France – Après moult prises de becs et controverses, provenant tant des représentants médicaux que des syndicats d'infirmier.es et de paramédicaux, la loi dite "Rist", du nom de la députée et praticienne hospitalière Stéphanie Rist, « portant sur l’amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », a finalement été adoptée définitivement ce 10 mai à l'Assemblée nationale, à 226 voix pour et 1 voix contre.
Dans un court message vidéo diffusé notamment sur le réseau social LinkedIn, Stéphanie Rist s'enthousiasme de cette adoption, en rappelant les principaux points saillant de ladite loi :
« Cette loi va permettre de diminuer les déserts médicaux en permettant un accès direct aux professionnels de santé. Demain quand vous aurez une entorse vous pourrez aller directement chez le kiné, à condition que celui-ci travaille en collaboration avec le médecin. Cette loi permet aussi l'accès direct aux orthophonistes, aux infirmières de pratique avancée, et sans ordonnance vous pourrez aller chez ces professionnels et votre médecin sera bien sûr informé par ces professionnels. »
La proposition de loi permettra aux patients d'accéder directement :
- aux infirmier.es en pratique avancée (IPA) et aux masseurs-kinésithérapeutes qui exercent à l'hôpital, en clinique, dans un établissement social ou médico-social ou, en ville, dans une maison ou un centre de santé. Pour les masseurs-kinésithérapeutes, le nombre de séances autorisées en accès direct est limité à huit ;
- aux orthophonistes qui exercent dans ces mêmes établissements ou, en ville, dans une structure de soins coordonnées, y compris dans le cadre d'une communauté professionnelle territoriale de santé (CTPS) si le projet de santé le prévoit.
- une expérimentation, durant cinq ans et dans six départements, ouvrira l'accès direct aux IPA et aux masseurs-kinésithérapeutes au sein d'une CTPS.
Compétences élargies pour les paramédicaux
La députée Renaissance du Loiret, par ailleurs, médecin rhumatologue, rappelle aussi que sa loi a permis la création d’un nouveau métier, celui d'assistant dentaire de niveau 2 : « Ces professionnels vont faire des petits actes de chirurgie, comme le détartrage ».
Stéphanie Rist a détaillé d'autres mesures de sa loi, comme la possibilité d’une délivrance de médicaments trois mois après l'expiration de l'ordonnance, un meilleur dépistage du cancer du col de l'utérus, ou encore la confection de semelles chez le podologue sans pour autant passer par la case "médecin traitant". Le chirurgien et membre de l'Académie de médecine Guy Vallancien l'a félicitée sur LinkedIn.
Notons pour ce qui est des infirmier.es que l'article 1 bis les autorise à « prendre en charge la prévention et le traitement de plaies ainsi qu’à prescrire des examens complémentaires et des produits de santé » (un décret apportera des précisions).
L'article 4ter définit, lui, une responsabilité collective (établissements de santé, médecins, chirurgiens-dentistes, sage-femmes, infirmiers) à l'endroit de la permanence des soins. De facto, infirmiers, sage-femmes, chirurgiens-dentistes participeront également à la permanence des soins.
Autre élargissement de compétence : l'article 4 sexies donne la possibilité aux préparateurs en pharmacie de vacciner sous la supervision d'un pharmacien.
Aussi, « à titre expérimental, pour une durée de dix‑huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État peut autoriser, dans cinq départements, les pharmaciens biologistes à pratiquer le prélèvement cervico‑vaginal réalisé dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus », explicite l'article 4 terdecies.
Concernant les opticiens‑lunetiers, il pourront « lors de la première délivrance de verres correcteurs ou de lentilles de contact suivant la prescription, adapter cette prescription après accord écrit du praticien prescripteur », stipule l'article 4 octies.
Enfin, l'article 4 decies inclut au sein des professions de santé le métier d'assistant de régulation médicale.
En revanche, députés et sénateurs n'ont pas retenu l'article de loi qui sanctionnait financièrement les patients qui n'honorent pas leurs rendez-vous médicaux.
Félicitations du Cnom
Le conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a salué l'adoption de cette loi dans un communiqué. « Si, au départ, nous avions pu formuler des inquiétudes quant à l'orientation initiale de ce texte, nous nous réjouissons que la loi adoptée soit davantage équilibrée. Il revient maintenant au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour faire appliquer cette loi, et plus largement de lutter contre les déserts médicaux », a déclaré le Cnom.
L'Ordre national des chirurgiens a aussi fait part de sa satisfaction, dans un communiqué. « L’Ordre sait gré à Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sur ce texte, d’avoir été à l’écoute du Conseil national pendant tout le parcours législatif, de même qu’il remercie les députés et sénateurs qui ont travaillé avec lui à l’aboutissement d’un texte qui correspond aux attentes de la profession », a notamment déclaré l'Ordre des chirurgiens.
Paramédicaux déçus
Les organisations paramédicales se sont montrées plus pondérées dans leur appréciation de ce texte de loi : « La symbolique a été franchie et on salue vraiment le courage de Stéphanie Rist. Sur un plan pragmatique en termes d'accès aux soins, ce n'est pas avec ça que l'on va réformer et transformer le système de santé », a déclaré Sébastien Guerard, président de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes (FFMKR), sur France info.
En cause : l'exclusion des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) des organisations où il est possible d'accorder un accès direct aux kinésithérapeutes et infirmiers de pratique avancée (IPA). Selon Sébastien Guerard, seuls 3% des kinésithérapeutes exercent dans les structures d'exercice coordonné (maisons de santé, centres de santé, équipes de soins primaires et spécialisées), où, selon la loi Rist, kinés et IPA peuvent prendre en charge directement les patients, sans passer par un médecin traitant.
« Le choix fait de ne pas réintégrer dans la loi les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé, qui sont précisément les structures qui permettraient de faire vivre l’exercice coordonné des professionnels au service des patients, est à la fois incohérent et incompréhensible, puisque cette disposition avait été votée à l’unanimité par l’Assemblée avant d’être repoussée par le Sénat », a aussi dénoncé l'ordre national des infirmiers.
Le choix fait de ne pas réintégrer dans la loi les CPST, qui sont précisément les structures qui permettraient de faire vivre l’exercice coordonné des professionnels au service des patients, est à la fois incohérent et incompréhensible Sébastien Guerard
La décision est en effet jugée peu convaincante par l'Ordre des infirmiers : « L’expérimentation extrêmement limitée retenue dans la loi témoigne aussi d’un manque de considérations envers les expériences menées par les professionnels de terrain qui, au quotidien, collaborent avec efficacité dans les CPTS au service des patients, et qui espéraient pouvoir franchir un nouveau cap avec cette loi. »
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Citer cet article: Loi Rist adoptée : un accès direct aux paramédicaux strictement encadré - Medscape - 12 mai 2023.
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