Bruxelles, Belgique – Des experts dans les domaines du vieillissement, des soins aux personnes âgées et de la santé ont lancé un appel à mieux vacciner les ainés pendant la Semaine européenne de la vaccination. Interview du professeur Nicolas Berg, gériatre au CHU de Liège et co-président de la Société belge de gérontologie et de gériatrie.
Vous plaidez notamment pour que soit instauré un véritable carnet de vaccination pour les aînés, en miroir de ce qui existe pour les plus jeunes…
Il existe certes des recommandations de vaccinations pour les séniors, donc certaines sont plus ou moins respectées, mais aucun outil systématique qui permettrait de souligner l’utilité et l’efficacité de certaines vaccinations pour cette catégorie de la population. De manière concrète, si la vaccination contre la grippe est largement appliquée – mais pas encore suffisamment ! – c’est parce que le vaccin doit être renouvelé chaque année, qu’il y a une saisonnalité, des débats, une occasion d’en parler.
À l’opposé, le vaccin contre le pneumocoque, dont l’efficacité est pourtant bien démontrée chez la personne âgée, est beaucoup moins mis en évidence, sans doute à cause d’un schéma vaccinal plus complexe et qui a varié au cours du temps. Pourquoi seuls les enfants pourraient-ils bénéficier d’un cahier qui reprend les vaccinations recommandées et effectuées et pas les personnes âgées ? Ce doit être intégré aux documents comme le dossier médical global.
Le souci…
C’est que les gens qui s’estiment en bonne santé se préoccupent beaucoup moins de vaccination. À tort, évidemment. Peu de gens pensent utile de se vacciner du tétanos, alors qu’il faut renouveler ce vaccin tous les dix ans. Beaucoup de gens se disent « À quoi bon ? ». On peut pourtant en mourir, même si c’est fort rare, mais surtout en souffrir lourdement et garder des séquelles. Pour d’autres vaccins, comme celui contre le zona, c’est l’effet bénéfique qui est mal connu. On meurt peu du zona, mais le vaccin évite de souffrir le martyre ensuite. La douleur de la névralgie post-zostérienne, qui apparaît dans la zone où l’éruption cutanée du zona est apparue, peut être sévère, voire invalidante. Elle peut s’atténuer au bout de plusieurs mois, mais également persister pendant des années. L’efficacité est reconnue, mais le vaccin n’est pas remboursé et reste assez onéreux, donc il est sous-utilisé.
Y a-t-il un sous-investissement manifeste en prévention pour les aînés ?
Il y a quelques décennies, les gériatres soignaient les grands dépendants, les cas extrêmes. Mais au fil du temps, on s’est avisé que la prévention restait essentielle chez les plus âgés. Qu’un excès de cholestérol, un déficit d’activité, une hygiène de vie perfectible étaient aussi essentiels pour les aînés que pour la population générale. Que l’intérêt de la prévention et de la vaccination étaient tout à fait démontrés et que, comme on avait fait chuter la mortalité infantile de manière impressionnante dans le passé grâce à la vaccination, on pouvait avoir un effet majeur pour la prévention de la fragilité des aînés et des complications liées à cette fragilité.
La fragilité fait référence à un état de vulnérabilité accrue chez les personnes âgées. Cet état pourrait être considéré comme un trouble de « puissance de réserve » réduite chez l’être humain, les petits désagréments pouvant déclencher plus facilement de graves problèmes de santé. C’est pourquoi il faut établir un schéma vaccinal de la personne âgée, notamment parce que les manquements constatés à l’âge adulte se reproduisent au grand âge.
On déplore souvent un investissement insuffisant dans le domaine des vaccins, abandonné par certains acteurs historiques ces dernières années
Il est clair qu’il faut davantage de recherche en la matière, non seulement pour améliorer la qualité et l’efficacité des vaccins, diminuer les effets secondaires, mais aussi développer d’autres formes galéniques comme la voie orale ou cutanée. On voit aujourd’hui des vaccins tétravalents contre la grippe, alors que c’était improbable il y a encore dix ans. Mais il faut continuer et ne pas se reposer sur ses (incontestables) lauriers. La conscientisation du public mais aussi des professionnels de la santé est indispensable. Les autorités de la santé hésitent parfois à investir dans la prévention. C’est négliger que cela pourrait représenter ensuite des économies importantes dans le secteur des soins de santé. On peut se féliciter plus bruyamment d’avoir fourni à temps les bons antibiotiques pour guérir une infection à pneumocoques… que l’on aurait pu éviter avec un vaccin. Il ne faut pas attendre que la maison brûle pour s’en préoccuper.
Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un plan de vaccination national ciblant ce groupe de population. La Société belge de gérontologie et de gériatrie (BVGG) et l’Adult immunisation Board (AiB) profitent de la Semaine européenne de la vaccination et de la première réunion technique de l’AiB pour appeler le gouvernement à l’action. Le rapport entre les personnes âgées de 67 ans et plus et les personnes âgées de 18 à 66 ans passera de 26 % en 2020 à 39 % en 2070. Avec un nombre croissant de personnes âgées vivant plus longtemps, il y a un besoin croissant de soins de santé préventifs, y compris la prévention des infections par la vaccination, pour aider à maintenir leur santé et leur bien-être. Le développement de la fragilité chez les personnes âgées s’accompagne souvent d’une détérioration progressive du système immunitaire, ce qui les rend plus sensibles aux infections, à l’hospitalisation ou à des complications graves comparé aux jeunes adultes. En moyenne, 500 000 personnes en Belgique sont touchées par la grippe chaque année (± 2 à 8 % de la population), mais plus de 90 % des décès concernent des personnes âgées de 65 ans ou plus.
Cet article a initialement été publié sur le site de Mediquality.net, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: « Nos séniors ne sont pas suffisamment protégés par la vaccination » - Medscape - 5 mai 2023.
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