France, Inde — Dans la prise en charge d’une rectocolite hémorragique (RCH) légère à modérée, une transplantation fécale à partir de donneurs multiples associée à un régime alimentaire adapté décrit comme « anti-inflammatoire » s’est montré supérieur au traitement standard, notamment sur le taux de rémission clinique et endoscopique à un an. C’est ce que révèle un petit essai randomisé indien, qui confirme l’intérêt de cette approche mixte perçue comme prometteuse [1].
Dans cette étude, le régime alimentaire préconisé (pauvre en gluten, riche en fruits et légumes, sans viande rouge, ni sucres raffinés ou aliments ultra-transformés…) a été maintenu comme unique traitement d’entretien après la transplantation fécale. A un an, le taux de rémission profonde est de 25% chez les patients ainsi traités, contre 0% chez ceux sous traitement standard optimisé.
Une approche nutritionnelle « très demandée »
Ces résultats ont été présentés lors des Journées francophones d'hépato-gastroentérologie et d'oncologie digestive (JFHOD 2023) par le Dr Nicolas Benech (Service de gastroentérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris), lors d’une session consacrée aux publications les plus marquantes de l’année 2022 dans le domaine des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) [2].
Depuis peu à l’essai, les stratégies thérapeutiques basées sur des régimes alimentaires adaptés commencent à donner des résultats cliniques encourageants dans la prise en charge des MICI. Si des études plus larges doivent confirmer les bénéfices de cette approche, pour le gastro-entérologue, il s’agit déjà « d’un acteur majeur [de l’arsenal thérapeutique] de demain » qui, de plus, est « très demandé par les patients ».
En ce qui concerne la transplantation fécale, les études ont montré des effets bénéfiques dans le traitement de la RCH, avec une rémission clinique sans corticoïdes et une cicatrisation des muqueuses maintenues jusqu’à un an chez certains patients. Mais des interrogations persistent sur les modalités à suivre, notamment dans la sélection des donneurs ou sur la nécessité de répéter les transplantations, ce qui pourrait les rendre contraignantes.
Dans leur étude, le Dr Kedia Saurabh et son équipe (All India Institute of Medical Sciences, New Delhi, Inde) ont voulu évaluer les deux approches combinées. « Le régime alimentaire peut améliorer le succès de la transplantation fécale en créant une niche favorable à la greffe du microbiote du donneur et aussi par son propre effet anti-inflammatoire », écrivent les auteurs.
Sept transplantations consécutives
L’essai monocentrique contrôlé a inclus 66 patients atteints de RCH modérée à légère (60% de formes légères) depuis une médiane de quatre ans. Ils étaient tous traités par l’anti-inflammatoire mésalazine (5-ASA). Certains recevaient également de l’azathioprine (30%) ou une biothérapie (3%).
Ils ont été randomisés entre une stratégie thérapeutique combinant une transplantation fécale et un régime alimentaire anti-inflammatoire adapté d’un côté et un traitement standard optimisé de l’autre (groupe contrôle). A huit semaines, les patients évaluant la stratégie mixte devaient poursuivre le régime alimentaire, tandis que ceux du groupe contrôle ont repris leur traitement habituel.
Pour la transplantation de microbiote fécal, les chercheurs ont sélectionné une dizaine de donneurs en bonne santé vivant en milieu rural. Les préparations fécales utilisées ont été obtenues à partir des selles de deux à cinq donneurs. Elles ont été administrées aux patients par coloscopie à raison d’une transplantation hebdomadaire pendant les sept premières semaines, d’abord dans le côlon droit, puis dans le côlon gauche.
En plus de poursuivre leur traitement habituel, les patients ayant reçu la transplantation devaient adopter un régime alimentaire « anti-inflammatoire », en augmentant les apports en fruits et légumes, notamment les crucifères, en produits fermentés, tout en évitant le gluten, les produits laitiers, ainsi que la viande transformée, la viande rouge, les sucres raffinés et la nourriture industrielle à base d’additifs.
A huit semaines, les résultats montrent un taux de rémission clinique de 60% avec la stratégie mixte, contre 32,3% dans le groupe contrôle (76% contre 35% en se limitant aux formes légères de RCH). Une rémission profonde (rémission clinique et endoscopique) est observée chez respectivement 36,4% 8,7%. La réponse clinique est également meilleure avec la stratégie puisqu’elle concerne respectivement 65,5% et 35,5% des patients.
Meilleure réponse sans stéroïdes
A un an, la rémission profonde se maintient chez 25% des patients expérimentant l’approche combinée, tandis que ceux prenant le traitement optimisé ont tous connu une rechute. « Ces résultats suggèrent que le régime anti-inflammatoire pourrait maintenir la rémission clinique et endoscopique induite par la transplantation de microbiote intestinal », commentent les chercheurs.
A noter: tous les patients naïfs de traitement par corticoïdes ont répondu à la transplantation fécale. Si la gravité de la maladie est apparue comme un facteur prédictif de la réponse à cette stratégie, une calproctectine fécale basse a également été associée à une réponse, mais de manière non significative.
Concernant les effets secondaires, ils ont été observés dans les deux groupes à un taux équivalent (74,3% contre 87% dans le groupe contrôle). Les patients ont rapporté en majorité des douleurs abdominales (31,4% contre 54,8%), des gonflements et des flatulences (48,6% contre 38,7%) et des diarrhées (37,1% contre 35,5%).
« La combinaison de la transplantation fécale et d’un régime anti-inflammatoire semble être une thérapie efficace et sûre pour les patients souffrant d’une RCH légère à modérée. La manipulation du microbiome et des interventions sur le plan diététique pourraient jouer un rôle majeur dans la gestion des maladies inflammatoires de l’intestin et devraient faire l’objet d’un évaluation plus approfondie », ont conclu les auteurs.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Rectocolite hémorragique: adapter l’alimentation pour potentialiser la transplantation fécale? - Medscape - 2 mai 2023.
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