne la proportion importante de patients en monothérapie (60% »).

De plus, parmi les adultes traités par monothérapie, près d’1 sur 5 recevait un bêta-bloquant alors que les recommandations françaises de la Haute Autorité de santé (HAS) et de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) précisaient leur moindre efficacité par rapport aux quatre autres classes d’antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes de l’angiotensine II, inhibiteurs calciques et diurétiques) pour l’initiation d’un traitement en monothérapie, notent-ils.

Selon les enquêtes Flash, réalisées régulièrement en France, les hypertendus avaient en moyenne 1,7 médicament antihypertenseur sur leur ordonnance en 2017.

Autre frein à un meilleur contrôle : l’observance aux traitements pharmacologiques. Elle restait faible dans l’étude Esteban, avec seulement 40% des hypertendus connus et traités qui pouvaient être considérés comme observant, soit 80% des jours de l’année couverts par un traitement antihypertenseur.

Cette observance basse aux traitements serait à mettre en regard des résultats de l’enquête auprès des médecins généralistes, d’après les chercheurs. « En effet, près de 30% des médecins généralistes rapportaient que les patients émettaient fréquemment des réserves importantes lors de la prescription de traitements pharmacologiques ».

Ces réserves avancées par les patients lors de la prescription étaient les mêmes que celles rapportées pour justifier de la prise irrégulière du traitement avec comme argument « ne se sent pas malade, n’a pas de symptômes » et « n’a pas envie de prendre un traitement à vie ».

Point positif cependant, environ 1 Français sur 5 disposait d’un appareil d’automesure tensionnelle à son domicile en 2015 selon l’étude Esteban – une proportion qui monte à 54% chez les hypertendus connus et 59% chez les hypertendus connus et traités.

Recul du dépistage et de la prise en charge pendant la crise sanitaire

A noter qu’une étude réalisée a mis en évidence qu’en 2020, l’initiation des traitements antihypertenseurs avait diminué de manière significative (-11%), comparativement à la période 2017- 2019. Une observation similaire a été faite pour les autres traitements du risque vasculaire.

La diminution des initiations de traitements antihypertenseurs était particulièrement importante chez les femmes (-16%), atteignant même plus de 30% de baisse chez celles âgées de 75 à 84 ans par rapport à la baisse observée chez les hommes (-5%). En 2021, contrairement à ce qui était observé chez les hommes, aucun rattrapage n’a été observé chez les femmes avec des niveaux d’initiation qui restaient inférieurs aux niveaux de 2019.

« Une baisse concomitante des visites chez le MG et le cardiologue a été observée sur la même période et constitue l’hypothèse privilégiée pour expliquer cette diminution des dépistages et prise en charge de nouveaux patients », écrivent les chercheurs.

Ces résultats, qui montrent un recul du dépistage et de la prise en charge de l’HTA en France pendant la crise sanitaire, soulignent la nécessité de renforcer l’information du public concernant la prévention cardiovasculaire et l’importance de ne pas renoncer à recourir aux soins de ville, notamment pour les femmes, concluent les auteurs.

 

HTA : prévalence très élevée dans les DROM, en particulier chez les femmes

Les résultats du Baromètre de Santé publique France 2021 mené auprès de la population des quatre départements et région d’Outre-mer (DROM) a mis en évidence une prévalence de l’HTA déclarée dans les DROM plus élevée qu’en métropole, notamment en Martinique (31,5%) et en Guadeloupe (29,39%), et plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
En revanche, la proportion de patients traités par un médicament antihypertenseur parmi les adultes se déclarant hypertendus ne variait ni en fonction du territoire, ni en fonction du sexe et dépassait les 80% comme en métropole. Entre 65% et 73% des adultes hypertendus déclaraient avoir eu des conseils pour modifier leur mode de vie dans les DROM contre 58,5% en métropole. En Guyane, 51,5% des hypertendus possédaient un appareil d’automesure tensionnelle à leur domicile, alors qu’ils étaient 53,8% à La Réunion et plus de 70% à la Guadeloupe et la Martinique.

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....