Les espoirs d’une biothérapie dans la rhinite allergique au bouleau

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

17 mai 2023

Pr Frédéric de Blay

Paris, France Une étude de phase 2 présentée au 18e congrès francophone d’allergologie (25-28/04/23, Paris) apporte la preuve de concept de l’intérêt d’une biothérapie par interleukine-2 (IL-2) à faible dose sur les symptômes nasaux en cas de rhinite allergique au bouleau [1]. Une piste d’immunothérapie anti-allergique qui mérite d’être suivie, estime l’un des co-auteurs, le Pr Frédéric de Blay, pneumo-allergologue (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg).

Les pollens allergisants sont émis par des plantes (arbres et herbacées) anémophiles. Et en la matière, le bouleau (famille des Betulaceae ; en France le bouleau verruqueux/Betula pendula et le bouleau pubescent/Betula pubescens) se place en très bonne position pour gâcher le printemps des personnes qui y sont allergiques.

Son potentiel allergisant est en effet classé comme « fort » par le Réseau National de Surveillance Aérobiologique (« espèces ne pouvant pas être plantées en zones urbaines »), devant l’érable, le chêne et le hêtre [2].

Ses chatons déversent de grandes quantités de grains de pollen dans l’air, facilement dispersés grâce à leur petite taille (20 μm). Le bouleau est un grand pourvoyeur de rhino-conjonctivite dans les régions du nord de la France où il est le premier arbre en cause dans les pollinoses printanières. 

Paradoxalement, l’épidémiologie de la sensibilisation au pollen de bouleau est mal appréciée. La mono-sensibilisation au pollen de bouleau est relativement rare car l’allergène majeur (Bet v 1) croise avec ceux d’autres arbres de la même famille [3].

Quel est l’intérêt de faibles doses d’IL-2 ?

Les cellules T régulatrices (cellules Treg) jouent un rôle protecteur dans la tolérance immunitaire vis-à-vis des allergènes. Il est démontré que leur carence, notamment, contribue à l’exacerbation de la maladie allergique.

Approuvées il y a près de 30 pour le traitement du cancer (à haute dose), de faibles doses d’IL-2 jouent un rôle dans la stimulation des lymphocytes T régulateurs, en plus de promouvoir l’immunité grâce à leur action sur les cellules T effectrices et les cellules T mémoire. Elles ont depuis été étudiées dans le cadre des maladies auto-immunes, de l’accouchement prématuré, de l’infarctus du myocarde, etc. 

L’objectif de l’étudeprésentée au congrès par le Pr Frédéric de Blay était d’évaluer contre placebo, chez 24 patients présentant une rhinite allergique au pollen de bouleau (avec ou sans asthme associé), l’efficacité de l’IL-2 à faible dose (ILT-101) sur la réponse nasale lors d’expositions à des allergènes de bouleau dans une chambre d’exposition environnementale (CEE)[4].

Ceci, 40 jours après la première administration du traitement.

A cette fin, tous les patients sélectionnés avaient un test cutané positif et des IgE spécifiques au pollen de bouleau. Une exposition allergénique de 4 heures à 25 ng/m3 de Bet v 1 a été réalisée avant le début du traitement pour sélectionner les patients ayant une réponse nasale positive. Celle-ci est définie par le score total des symptômes nasaux (TNSS) ≥ 5.

L’échelle visuelle analogique (EVA) de la rhinite a également été évaluée.

Après randomisation, une phase d’initiation a été menée avec des injections d’IL-2 (1 million d’UI/jour) ou placebo pendant 5 jours consécutifs, suivie d’une phase de maintenance avec une injection hebdomadaire d’IL-2 (1 MUI/jour) ou placebo pendant 4 semaines. Les expositions aux allergènes dans la chambre d’exposition environnementale ont été effectuées lors du 8e et 40e jour après le début du traitement.

Dans cette étude « proof of concept », si « le faible nombre de patients inclus — 12 traités contre 12 placebo — n’a pas permis d’observer une franche réduction de l’aire sous la courbe (AUC) du score TNNS, une tendance individuelle existe, souligne Frédéric de Blay.

Cette étude pilote nous incite donc à poursuivre les recherches dans cette direction. L’ILT-101 induit une augmentation significative des Treg (Regulatory T cells) et tend à améliorer la rhinite allergique lors d’expositions dans la chambre d’exposition environnementale. C’est potentiellement un médicament d’avenir en allergologie et l’idée est ici d’approcher progressivement le vaccin anti-allergique. » 

D’après les chiffres précis de l’étude [4], le TNSS a diminué dans le groupe ILT-101 par rapport au placebo : l’aire sous la courbe du TNSS (AUC 0-4 h) au jour 40 était de 8,03 (−12,90 ; −3,15) pour l’ILT-101 et de 3,27 (−10,00 ; 3,45) (p = 0,32) pour le placebo. Après 9 injections, la différence de l’AUC de l’EVA rhinite était de -32,31 % dans le groupe traitement versus placebo. Une augmentation significative de 1,5 fois des Treg dans le groupe ILT-101 a été observée.

Autre point positif, « le volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) dans le groupe traité s’est amélioré, ce qui est encourageant », ajoute le spécialiste.

Rhinite allergique au bouleau, facilitatrice de l’asthme sévère

Environ un tiers des patients présentant une rhino-conjonctivite allergique au pollen de bouleau ont un asthme [3]. « Il n’y a pas que les allergies au chat, aux acariens ou au chien qui conduisent à l’asthme sévère, explique le Pr de Blay. Récemment, nous avons confirmé au moyen de notre chambre d’exposition environnementale au CHU de Strasbourg que le pollen de bouleau était en mesure d’induire de l’asthme chez des patients connus uniquement pour des symptômes de rhinite. L’importance de l’asthme induit par le pollen de bouleau a également retrouvé par l’équipe du Pr Cécile Chenivesse (CHU de Lille) : l’allergie au pollen, souvent considérée comme un phénomène peu grave, peut bel et bien faire le lit de l’asthme. De plus, les allergies alimentaires croisées via une protéine de résistance (PR10) avec la pomme et les rosacées existent : 50 % des personnes allergiques au bouleau sont effectivement allergiques à ces fruits et légumes. Les désensibilisations à la pomme ont une grande efficacité dans ce syndrome appelé « bouleau-pomme », contrairement à la désensibilisation classique vis-à-vis du pollen du bouleau. »

Il n’y a pas que les allergies au chat, aux acariens ou au chien qui conduisent à l’asthme sévère.

 

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