Prévention des urgences médicales lors d’un voyage en avion

Marc Fröhling

Auteurs et déclarations

15 mai 2023

La prévention des urgences médicales lors d’un voyage en avion nécessite de bien informer les patients pour qu’ils s’y préparent aussi bien que possible. Le Dr Roland Nowak, interniste et spécialiste en médecine aéronautique à Francfort, nous donne quelques conseils et des pistes de réflexions pour un vol sans histoire.[1]

Les conditions de base pour que tout se passe bien

Selon le Dr Nowak, 85% des urgences survenant à bord d'un avion sont liées à un collapsus circulatoire, qui est souvent la conjugaison d’une position assise prolongée, d’un repas parfois associé à une consommation d'alcool, et d’une inflammation gastro-intestinale subie en vacances avec une perte liquidienne.

Il attire d’emblée l'attention sur certains points importants : au cours du vol, la cabine de l'avion est soumise à une pression atmosphérique diminuée, comparable à celle qui règne à 2200 mètres au-dessus du niveau de la mer. De plus, le taux d’humidité à bord est très faible (environ 10 %). Si la saturation en oxygène, bien que plus faible, est sans impact sur les personnes en bonne santé, il peut craindre un problème qu’en cas de pression partielle d'oxygène < 60 mmHg.

Les cofacteurs pouvant affecter l'état d’une personne lors d'un voyage en avion sont :

- son hémoglobinémie,

- sa fonction cardiaque,

- la présence d’une infection,

- la sécheresse de l’air de la cabine,

- les besoins supplémentaires en cas de grossesse.

 

Conditions de base qui devraient être respectées par TOUS les voyageurs
Les voyageurs ne doivent pas être fiévreux ni souffrir d’une maladie contagieuse. Le déroulement du voyage doit être simple et une position sûre et confortable doit être adoptée dans la cabine, en particulier lors du décollage et de l'atterrissage. Les individus doivent être en mesure de satisfaire leurs besoins personnels (comme p. ex. se rendre aux toilettes) et d'entrer ou sortir de l'avion. Les compagnies aériennes peuvent fournir une assistance en cas de limitations connues et communiquées.

Maladies préexistantes : quelles précautions prendre avant le départ ?

Maladies des voies respiratoires : Aucun problème n'est à craindre chez les patients souffrant de maladies cardiaques ou pulmonaires, mais avec une pression partielle d'oxygène (idéalement) > 70 mmHg. Une supplémentation en oxygène n’est alors pas nécessaire. On conseille à ces patients un apport important de liquides et la prise d’un mucolytique pour fluidifier les sécrétions bronchiques. Tous les médicaments nécessaires doivent être placés dans le bagage à main. La prise d’un antitussif peut également être recommandée.

Les maladies cardiovasculaires : Outre la pression partielle d'oxygène (> 70 mmHg), un stade NYHA II ou III doit représenter la limite pour les patients souffrant de maladies cardiovasculaires. Une angine de poitrine doit être stabilisée par un traitement médicamenteux. La présence d'une cardiopathie cyanotique n'est pas nécessairement un critère d'exclusion, mais il est recommandé de consulter la compagnie aérienne au préalable et de planifier soigneusement son voyage (mise à disposition d'oxygène, accompagnement qualifié) afin d'éviter les complications. Les délais d'attente après une intervention cardiaque sont devenus très courts : en règle générale, il est possible de rentrer de vacances en avion après quelques jours.

Le tableau suivant donne un aperçu des délais d'attente :

Infarctus du myocarde

Environ 8 à 10 jours

Angioplastie

Environ 3 jours

Angiographie (sans complications)

Au moins 24 heures

Intervention cardiaque

environ 8 à 10 jours (avec accompagnement médical)

Implantation d’un pacemaker

Au moins 2 jours

Ablation

Au moins 2 jours, idéalement 5 à 7 jours

 

Les maladies thromboemboliques : Les questions les plus fréquentes concernent la thrombophlébite. Dans ce cas, il ne devrait pas y avoir d'atteinte pulmonaire concomitante, et une anticoagulation devrait avoir été instaurée avant le vol. Après une embolie pulmonaire, le thrombus devrait idéalement être dissous sous anticoagulation, car la baisse de la pression partielle en oxygène augmente généralement la charge du cœur droit. La pression ventriculaire droite peut augmenter rapidement si la voie d'écoulement pulmonaire est obstruée, ce qui peut entraîner un arrêt cardiaque irréversible.

Dialyse : Les patients dialysés devraient prendre l'avion un jour où ils ne sont pas sensés subir une dialyse à leur arrivée. Les conditions circulatoires sont alors plus stables. À l'aéroport, il convient d'éviter les longs trajets à pied (par exemple en demandant un fauteuil roulant à l'aéroport). Par sécurité, le dernier poids de dialyse avant le vol doit être inférieur d'un kilo à la normale. Il est recommandé de s'annoncer auprès de la compagnie aérienne en cas de dialyse péritonéale : l'excédent de bagages peut alors être emporté gratuitement, comme bagage médical. Si une dialyse est prévue pendant les vacances, tous les papiers et documents nécessaires doivent être placés dans le bagage à main.

Anémie : Chez les patients anémiques, le taux d'hémoglobine devrait être d’au moins 9 g/dL pour un voyage sûr. La capacité de transport de l'oxygène est déjà nettement réduite en-dessous de 8 g/dL. Cela ne pose pas de problème majeur dans l'avion, car le patient est assis. Il pourrait en aller autrement en cas de besoin accru en oxygène, par exemple en se déplaçant dans l'aéroport.

Opérations abdominales : Il ne faut pas oublier que le volume de gaz piégé augmente de 30 % en altitude de croisière. Les complications possibles au cours du vol peuvent être des douleurs dans la zone opérée, une déhiscence des sutures ou une fièvre postopératoire. Pour un vol en toute sécurité, il convient d'attendre au moins une semaine après l’opération abdominale.

Pour un vol en toute sécurité, il convient d'attendre au moins une semaine après une opération abdominale.

 

Pneumothorax :  Les risques liés à un pneumothorax sont redoutés mais, aussi, souvent surestimés dans la presse, selon le Dr Roland Nowak. Auparavant, la règle consistait à ne pas prendre l'avion dans les quatre à six semaines suivant un pneumothorax ― une catastrophe pour les personnes concernées lorsqu'elles étaient victimes d'un accident pendant un séjour à l'étranger et qu'elles ne pouvaient pas rentrer chez elles. Cette situation est aujourd'hui gérée de manière beaucoup plus sereine : en général, lorsque les poumons sont déployés, il ne faut pas craindre qu'il se passe quelque chose en raison du changement de pression dans la cabine. Jusqu'à ce que l'altitude de croisière soit atteinte (environ 10 à 15 minutes), on inspire et expire suffisamment pour ne pas observer une augmentation aiguë de la pression intrapulmonaire. En cas de doute, il convient ici aussi d’informer la compagnie aérienne.

Fractures : La question du retour au domicile par avion se pose souvent lorsqu’une fracture survient au cours des vacances. Le transport dépend du niveau des soins et de la douleur ressentie par le patient. Il faut également tenir compte de la durée parfois longue de la position assise dans la cabine. Un transport en civière peut s'avérer nécessaire dans quelques rares cas (par exemple en cas de blessure à la colonne vertébrale). En outre, il conviendra de garder l’état neurologique à l’esprit.

Un genou opéré peut se retrouver coincé dans une attelle. Il est alors souvent conseillé de réserver un deuxième siège, car il n'est pas toujours possible d'adopter une position assise normale.

L’hémoglobinémie doit idéalement être contrôlée après une intervention importante (p. ex. à la hanche). Si le vol a lieu dans les deux ou trois jours qui suivent la pose d'un plâtre, celui-ci devrait idéalement être fendu afin de prévenir tout œdème.

Affections ORL : Les personnes souffrant d'une affection ORL et voyageant en avion devraient toujours être en mesure d'équilibrer la pression intrasinusale. Il convient également de veiller à une hydratation suffisante. En préparation au vol retour, des gouttes nasales décongestionnantes peuvent être administrées, en combinaison avec des AINS ou, le cas échéant, avec de la cortisone, conformément aux recommandations du médecin spécialiste.

Pour lutter contre la sécheresse de l’air, il peut être utile d'humidifier les voies nasales avec de la pommade au panthénol. En cas d'urgence, il faut savoir que les médicaments mentionnés plus haut font également partie de la médication de bord.

Un délai d’attente d’environ 10 jours est conseillé après une intervention chirurgicale, pour limiter le risque d’œdème ou de saignement.

Maladies neurologiques : Il est conseillé d’attendre au moins cinq jours de stabilisation après un événement entraînant une diminution de l'irrigation sanguine ― il s'agit de la période pendant laquelle l’œdème intracérébral régresse.

Le tableau suivant donne un aperçu des délais recommandés :

 

Accident ischémique transitoire

5 jours ; accompagnement nécessaire

AVC

Au moins 5 jours ; aucun signe radiologique d’oedème cérébral. Supplémentation en oxygène conseillée jusqu’à 14 jours après l’événement, et accompagnement médical en fonction du handicap éventuel

Intervention chirurgicale au cerveau

Au moins 10 jours ; les éventuelles bulles d’air doivent être résorbées et le risque convulsif doit être contrôlé. Une supplémentation en oxygène et un accompagnement médical sont généralement nécessaires.

 

En cas de troubles convulsifs, lorsque le dernier épisode remonte à plus de six mois, il convient de se renseigner sur le stress du voyage, l’importance du changement de fuseau horaire, le déficit de sommeil et le schéma de médication. Si le dernier événement remonte à moins de six mois, il faut vérifier si une médication continue ne serait pas judicieuse. L’emport des médicaments en cabine devrait être clarifié et un bulletin médical devrait être à portée de main. Les vols long-courriers ne devraient être entrepris qu'avec un accompagnateur ayant l'expérience de l’affection. De manière générale, Roland Nowak conseille de consulter la compagnie aérienne au préalable. Un accompagnement médical est nécessaire en cas de crises fréquentes.

Maladies psychiatriques : Toute psychose doit être stabilisée au départ. Les compagnies aériennes exigent généralement un accompagnement qualifié pour les vols de longue durée.

Grossesse : Lorsque la grossesse se déroule sans complications, les vols sont possibles jusqu'à la fin de la 36e semaine. Cependant, à partir de la 28e semaine, un certificat gynécologique doit être présenté à certaines compagnies aériennes. Les réserves sont plus marquées en cas de grossesse multiple : dans ce cas, les vols sont possibles jusqu'à la fin de la 28e semaine, mais il faut généralement présenter un certificat gynécologique. En cas de grossesse compliquée (p. ex. hémorragies, insuffisance cervicale), les vols restent possibles jusqu'à la 24e semaine sur avis de la compagnie aérienne.

 

[1]. Cet article est basé sur un exposé donné à Francfort par le Dr Roland Nowak, à l’occasion du congrès 2023 de la Société allemande de médecine interne.

 

 

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