Essais nucléaires en Polynésie et cancers de la thyroïde : un surrisque probable mais faible

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

16 mai 2023

Villejuif, France – Entre 1966 et 1974, la France a effectué 41 essais nucléaires atmosphériques en Polynésie Française. Les retombées radioactives ont-elles été à l'origine de cancers, en particulier de cancers thyroïdiens, chez les populations vivant dans ces archipels ? Ayant eu accès à des dossiers déclassifiés, des médecins et scientifiques français ont pu évaluer précisément la dose de radioactivité reçue dont ils ont pu mettre en évidence une association, même faible, avec la survenue d'un carcinome différencié de la thyroïde dans ces populations. Leurs résultats ont été publiés dans le JAMA[1].

On peut conclure qu'il y a probablement une association, même faible.

Etude de cas

Menée par le Dr Florent de Vathaire (épidémiologiste, Gustave Roussy, Villejuif) et ses collègues, l'étude de cas a inclus 395 personnes ayant été diagnostiquées avec un cancer de la thyroïde entre 1983 et 2016 à l'âge de 55 ans ou plus jeune. Ces dernières ont été appariées pour l'âge et le sexe avec 555 participants contrôles. Tous les participants étaient nés en Polynésie française et ceux qui avaient reçu un diagnostic de carcinome différencié de la thyroïde (CDT) y résidaient au moment du diagnostic.

Pour évaluer la dose reçue, les chercheurs se sont appuyés entre autres sur des dossiers déclassifiés en 2013 révélant les mesures de radioactivité dans les sols, l'air, l'eau, le lait et la nourriture en Polynésie Française. Ils ont aussi mené des entretiens individuels sur le mode de vie et l'alimentation des habitants pour connaître au mieux leur niveau d'exposition. La thyroïde des participants ayant eu un CDT a été exposée à une dose moyenne de 4,7 mGy (0 à 36,3 mGy), celle des participants contrôle de 4,6 mGy (0 à 31,2 mGy). La part la plus importante de la dose avait été reçue avant l'âge de 15 ans.

Des résultats inattendus et un surrisque faible mais qui existe

Après ajustement (groupe ethnique, éducation, IMC, antécédent de cancer et de maladie bénigne thyroïdienne), l'analyse des données montre que l'association entre la dose d'exposition et le risque de développer un CDT n'est pas clairement établie.

« Il y a une faible association non significative » constate en effet le Dr Florent de Vathaire qui a poussé plus loin l'analyse. Interrogé par Medscape édition française, il explique : « Si on élimine les microcancers [137 microcarcinomes non invasifs ] qui peuvent être dus à un surdiagnostic, cela devient significatif ».

Si on élimine les microcancers [137 microcarcinomes non invasifs ] qui peuvent être dus à un surdiagnostic, cela devient significatif.

 

Il ne s'explique pas pourquoi ses résultats ne coïncident pas avec ceux de son étude précédente, publiée en 2010, pour laquelle l'association était significative d'emblée sans l'exclusion des microcarcinomes thyroïdiens. « On peut conclure qu'il y a probablement une association, même faible. » Avant d'ajouter : « D'autant que quand on calcule la projection de risque, c'est-à-dire le risque de développer un cancer de la thyroïde pour cette cohorte jusqu'au décès du dernier participant, on obtient 2,3% en plus de ce qui serait attendu sans une population non-exposée, ce qui est significatif. Cela représente 29 cas supplémentaires de CDT d'ici 2070 ».

Et les autres cancers ?

Si une analyse est prévue pour les autres types de cancer, l'épidémiologiste rappelle que la thyroïde est l'organe le plus exposé aux retombées radioactives. De fait, la thyroïde fixe très bien l'iode 131, un radionucléotide émis en grande quantité et qui persiste plusieurs jours dans l'atmosphère.

« On va faire le calcul de risque pour l'ensemble des cancers, mais on est plutôt rassurés. Car le surrisque est faible avec la thyroïde qui fixe pourtant 10 à 50 fois plus d'iode 131 que les autres organes », confie-t-il.

On va faire le calcul de risque pour l'ensemble des cancers, mais on est plutôt rassurés.

 

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