Paris, France – La littérature scientifique s’accumule en faveur du baclofène vis-à-vis de l’abstinence et de la récupération des fonctions hépatiques chez les patients atteints de cirrhose liée à l’alcool. L’étude en vie réelle à partir de la cohorte OBADE le confirme : associé à un traitement psychosocial, le baclofène permet l’abstinence ou la réduction de la consommation d’alcool et améliore la fonction hépatique. Le point, à l’occasion des Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive (16-19 mars 2023, Paris)[1].
En faveur du baclofène, notamment en cas d’hépatopathie alcoolique sévère
Le baclofène, un dérivé p-chlorophényle de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), a obtenu son autorisation de mise sur le marché en 2021. Ce traitement est recommandé indiqué pour réduire la consommation d'alcool, après échec des autres traitements médicamenteux disponibles, chez les patients adultes ayant une dépendance à l'alcool et une consommation d'alcool à risque élevé (> 60 g/jour pour les hommes ou > 40 g/jour pour les femmes) .
Pour rappel, 1,9 millions de Français ont eu, en 2021, une consommation moyenne au-delà du seuil des 20 g d’alcool pur/jour (soit deux verres de vin) qui expose à un risque de cirrhose [2], mais sans pour autant qu’ils ne présentent un trouble de l’usage de l’alcool, indication du baclofène.
Quelques études randomisées et observationnelles suggèrent, chez les patients cirrhotiques, un effet positif du baclofène sur l’abstinence et l’amélioration de la fonction hépatique. Une méta-analyse réalisée par l’équipe du Pr Jean-François Cadranel (GHPSO, Creil) et présentée aux JFHOD 2023 ne dit pas autre chose [3].
Mais l’étude à suivre est celle menée en vraie vie par la Dr Camille Barrault du service d’addictologie, foie et maladies digestives du CHI de Créteil, qui avait déjà publié sur le sujet en 2017 [3], chez des patients avec cirrhose diagnostiquée ou non.
Les résultats penchent en faveur du baclofène : « chez les patients cirrhotiques, les études avec le baclofène sont peu nombreuses, avec seulement deux études randomisées [4,5]. En 2017, dans notre étude en vie réelle chez les patients cirrhotiques (âge moyen 55,2 ± 9,1 ans), la bilirubinémie avait diminué de 22 à 11 µmol/l (P=0,026), le temps de prothrombine avait augmenté de 68 à 77 % (P<0,001) et l’albuminémie de 34,1 à 37,4 g/l (P<0,001). 20 % des patients avaient rapporté des événements indésirables de grades 1-2 mais aucune détérioration de la fonction hépatique ou rénale n’était survenue[3].
En résumé, la réduction marquée de la consommation d’alcool chez 64 patients sur les 100 inclus s’est traduite par une amélioration des marqueurs biologiques et des tests de la fonction hépatique. Ces données sont sans conteste en faveur du baclofène, notamment en cas d’hépatopathie alcoolique sévère. »
De manière générale, les études avec le baclofène ne rapportent pas d’effets indésirables importants chez les patients cirrhotiques. Le médicament est principalement excrété sous forme inchangée par les reins et a un faible métabolisme hépatique, ce qui rend son utilisation possible et intéressante chez les patients atteints de cirrhose, même avec une maladie hépatique décompensée. Une précaution d’emploi est néanmoins nécessaire en cas d’insuffisance rénale et sous diurétiques.
Le baclofène en vraie vie, mission réussie
« On connaît toute la complexité des troubles de l’usage de l’alcool qui sont une maladie bio-psycho-sociale, insiste le Pr Barrault. Par conséquent, le médicament seul ne pourra pas résoudre le problème. Quant à l’amélioration du score de Child-Pugh, le doute n’est plus permis : l’effet du baclofène est assez radical sur la fonction hépatique. En termes d’addictologie et de maladies hépatiques liées à l’alcool, tout ce qui permet d’améliorer la fonction hépatique est bon à prendre, a fortiori lorsque les données de sécurité sont rassurantes, comme c’est le cas. »
Les conclusions de la dernière étude observationnelle sur le sujet du Pr Barrault, réalisée en 2022 à partir de la cohorte française OBADE (dans 10 unités « foie » en France) avec un suivi d’un an et dont la parution est imminente apportent leur pierre à l’édifice : le baclofène combiné à des soins psychosociaux est utile et sûr chez les patients avec une cirrhose liée à l’alcool. « Nos données de sécurité sont rassurantes, assure-t-elle. Le baclofène est moyen supplémentaire et probablement très bien toléré chez des patients dont la cirrhose liée à l’alcool est sévère (Child-Pugh C), et qui récupèrent une fonction hépatique correcte de manière assez rapide, du fait du maintien de l’abstinence alcoolique. »
Dans cette série de 71 patients atteints de cirrhose alcoolique, 12 mois d’utilisation de baclofène à la dose de 75 mg/jour associée à une prise en charge psychosociale ont été bien tolérés et ont entraîné une diminution significative de la consommation déclarée d’alcool ainsi qu’une amélioration de la fonction hépatique.
La consommation globale déclarée est passée de 100,2 à 14,7 g/jour (p<0·0001) et 29 patients (40,8%) ont atteint l’abstinence. Une amélioration significative des biomarqueurs habituels de la consommation excessive d’alcool et de la fonction hépatique (rapport de prothrombine, taux d’albumine) a été observée.
Les effets secondaires habituels tels que la somnolence étaient fréquents (22 %) mais aucun événement indésirable grave ou d’encéphalopathie manifeste liés au baclofène n’a été rapporté.
Le Pr Camille Barrault déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec la présentation de son étude.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le baclofène, efficace et sûr dans la cirrhose liée à l’alcool - Medscape - 4 mai 2023.
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