Une perte de poids anormale chez des patients obèses atteints de diabète de type 2 doit systématiquement attirer l'attention, comme l’illustre deux cas présentés ici.[1]
Patient 1
Il s’agit d’une femme de 54 ans souffrant de diabète de type 2 depuis deux ans. Son diabète avait été découvert lors d’une consultation pour une perte de poids de 4 kg sans cause apparente. La patiente avait par la suite légèrement modifié son alimentation et avait perdu 12 kg supplémentaires.
Elle a comme antécédent une pancréatite diagnostiquée 18 ans auparavant. Aucune autre maladie ne lui était connue.
Les examens indiquent les réusltats suivants :
IMC actuel : 23,3 kg/m2.
Dernier taux d'HbA1c : 7,1 %
La détermination de la fonction résiduelle des cellules bêta montre une « production d'insuline nettement limitée » avec 4,4 μU/ml à la base et 11,6 μU/ml 6 minutes après l'administration de 1 mg de glucagon.
Anticorps associés au diabète de type 1 : négatifs
Scanner abdominal : masse dans la tête du pancréas
Une duodénopancréatectomie est alors effectuée, révélant une tumeur neuroendocrine de la tête du pancréas à croissance infiltrante, modérément différenciée, avec expression du glucagon et positivité des récepteurs de la somatostatine. Une insulinothérapie intensifiée est mise en place.
Patient 2
Il s’agit d’un homme de 71 ans dont la perte de poids n’a pas permis d’améliorer son HbA1c. Il souffre d’un diabète de type 2 découvert par hasard dix ans auparavant, lors d'un examen de routine, avec un taux d'HbA1c de 6,6%. À l'époque, son IMC était de 31,2.
Après une perte de poids volontaire, obtenue très facilement, son IMC s'était finalement stabilisé légèrement au-dessus de 27. Malgré la perte de poids significative et la médication antidiabétique, l'HbA1c est passée à 9,4. Il avait eu, lui aussi, une pancréatite plusieurs années auparavant.
Résultats d'examen :
Production d'insuline limitée (test au glucagon : 4,3 μU/ml et 10,8 μU/ml)
Échographie abdominale : parenchyme pancréatique hétérogène avec des échos de fibrose et de nombreuses petites formations kystiques
Tomodensitométrie : canal de Wirsung dilaté dans le sens d'une tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du canal pancréatique principal
Les résultats histologiques après duodénopancréatectomie totale indiquent une tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas de type gastrique, d'environ 4 cm, un adénocarcinome du pancréas modérément différencié avec infiltration périneurale et une lymphangite carcinomateuse. Le traitement a consisté en une chimiothérapie selon le schéma FOLFIRINOX et une insulinothérapie intensifiée.
Discussion
Chez ces deux patients, l'importante perte de poids et l'absence de rémission du diabète de type 2 ont été remarquées, expliquent les auteurs.[1] Ils recommandent, en cas de perte de poids de plus de 10 kg, d'envisager d'autres causes qu'un simple changement de régime alimentaire.
Les deux évolutions pourraient être typiques d'un diabète de type 1 de développement lent. Le diagnostic d'auto-anticorps, négatif chez la patiente, n'exclut pas un diabète de type 1 ; seul un résultat positif a valeur de preuve.
Une pancréatite a également été remarquée dans les deux cas, ce qui pourrait être la cause d'un diabète pancréatique évoluant lentement. La question de savoir si la pancréatite était également à l'origine de la dégénérescence maligne ne pouvait toutefois pas être tranchée avec certitude.
En conclusion, les auteurs recommandent d'analyser par une mesure de la sécrétion résiduelle d'insuline une perte de poids peu claire, ou excessive au regard du changement de mode de vie initié, chez les patients diabétiques d'âge moyen ou avancé. Si la mesure montre une production d'insuline limitée, une tumeur du pancréas devrait être exclue avec certitude par un diagnostic en coupe ou une endosonographie.
Les tumeurs du pancréas peuvent avoir différentes origines, 95% provenant de la partie exocrine du pancréas et 5% des cellules neuroendocrines.[2]
L'adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC) est une maladie tumorale particulièrement létale ; il représente 85% des tumeurs du pancréas. Dans le monde occidental, le PDAC se situe au quatrième rang des décès liés aux tumeurs. Dans le domaine du tractus gastro-intestinal, le PDAC se place même en deuxième position après le cancer du côlon. Le PDAC devrait atteindre le deuxième rang des décès par tumeurs en Occident d'ici 2030 si les approches thérapeutiques restent les mêmes et si la prévalence augmente. Si l'objectif thérapeutique est curatif, la chirurgie radicale est la seule chance de guérison. Cependant, en raison du commencement tardif des symptômes, seuls 15 à 20% des patients sont éligibles pour une résection primaire.
L'incidence standardisée par âge du carcinome du pancréas est de 12,8 /100 000 et la mortalité de 11,9/100 000. Il en ressort une incidence plus élevée en Occident comme en Amérique du Nord et en Europe occidentale et centrale par comparaison à l'Asie du Sud ou l'Afrique. Avant 45 ans, le PDAC est très rare, puis l'incidence augmente régulièrement. L'incidence la plus élevée est atteinte chez les hommes entre 65 et 69 ans et chez les femmes entre 75 et 79 ans.
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Source : Dreamstime
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Citer cet article: Étude de cas : perte de poids anormale dans le diabète de type 2 - Medscape - 2 mai 2023.
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