Paris – Écouter de la musique à l'aide de listes de lecture au moment du coucher est efficace contre l'insomnie liée à la dépression, même si la dépression elle-même n'est pas améliorée, d'après une nouvelle étude.
Intervention peu coûteuse et sûre
L'essai MUSTAFI (Music to Improve Sleep Quality in Adults With Depression and Insomnia) a réparti de manière aléatoire plus de 110 patients ambulatoires souffrant de dépression entre une intervention musicale et une liste d'attente. La qualité du sommeil et la qualité de vie se sont améliorées de manière significative après avoir écouté de la musique pendant une demi-heure au coucher pendant quatre semaines.
« Il s'agit d'une intervention peu coûteuse et sûre qui n'a pas d'effets secondaires et qui peut facilement être mise en œuvre en psychiatrie » avec les traitements existants, a déclaré à Medscape Medical News la chercheuse principale, Helle Nystrup Lund, PhD, de l'unité de dépression de l'hôpital universitaire d'Aalborg, au Danemark.
Les résultats ont été présentés au congrès 2023 de l'Association européenne de psychiatrie (EPA)[1] et publiés récemment dans le Nordic Journal of Psychiatry .
Difficile à résoudre
Les chercheurs notent que l'insomnie est fréquente chez les patients souffrant de dépression et qu'elle est "difficile à traiter".
Ils notent que, bien que la musique soit couramment utilisée comme aide au sommeil et que de plus en plus de données probantes suggèrent qu'elle a des effets positifs, peu d'études ont été menées sur l'efficacité de la musique pour les patients souffrant d'insomnie liée à la dépression.
Pour combler cette lacune, 112 patients ambulatoires souffrant de dépression et d'insomnie comorbide, soignés dans un seul centre, ont été assignés au hasard soit à un groupe d'intervention, soit à un groupe contrôle sur liste d'attente.
Les participants du groupe d'intervention ont écouté de la musique pendant au moins 30 minutes à l'heure du coucher pendant 4 semaines. La musique était diffusée via l'application MusicStar, qui peut être téléchargée gratuitement à partir des magasins d'applications Apple et Android (Google Play). L'application a été développée par Helle Nystrup Lund et Lars Rye Bertelsen, doctorant et musicothérapeute à l'hôpital universitaire d'Aalborg.
L'application se présente sous la forme d'une étoile multicolore, dont chaque branche renvoie à une liste de lecture d'une durée comprise entre 30 minutes et 1 heure. Chaque couleur de l'étoile indique un rythme musical différent.
Les listes de lecture bleues, explique Mme Lund, offrent la musique la plus calme, les vertes sont plus animées et les rouges sont les plus dynamiques. Les listes de lecture grises sont liées à des bandes sonores thématiques, comme la pluie d'été.
Selon Mme Lund, l'organisation des listes de lecture par stimuli et code couleur, plutôt que par genre, permet aux utilisateurs de réguler leur niveau d'excitation et rend le choix de la musique intuitif et facile.
Elle précise que les genres musicaux comprennent le New Age, le folk, la pop, la musique classique et les bandes originales de films, "mais pas de hard rock".
« Il y a en fait un très grand choix de musique disponible, car les études montrent que le choix individuel, les préférences personnelles, sont importants », a-t-elle déclaré. En revanche, elle a fait remarquer que les choix infinis offerts par les services de streaming pouvaient être source de confusion.
« Nous avons donc élaboré des listes de lecture avec des morceaux connus, mais aussi avec de la musique composée pour l’occasion et qui n'est associée à rien », a expliqué Mme Lund.
Les participants ont été évalués à l'aide de l'indice de qualité du sommeil de Pittsburgh (PSQI), de l'échelle d'évaluation de la dépression de Hamilton (HAMD-17) et de deux questionnaires de bien-être de l'Organisation mondiale de la santé (OMS-5, WHOQOL-BREF), ainsi que par actigraphie.
Les résultats ont montré qu'après 4 semaines, les participants du groupe d'intervention ont connu des améliorations significatives de la qualité du sommeil par rapport aux personnes témoins. L'ampleur de l'effet pour l'indice PSQI était de -2,1, et pour la qualité de vie selon l'indice WHO-5, l'ampleur de l'effet était de 8,4.
Une sous-analyse a révélé que la durée du sommeil nocturne dans le groupe d'intervention a augmenté en moyenne de 18 minutes au cours de l'étude par rapport à une base d'environ 5 heures par nuit, a déclaré Helle Nystrup Lund.
Cependant, il n'y a pas eu de changement dans les mesures actigraphiques ni d'amélioration significative des scores HAMD-17.
Mme Lund a déclaré que sur la base de ces résultats positifs, l'intervention musicale comme aide au sommeil est maintenant proposée à l'hôpital universitaire d'Aalborg aux patients souffrant d'insomnie liée à la dépression.
Significatif sur le plan clinique ?
Commentant les résultats pour Medscape Medical News, le Pr Gerald J. Haeffel (département de psychologie, Université de Notre Dame, Indiana), a déclaré que dans l'ensemble, l'étude a montré qu'il y avait un changement dans les scores de qualité du sommeil et de qualité de vie « d'environ 10% dans chaque cas ».
« À première vue, cela semble être un changement significatif, bien qu'il ne soit pas certain qu'il soit cliniquement significatif. C'est peut-être le cas, mais il serait bon d'avoir plus d'informations ».
Il serait utile, selon lui, de « montrer les moyennes pour chaque groupe avant et après l'intervention, ainsi que les écarts types ».
Gerald J. Haeffel a ajouté que sur la base des résultats actuels, il n'est pas possible de déterminer si le contrôle des individus sur le choix de la musique est important.
« Nous ne savons pas si le "choix" ou la longueur de la liste de lecture a un rôle causal dans les résultats. Il faudrait mener une étude avec la même liste de lecture, et comparer un groupe devant écouter n'importe quelle chanson qui passe, contre une autre situation dans laquelle les patients pourraient choisir une chanson de la même liste », a-t-il déclaré.
En outre, la raison pour laquelle la musique a un effet positif sur l'insomnie n'est pas claire.
« Ce n'est pas parce qu'elle aide à lutter contre la dépression, ni parce qu'elle modifie les paramètres objectifs du sommeil. Il se peut qu'elle améliore l'humeur juste avant le coucher ou qu'elle aide à distraire les gens juste avant le coucher. En même temps, il pourrait s'agir d'un simple effet placebo », a déclaré le Dr Haeffel.
En outre, il est important de noter que l'intervention musicale n'avait pas de comparateur, de sorte que « peut-être que le simple fait de faire quelque chose de différent ou de pouvoir parler avec des chercheurs a créé l'effet et n'a rien à voir avec la musique ».
Dans l'ensemble, il estime qu'il n'y a "pas assez de données" en faveur de l’utilisation de la musique en première intention pour améliorer le sommeil d’après l'étude actuelle mais que « des travaux futurs pourraient montrer son utilité en tant que complément ».
Lund et Bertelsen déclarent être propriétaires et vendeurs de l'application MusicStar. Haeffel ne fait état d'aucune relation financière pertinente.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé Music at Bedtime May Aid Depression-Related Insomnia. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Ecouter de la musique au coucher pourrait soulager l'insomnie liée à la dépression - Medscape - 4 mai 2023.
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