France — Plus de trois ans après le début de la pandémie de COVID-19, les mécanismes expliquant la présence de symptômes prolongés de la maladie chez 10 à 30 % des personnes (COVID long), restent toujours à élucider. Un flou qui rend difficile le diagnostic et la prise en charge des patients.
Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer le phénomène parmi lesquelles un état inflammatoire lié à la persistance du virus dans l'organisme, des lésions vasculaires ou nerveuses, la production d’auto-anticorps qui déstabiliseraient le système immunitaire, l’activation des macrophages, notamment dans les tissus graisseux, un emballement de la production de NETs « pièges extracellulaires de neutrophiles » ou encore le réveil des virus latents dans l’organisme suite à l’infection COVID…
De nouveaux travaux menés par des équipes de l’Inserm et d’Université Paris Cité en collaboration avec l’université de Minho à Braga (Portugal) apportent leur pierre à l’édifice et portent l’espoir de trouver des marqueurs diagnostics.
Selon les chercheurs, les symptômes persistant pourraient être liés à des anomalies du système immunitaire associées à la présence persistante du virus dans les muqueuses de l’organisme.
Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Communication[1].
L’équipe du chercheur Inserm Jérôme Estaquier, en collaboration avec celle de Ricardo Silvestre (Université de Minho, Portugal) ont analysé les échantillons sanguins de 127 personnes six mois après leur infection dont la moitié avait un Covid long (fatigue, essoufflements, toux, douleurs musculaires ou thoraciques, anxiété…) et de 37 personnes contrôles n’ayant pas été infectées.
Les auteurs se sont notamment intéressés aux lymphocytes T (dont les cellules CD8) impliqués dans l’élimination du virus et aux anticorps anti-SARS-CoV-2.
Disposant d’échantillons sanguins prélevés lors de la phase aiguë de la maladie chez 72 de ces patients, ils ont pu comparer rétrospectivement le niveau d’inflammation au stade précoce chez les personnes ayant développé par la suite un Covid long ou non.
Des marqueurs immunitaires du COVID long…
Un certain nombre de marqueurs sanguins présents six mois après l’infection ont été identifiés chez 70 à 80 % des personnes présentant un Covid long alors que ces mêmes marqueurs sanguins étaient rares chez les sujets n’ayant pas développé de symptômes persistants.
« Un sous-type de cellule CD8 exprimant le granzyme A, une protéine inflammatoire, sont en excès, tandis qu’un autre sous-type de CD8 exprimant l’intégrine b7 sont en faible quantité. Cette dernière sous-population est pourtant essentielle pour contrôler les virus dans les muqueuses. En outre, les anticorps IgA spécifiques du virus sont également en surnombre alors qu’ils devraient être rapidement éliminés si le virus est absent. Ces observations suggèrent la persistance du virus dans l’organisme et notamment dans les muqueuses », indique un communiqué Inserm[2] qui précise que « l’hypothèse des chercheurs est que le SARS-CoV-2 pourrait se calfeutrer au niveau de la muqueuse intestinale car celle-ci est plus permissive sur le plan immunitaire que le reste de l’organisme, dans la mesure où elle doit tolérer la flore bactérienne. D’autres virus comme le VIH utilisent cette stratégie d’échappement. Initialement présent au niveau des muqueuses pulmonaires, le SARS-Cov-2 pourrait donc descendre au niveau intestinal et y persister sans que le système immunitaire ne parvienne à l’éliminer tout à fait ».
…Mais aussi des marqueurs précoces
Les chercheurs ont aussi constaté que la présence de certaines molécules inflammatoires à la phase initiale de la maladie laissaient présager du développement d’un COVID long. Il s’agissait notamment de taux très élevés d’interféron IP-10 ou d’interleukine IL-6.
« Cela confirme des observations cliniques selon lesquelles la sévérité initiale de la Covid est associée à un risque plus élevé de développer un Covid long », précisent les chercheurs.
« Une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de la Covid-19 et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s’installe durablement. Le système immunitaire finit en quelque sorte par le tolérer au prix d’une persistance des symptômes d’intensité et de nature variables », explique Jérôme Estaquier au service de presse de l’Inserm.
Des données à valider
Pour la suite, les chercheurs vont tenter de confirmer leurs résultats dans de nouvelles cohortes afin de déterminer si certains de ces marqueurs pourraient servir d’outil diagnostic.
« Si un dosage d’IgA à distance de la phase aiguë et éventuellement de cellules CD8 b7 permettait de diagnostiquer un Covid long, les médecins pourraient poser un diagnostic objectif. Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à des cibles thérapeutiques sur la base de ces travaux », conclut Jérôme Estaquier.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: COVID long : la persistance du virus dans les muqueuses perturberait le système immunitaire - Medscape - 10 mai 2023.
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