POINT DE VUE

Complications après chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus: la HAS publie ses recommandations

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

9 mai 2023

Paris, France — La Haute autorité de santé (HAS) a publié des recommandations de bonne pratique pour améliorer la prise en charge des complications du traitement chirurgical de l’incontinence urinaire et du prolapsus génital impliquant la pose de bandelettes ou d’implants de renfort pelviens [1]. Le document liste les principales complications, leur incidence, ainsi que les moyens de les éviter et de les prendre en charge.

En quoi ces premières recommandations s’avèrent nécessaires? Quelle est la situation en France concernant les complications liées à la prise en charge de l'incontinence urinaire et du prolapsus génital ? Quelles améliorations peut-on espérer ? Nous avons demandé l’avis du Pr Xavier Gamé (CHU de Rangueil, Toulouse), ancien secrétaire général de l’Association française d’urologie (AFU).

Pour rappel, l’utilisation des prothèses de renfort en polypropylène dans le traitement du prolapsus (descente d’organes) et de l’incontinence urinaire a été reconsidérée en 2019, en raison d’un profil de sécurité jugé insatisfaisant après la publication l’année précédente des Implant Files, une vaste enquête qui a révélée des lacunes et un laxisme dans la certification des dispositifs médicaux.

26 prothèses autorisées après évaluation

La HAS a entrepris en conséquence une réévaluation de ces dispositifs, qui a amené à des restrictions dans leur utilisation. Désormais, les mini-bandelettes sous-urétrales à incision unique et les implants par voie basse ne peuvent plus être utilisés dans le traitement respectivement de l’incontinence d’effort et du prolapsus vaginal, sauf dans le cadre d’essais cliniques. 

Dans le traitement de l’incontinence, la pose des bandelettes synthétiques par voie rétropubienne (TVT) est à privilégier par rapport à la voie transobturatrice (TOT), associée à davantage de complications sévères. Concernant le traitement du prolapsus, les dernières recommandations de la HAS sur la prise en charge présente désormais la promontofixation, pratiquée par voie haute, comme le traitement chirurgical standard.

Après évaluation, « 17 bandelettes classiques et 9 implants par voie haute ont reçu un avis favorable et peuvent donc être utilisés », précise la HAS.

17 bandelettes classiques et 9 implants par voie haute ont reçu un avis favorable et peuvent donc être utilisés. HAS

 

Même si la réglementation concernant la pose de ces implants a évolué, les femmes ayant reçu un implant peuvent développer des complications, parfois plusieurs années après l’opération. Selon le registre national Vigi-Mesh, qui collecte depuis quelques années les données de patientes ainsi opérées en France, le taux de complications à 6 mois est de 2,9% en regroupant les deux indications [2].

Pour améliorer la prise en charge de ces complications, la HAS a élaboré des nouvelles recommandations de bonne pratique, en partenariat avec plusieurs sociétés savantes, dont l’AFU. Il s’agit des premières recommandations du genre.

Dans le document, la HAS rappelle deux conditions préalables à une meilleure prise en charge. Tout d’abord, les informations relatives à l’opération (identification de l’implant, lieu et date d’implantation, nom du chirurgien…)  doivent être remises à la patiente sous la forme d’un dossier de traçabilité.  Ensuite, un suivi doit être mis en place avec au moins deux consultations: la première dans le mois qui suit l’opération et la deuxième un an plus tard.

Il est par ailleurs recommandé de sensibiliser les patientes sur le fait que tout signe évocateur de complication (fièvre, douleurs pendant les rapports sexuels, difficultés importantes pour uriner, incontinence ou saignement au niveau anal, douleurs persistantes…) doit amener à consulter. Des fiches d’information sur l’incontinence urinaire d’effort et le prolapsus ont pour cela été élaborées.

Concernant la prise en charge, elle est détaillée selon le type de complications. La prise de décision se fait « après concertation pluridisciplinaire » en faisant participer la patiente et en passant par des centres experts. Une condition indispensable, surtout si une nouvelle intervention chirurgicale est envisagée, a rappelé le Pr Gamé.

Medscape édition française: Quelle est la situation actuellement en France en ce qui concerne la prévention des complications de la chirurgie prothétique?

Pr Xavier Gamé

Pr Xavier Gamé : Il y a clairement une meilleure prise de conscience du risque de complications liées à la pose des bandelettes. Conformément à la réglementation, les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) se sont mises en place sur l’ensemble du territoire pour évaluer les dossiers des patientes avant chirurgie [Depuis les arrêtés de 2020 et 2021, la décision de poser des bandelettes sous-urétrales ou des implants de suspension dans le traitement de l’incontinence urinaire et du prolapsus doit se faire en concertation par une équipe plurisciplinaire de pelvipérinéologie, ndlr]. C’est désormais bien ancré.

Ces réunions permettent de s’assurer que les patientes reçoivent le meilleur traitement et que les bandelettes sont bien indiquées. En ce sens, la prévention des complications s’est améliorée.

La prévention des complications s’est améliorée.

Quelles sont actuellement les principales complications retrouvées après la pose de prothèses?

Pr Gamé: On rapporte essentiellement des douleurs chroniques sur le trajet de l’implant pour les bandelettes posées par voie trans-obturatrices, une difficulté à uriner après la pose de bandelettes sous-urétrales, un obstacle urétral et des infections sur implant. Le risque de complication post-opératoire reste toutefois faible. Il est désormais inférieur à 5% dans le traitement du prolapsus, comme dans celui de l’incontinence urinaire.

Selon les dernières données publiées du registre français Vigi-Mesh, le taux de complications à 6 mois est de 2,9% dans les deux indications [2]. Le taux de réintervention pour retirer entièrement ou partiellement la prothèse n'est que de 1%. Chez les patientes opérées par promontofixation et ayant reçu dans le même temps des bandelettes sous-urétrales pour traiter à la fois l’incontinence urinaire et un prolapsus, le taux de complication est plus élevé et monte à 5 ou 6%, mais cette approche est désormais proscrite.

L’incidence de ces complications est-elle en baisse?

Pr Gamé: Avec les dispositifs de dernière génération, le taux a largement diminué. On est loin des 20 à 25% de complications autrefois rapportées avec les anciennes plaques de renfort posées par voir vaginale dans le traitement du prolapsus. Celles-ci ont été retirées du marché en 2012, bien avant le scandale sur la certification. On avait alors essentiellement des douleurs, des érosions vaginales, des fistules et des rétractions vaginales.

Aujourd’hui, même si des registres de suivi des complications comme VigiMesh ont été mis en place, il est difficile de savoir comment évolue l’incidence sur le long terme. Le recul n’est pas suffisant.

On est loin des 20 à 25% de complications autrefois rapportées avec les anciennes plaques de renfort posées par voir vaginale dans le traitement du prolapsus.

Parmi ces complications, quelles sont les plus difficiles à prendre en charge ?

Pr Gamé: Les douleurs survenant à la racine de la cuisse sont les plus problématiques. Elles peuvent être très invalidantes. Celles-ci sont généralement associées à la pose de bandelettes sous-urétérales par voie transobturatrice (TOT), plus à risque de complications sévères que la voie rétropubienne (TVT), désormais privilégiée.

Lors de la prise en charge, la difficulté est de savoir si les douleurs chroniques sont liées à la bandelette elle-même, à l’acte opératoire ou à tout autre cause. Rien ne permet ensuite d’assurer que le retrait de l’implant va permettre de mettre fin aux douleurs. Globalement, en enlevant la bandelette posée par voie transobturatrice pour traiter des douleurs, on soulage deux patientes sur trois. Il faut rappeler que ces bandelettes ne sont pas faites pour être retirées.

En quoi ces nouvelles recommandations vont permettre une amélioration de la prise en charge?

Pr Gamé: Il est important que ces patientes souffrant de complications sévères soient orientées vers des centres spécialisés capables de les prendre en charge correctement. Là encore, les dossiers doivent être évalués en réunion de concertation pluridisciplinaire avec des chirurgiens habitués à traiter ces complications. En ce sens, ces recommandations ont leur importance car elles peuvent aider à identifier et diagnostiquer les complications et à orienter si besoin les patientes.

La difficulté aujourd’hui, c’est que les femmes ayant reçu un implant s’inquiètent au moindre symptôme. J’ai reçu des patientes se plaignant de douleurs au bras, persuadées qu’elles étaient liées à leur bandelette. Il faut pouvoir faire la part des choses. Les recommandations peuvent guider les urologues dans la décision à prendre, savoir par exemple si une nouvelle intervention apporte réellement un bénéfice par rapport au risque inhérent à toute chirurgie. Ce n’est pas si évident de se positionner.

Quels sont les signes cliniques qui doivent alerter les praticiens ?

Pr Gamé: Une complication doit être envisagée devant tout symptôme survenant au niveau de l’appareil urinaire, surtout s’il n’y a pas d’antécédents avant la pose de la bandelette. Après l’intervention chirurgicale, mais aussi à plus long terme. J’ai des patientes qui ont développé des complications dix ans après la pose de l’implant, alors qu’elles n’avaient auparavant aucun problème. Il peut s’agir par exemple d’une érosion de la vessie provoquée par une migration de la bandelette. Cela se manifeste notamment par des infections à répétition ou par des saignements à l’effort.

Les symptômes sont nombreux et peuvent survenir à tout moment. Rappelons toutefois que le risque de complications à long terme est très faible. Mais, l’urologue doit pouvoir les dépister. Pour cela, il faut les connaitre afin de savoir s’il s’agit réellement d‘une complication liée à l’implant nécessitant une prise en charge. J’en profite pour informer que l’AFU a mis en place des formations pour sensibiliser les urologues et les aider à reconnaitre ces complications.

Le risque de complications à long terme est très faible. Mais, l’urologue doit pouvoir les dépister.

En cas de réintervention, quel est le taux de succès? Y a-t-il des améliorations dans les différentes approches?

Pr Gamé: Tout dépend des complications et de l’intervention pratiquée. Comme je le disais précédemment, dans le cas des douleurs à la base de la cuisse, on guérit deux patientes sur trois en retirant la bandelette. Globalement, en cas de douleurs, il faut enlever la partie de la bandelette située du côté douloureux, voire tout l’implant en présence de douleurs bilatérales.

Pour ce qui est de l’obstruction urinaire, le taux de succès après reintervention est de 90%. L’intervention chirurgicale consiste alors uniquement à sectionner la bandelette. Dans le traitement d’une érosion de la vessie, on retire la portion en contact avec la vessie. On obtient ainsi 100% de succès.

Ces interventions sur bandelettes sont de mieux en mieux maitrisées. Mais, encore une fois, elles doivent être menées dans des centres où exercent des chirurgiens expérimentés. Plus elles y seront pratiquées, plus les résultats seront satisfaisants et moins il y aura par la suite de complications. La prise en charge des complications après la pose de bandelettes n’en sera qu’améliorée.

Ces interventions sur bandelettes sont de mieux en mieux maitrisées. Mais, encore une fois, elles doivent être menées dans des centres où exercent des chirurgiens expérimentés.

 

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