Les symptômes de type COVID sont associés à un sur-risque de dépression et d'anxiété indépendamment de la sérologie

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

17 mai 2023

Paris, France — Si l’anxiété et la dépression sont plus fréquentes chez les personnes ayant ressenti des symptômes du Covid-19, l’infection par le virus du SARS-CoV2 n'est pas en soi un facteur de risque d’altération de la santé mentale. C’est ce que révèle une étude française, qui a analysé les données de plus 40 000 participants issues de la cohorte nationale EpiCov (Epidémiologie et conditions de vie liées au Covid-19) [1].

Publiés dans le JAMA, les résultats montrent qu’il n’y a pas d’association en population générale entre une sérologie positive pour le SARS-CoV2 et le risque de développer huit mois plus tard une anxiété ou une dépression.

« Ce qui interpelle c'est que l’association s’observe chez les personnes qui rapportent des symptômes du Covid-19, mais qui ont une sérologie négative », a commenté auprès de Medscape édition française, la Pre Alexandra Rouquette (Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm 1018), principale auteure de l’étude.

Dépression et anxiété en hausse de 25%

La pandémie de Covid-19 a entrainé une dégradation de la santé mentale se manifestant par l’apparition de symptômes dépressifs et anxieux, ainsi que par des problèmes de sommeil et de pensées suicidaires. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les cas de dépression et d'anxiété ont augmenté de 25% dans le monde en raison de la pandémie.

L’isolement, la peur de l’infection et des souffrances pour soi-même et pour ses proches, ainsi que les restrictions successives ont été autant de facteurs de stress qui ont favorisé la montée de l’anxiété et de la dépression dans la population générale. L’infection, en particulier lorsqu’elle est persistante et quelle se manifeste par des symptômes graves, est également évoquée comme un facteur de risque de dégradation de la santé mentale.

La Haute autorité de santé (HAS) a d’ailleurs publié récemment une fiche consacrée aux troubles psychiatriques et psychologiques associés aux symptômes prolongés du Covid-19. Le document caractérise les principaux troubles (dépressifs, anxieux, stress post-traumatique…) et propose des préconisations en ce qui concerne leur diagnostic et leur prise en charge.

« Chez les patients ayant des symptômes prolongés après un épisode de Covid-19, les symptômes anxieux et dépressifs concernent environ 15 % des patients ayant été hospitalisés et 30 % des patients n’ayant pas été hospitalisés », note la HAS.

Dans cette nouvelle étude, la Pr Rouquette et ses collègues du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) ont voulu étudier le lien entre la symptomatologie du Covid-19 rapportée par les patients et le développement d’une anxiété ou d’une dépression et analyser ensuite cette association en la confrontant à la sérologie des individus.

8% de dépression à huit mois

L’étude a été réalisée à partir des données de la cohorte nationale en population générale EpiCov (Epidémiologie et conditions de vie liées au Covid-19) qui suit l’état de santé de plus de 85 000 personnes depuis mai 2020. Au total, les données choisies et analysées concernent plus de 45 000 volontaires ayant accepté un prélèvement sanguin pour déterminer s’il y a eu un contact avec le virus.

Sélectionnés de manière aléatoire pour avoir une cohorte représentative de la population générale, les volontaires ont été invités à répondre à un questionnaire notamment pour rapporter d’éventuels symptômes évocateurs du Covid-19: perte soudaine ou inhabituelle de goût ou d’odorat, survenue d’un épisode de fièvre associé à une toux, difficultés respiratoires, essoufflement, ou oppression thoracique.

Une sérologie a également été pratiquée pour rechercher la présence d’anticorps contre le virus SARS-Cov2, ce qui est considéré comme révélateur d’un contact, même asymptomatique avec le virus. Sans cette sérologie, « il n’était pas possible de certifier que les symptômes rapportés étaient bien liés à une infection par le virus », a commenté la Pre Rouquette.

A huit mois, les taux de dépression et d’anxiété pour l’ensemble de la cohorte sont respectivement de 8% et 5,3%. L’analyse montre que les personnes qui ont déclaré des symptômes de type Covid-19 ont un risque d’anxiété augmenté de 57% (OR=1,57, IC à 95%, [1,29-1,92]), tandis que le risque de développer une dépression est accru de 70% (OC=1,70, IC à 95%, [1,45-1,99]), comparativement à ceux qui n’ont pas déclaré de symptômes.

En comparant avec la sérologie, il n’apparait pas de hausse significative. Autrement dit, une sérologie positive ou négative n’est pas corrélée à une augmentation du risque de trouble anxieux ou dépressif. Dans cette cohorte, « l’infection par le SARS-CoV2 n’apparait pas comme un facteur de risque de dépression ou d’anxiété », commentent les auteurs.

Identifier les facteurs de risque

Si une exposition au virus SARS-CoV2 ne semble pas avoir d’impact sur le risque d’anxiété ou de dépression, l’étude montre en revanche que le fait de ressentir des symptômes évocateurs du Covid-19 est un facteur aggravant qui expose davantage à ce risque dans les mois qui suivent, qu’importe si la personne a été en contact ou non avec le virus.

« On a retrouvé l’association entre les symptômes de Covid-19 et le risque d’anxiété et de dépression dans le groupe sérologie positive et dans le groupe sérologie négative, ce qui permet de dire qu’il existe d’autres facteurs que l’infection par le SARS-CoV2 pour expliquer cette association entre symptômes et anxiété ou dépression », a souligné la Pre Rouquette.

Cette association pourrait également varier selon la gravité et la nature des symptômes. « Dans le cas du Covid long, plusieurs études ont montré que les symptômes anxio-dépressifs ne sont pas forcément liés à l’infection, mais plutôt à certains symptômes, comme le brouillard intellectuel, la fatigue ou les troubles respiratoires rapportées par les patients », précise l’épidémiologiste.

« Ces résultats suggèrent que l’infection par le SARS-CoV2 n’est pas un facteur de risque d’altération de la santé mentale à long terme. Cependant, des recherches sont nécessaires pour identifier les facteurs autres que l’infection par le SARS-CoV2 impliqués dans l’association entre les symptômes de type Covid-19 et les problèmes de santé mentale », ont conclu les auteurs.

Après identification des facteurs de risque, ceux-ci pourraient être la cible de mesures de prévention pour limiter les conséquences psychologiques chez les personnes qui ressentent ce type de symptômes, même sans avoir été infectées par le SARS-Cov2.

 

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