ETP : quelles sont les clés d'une bonne posture éducative ?

Caroline Guignot

Auteurs et déclarations

11 mai 2023

Montpellier, France — Intégrer une dimension éducative demande de relier deux réalités : la logique de réparation par le soin, et celle du développement, prenant en compte la subjectivité du sujet malade. Aussi, l’approche pédagogique ne suffit pas au succès de l'ETP, car délivrer l’information ne suffit pas à faire de la personne un acteur. C’est la raison pour laquelle la posture éducative doit être réfléchie. Une session du congrès de la Société francophone du Diabète (21-24 mars, Montpellier) lui a été consacrée [1].

« Si la posture éducative est un préalable à la pratique de l’éducation thérapeutique (ETP), elle est en réalité mal définie », a reconnu le Dr Philip Böhme, diabétologue (CHU Nancy). Après des explorations éducatives auprès de professionnels, des chercheurs ont établi sept dimensions (et 43 items) de cette posture : parmi elles, la pédagogie (dans laquelle l’erreur est un élément de l’apprentissage), la relation au temps, les aspects psychorelationnels, la dimension globale du soin et la dimension éthique. Deux dimensions sont relatives aux soignants : d’une part, le caractère professionnel de l’ETP (formation, technique de communication, capacités de littératie en santé…) et d’autre part les bénéfices personnels qu’ils peuvent en tirer, à savoir la qualité de leur posture éducative les aide à éviter la lassitude ou l’inertie et à donner du sens à leur action, en les sortant de la notion d’obligation de résultats.

Une posture double pour favoriser la décision délibérative

« Si la médecine actuelle se caractérise par sa capacité à voir au point de rendre le corps transparent, la relation à la personne malade se doit de privilégier l’entendre, comme modalité de présence à l’autre », a poursuivi Philip Böhme. L’ajustement réciproque entre soignant et soigné servirait l’alliance thérapeutique : une expérience de partage dans la rencontre, qui permet de se délier de l’attachement à des conceptions ou des comportements appelés à se transformer. « Vecteur de cette déliaison, l’alliance thérapeutique offre ainsi une ouverture vers des changements consentis. »

Le Pr Gérard Reach, diabétologue (Université Sorbonne Paris Nord) a souligné que l’éducation thérapeutique est une rencontre dans laquelle la posture éducative du soignant doit répondre aux attentes du soigné, qui portent autant sur la technicité (une médecine prédictive, préventive et personnalisée) que sur le besoin d’humanité. C’est la raison pour laquelle ces deux notions ne doivent pas être opposées. « Il faut se satisfaire de la médecine de précision dont nous disposons, mais elle ne doit pas transformer le patient en objet », a-t-il insisté.

Pourtant, ce danger existe. En 1976, Georges Engel alertait contre les dangers du tout technique en proposant un modèle biopsychosocial, dans lequel la santé ou la maladie reposent sur des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Depuis, la médecine dite participative qui place le patient au centre du cercle des intervenants a émergé. Gérard Reach propose d’y ajouter le concept de personnes, au pluriel. Car dans la rencontre, « le tout d’un patient est plus que la somme de ses parties. Il a une partie dicible – ce que le patient sait de lui, de sa maladie, de ses traitements – et une autre indicible – angoisse, ennui, solitude, ce qui ne dépend pas de sa maladie, qu’il ne comprend pas, et ce qui tient à la maladie chronique, et le rapport au temps et la mort ».

Aussi, la rencontre est « la mise en œuvre de la technicité ET de l’humanité ». Elle doit s’éloigner du paternalisme (“je sais ce qui est bon pour vous”) ou du modèle informatif (“je vous dis tout et vous décidez”), pour que la décision partagée se rapproche du modèle interprétatif (qui aide à clarifier les préférences du patient) ou, mieux encore, du modèle délibératif : le médecin qui veut soulager la souffrance du patient ne peut en faire abstraction et peut donc lui présenter ce qu’il pense être les meilleures options pour lui, en lui laissant ensuite la décision.

La rencontre doit répondre à certains impératifs : qualité de la communication verbale et non verbale, symétrie, temps, gentillesse (antonyme d’indifférence), etc. Elle nécessite aussi de répondre aux questions, d’en poser, d’observer et de respecter les silences, de s’assurer de la compréhension de ses informations, de reformuler au besoin… « Le temps de la conversation permet d’établir une relation de confiance, or, le soin et la confiance sont la même chose », a poursuivi le professeur, reconnaissant que cette rencontre, qui repose sur une double posture – consultation et conversation – permet aussi au soignant « de s’accomplir en tant que personne ».

Du patient au patient expert et collaborateur

Le patient est expert de lui-même mais les patients peuvent aussi être experts pour les autres (patients ressources ou collaborateurs des soignants). Le modèle de Montréal, explicité par Philip Böhme, part du principe que « le patient partenaire de soins est celui qui devient d’abord partenaire de ses soins, puis celui qui transmet son expérience à d’autres patients et services, puis va assurer un leadership transformationnel auprès des patients ». Comment consolider le partenariat patient-professionnel de santé au niveau des soins ? Philip Böhme a conduit un travail avec ce profil de patients et des professionnels afin de proposer un guide co-construit sur les dimensions et marqueurs permettant de construire ce partenariat : travail d’équipe, savoir expérientiel des patients, collaboration, décision partagée, empowerment, résilience… « La posture éducative dans le champ du soin intègre d’abord les compétences relationnelles. C’est un socle pour évoluer dans le partenariat patient-professionnel de santé. »

Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape

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