France — Un patient qui a subi une commotion cérébrale est-il particulièrement à risque de trouble du stress post-traumatique (TSPT) ? Quels sont les éléments qui peuvent orienter vers ce diagnostic ? Ces questions ont été posées lors d’une session des Journées de neurologie de langue française (JNLF) 2023.
« Le TSPT est fréquent chez le traumatisé crânien à la fois parce qu’il y a une exposition à un événement violent mais aussi parce qu’il y a une physiopathologie commune et intriquée », a indiqué l’intervenant, le Dr Benoît Granon, (psychiatre, CHU Lille).
Pourquoi penser au TSPT ?
« Les traumatisés crâniens ont par définition subit un événement traumatique qui peut induire un TSPT. En outre, le traumatisme peut être lié au contexte dans lequel est survenue la commotion cérébrale. Enfin, le TSPT peut être lié à la prise en charge dans les suites du parcours de soins, lors du développement de complications ou d’un séjour en réanimation », a précisé le Dr Granon qui ajoute que « l’amnésie, même complète, lors de l’événement initial ne semble pas protéger du TSPT ».
Dans la littérature, les quelques études qui se sont penchées sur le sujet montrent que le TSPT est, en effet, fréquent chez les patients cérébrolésés.
Une méta-analyse parue dans le Journal Head Traum Rehabil en 2019 réalisée chez des vétérans et des civils a montré que chez les individus ayant eu une commotion cérébrale, 27,1% développent un syndrome post traumatique contre 11 % chez ceux qui n’ont pas eu de traumatisme crânien (les anciens militaires y étant plus sujets que les civils).
Trouble de stress post-traumatique
Deux conditions doivent être réunies pour parler de syndrome de stress post-traumatique : le patient doit avoir été exposé à un événement traumatique et les symptômes doivent se développer à partir d’un mois après l’événement initial. « Un stress post-traumatique ne peut pas se développer dans les 15 jours qui suivent un événement traumatique. Si le patient a beaucoup de symptômes, on parlera éventuellement d’un état de stress aigu », souligne le Dr Granon.
Les symptômes qui peuvent orienter vers le diagnostic de TSPT sont un syndrome de répétition, un syndrome d’évitement, un syndrome d’hyperactivation neurovégétative, et une altération des cognitions et de l’humeur.
« Il y a plusieurs sous-types dans le TSPT. Un sous-type dissociatif avec des patients qui ont des symptômes de déréalisation ou de dépersonnalisation et un autre sous-type qui est retardé. Dans ce deuxième cas, il existe un intervalle libre pendant lequel il n’y a pas de symptômes. Le TSPT se développe lors d’un événement déclenchant (rappel de l’événement traumatique ou nouvel événement traumatique) », précise l’orateur.
TC et TSPT : les symptômes peuvent être similaires
Il existe un chevauchement de certains symptômes entre le syndrome post-traumatique et les suites d’une commotion cérébrale notamment l’irritabilité, les troubles de la concentration, les troubles du sommeil, les céphalées, les troubles mnésiques (TC ou dissociation), l’anxiété et la dépression.
« Comme signes de trouble de stress post-traumatique qui sont plus généralement attribués au syndrome post-commotionnel on peut retrouver les céphalées, les troubles de la vision, la photophobie, les troubles de l’équilibre. A l’inverse dans le syndrome post-commotionnel, on peut avoir des comportements d’évitement, des flashback, des difficultés psychiques sur un événement déclencheur qui l’on pourrait attribuer intuitivement à un syndrome post-traumatique », souligne le Dr Granon qui ajoute : « souvent les psychiatres voient le syndrome de stress post-traumatique alors que les neurologues et les rééducateurs voient le syndrome post-commotionnel. Le même symptôme peut être appelé de deux noms différents selon qui le relève et qui le mesure ».
Pour faire la distinction entre un TSPT et les symptômes d’un TC, les auto-évaluations et les tests neuropsychologiques ne sont pas suffisants, a indiqué l’orateur qui précise que « l’évaluation temporelle de l’apparition des signes peut avoir une certaine utilité pour faire la distinction entre les deux ».
Toutefois, d’un point de vue clinique, il ne semble pas essentiel de faire la distinction entre les deux causes pour mettre en place une stratégie thérapeutique, a rassuré le Dr Granon.
L’important est de prendre en charge les symptômes, notamment le syndrome d’évitement qui a tendance à s’étendre à d’autres situations que celle à l’origine du traumatisme et qui est très invalidant.
TC : quels facteurs de risque de TSPT ?
Comment repérer les patients les plus à risque de développer un TSPT après une commotion cérébrale ?
Une étude longitudinale multicentrique publiée dans le JAMA Psychiatry en 2018 a recherché les facteurs de risque de trouble du stress post-traumatique et de dépression chez près de 1200 civils américains ayant été victimes d’un traumatisme crânien léger.
Il en ressort que le niveau éducatif moindre était plutôt protecteur (RR=0,89) alors que le fait d’être noir, d’avoir un antécédent de trouble psychiatrique et d’avoir été victime de violence dans le passé étaient associés à un surrisque de développer un stress post-traumatique de respectivement 5,11 ; 3,57 et 3,43.
« Il est généralement admis que les principaux facteurs de risque de TSPT sont le fait d’être une femme car elles sont plus exposées aux violences sexuelles, les antécédents de traumatismes, l’absence de soutien, les autres troubles psychiatriques, le type d’événements et la fréquence des ces derniers. Mais, il existe aussi des composantes socio-culturelles et des anomalies génétiques dans le TSPT. On peut transmettre une vulnérabilité au traumatisme à sa descendance », précise le Dr Granon.
Peut-on prévenir un TSPT après un traumatisme crânien ?
A cette question, le Dr Granon a expliqué : « malheureusement, nous n’avons pas de conduite consensuelle en psychiatrie sur la marche à suivre pour éviter le développement d’un TSPT chez un patient à la phase initiale avec facteurs de risque. Il faut probablement déjà l’informer et l’orienter ».
Autre conseil : absolument éviter les benzodiazépines et l’alcool qui sont des facteurs de risque de développement d’un TSPT.
Enfin, si à un mois de l’événement initial, les symptômes sont encore présents, une nouvelle consultation est nécessaire. Dans la mesure du possible une prise en charge multidisciplinaire psychiatre, rééducateur, et/ou neurologue est à mettre en place.
« Il faudrait aussi s’intéresser à la question des troubles somatoformes* qui est très largement sous-étudiée chez ces patients alors qu’ils ont un impact très important », a par ailleurs souligné le Dr Granon.
* caractérisés par des symptômes physiques associés à des demandes d'investigation médicale, persistant malgré des bilans négatifs répétés.
Le Dr B. Granon n’a pas de lien d’intérêt en rapport avec ce sujet.
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Citer cet article: Faut-il s’inquiéter du risque de stress post-traumatique après un traumatisme crânien ? - Medscape - 5 mai 2023.
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