Uppsala, Suède – Une nouvelle étude a montré que la réponse de la pression artérielle à divers médicaments antihypertenseurs variait considérablement d'un individu à l'autre, ce qui laisse entrevoir la possibilité d'une thérapie personnalisée.
Vers une médecine personnalisée
« Nous avons constaté que l'utilisation du médicament antihypertenseur optimal pour un patient donné entraînait une réduction moyenne de la pression artérielle supérieure de 4,4 mm Hg par rapport à un choix aléatoire d'autres médicaments. C'est une différence assez importante, qui pourrait être équivalente à l'ajout d'un autre médicament », a déclaré à theheart.org | Medscape Cardiology l'auteur principal de l'étude, Johan Sundström, médecin à l'hôpital universitaire d'Uppsala (Suède).
« Ces résultats préliminaires suggèrent que certaines personnes peuvent être mieux traitées avec un médicament antihypertenseur plutôt qu'un autre. Cela ouvre le champ de l'hypertension à la médecine personnalisée », a-t-il ajouté.
L'étude a été publiée en ligne le 11 avril dans le Journal of the American Medical Association [1].
Un antihypertenseur adapté ou plusieurs
Les auteurs notent qu'en dépit de l'accès mondial à plusieurs classes de médicaments très efficaces pour abaisser la tension artérielle, seule une femme sur quatre et un homme sur cinq souffrant d'hypertension atteignent les objectifs thérapeutiques.
Alors que la plupart des recommandations sur l'hypertension préconise une pharmacothérapie combinée, de nombreux patients en soins courants continuent d'être traités en monothérapie, les effets indésirables et le manque d'observance étant d'importants problèmes cliniques.
« Souvent, un seul médicament ne permet pas de réduire suffisamment la pression artérielle, mais les patients sont réticents à passer à deux médicaments », a déclaré le Dr Sundström. « Si nous savons que les quatre classes d'antihypertenseurs recommandées réduisent la pression artérielle de manière égale en moyenne, nous ne savons pas si leur efficacité est la même chez les patients individuels ».
« Nous nous sommes demandé s'il pouvait y avoir différents médicaments optimaux pour différentes personnes, et si nous pouvions identifier le médicament optimal pour chaque personne, alors peut-être qu'un plus grand nombre de patients pourraient atteindre les niveaux cibles avec un seul médicament », a-t-il ajouté.
Un essai randomisé, en double aveugle et en cross-over
Les chercheurs ont mené un essai randomisé, en double aveugle et en cross-over répété dans une clinique de recherche ambulatoire en Suède, étudiant 280 hommes et femmes souffrant d'hypertension de grade 1 et présentant un faible risque d'événements cardiovasculaires.
Chaque participant s’est vu prescrire un traitement de deux mois, dans un ordre aléatoire, avec chacune des quatre classes différentes de médicaments antihypertenseurs :
un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA), le lisinopril ;
un inhibiteur de l'angiotensine II, le candésartan ;
un diurétique thiazidique, l'hydrochlorothiazide ;
un inhibiteur calcique, l'amlodipine.
Les périodes de traitement ont été répétées pour deux classes de médicaments afin d'essayer de tenir compte de tout effet d'un événement particulier qui aurait pu affecter la pression artérielle à un moment donné. La pression artérielle systolique diurne ambulatoire a été mesurée à la fin de chaque période de traitement.
Baisse de la pression artérielle systolique de 4,4 mm Hg
Les résultats ont montré que la variation de la pression artérielle systolique était importante entre les traitements (en moyenne), entre les participants (en moyenne), entre les participants prenant le même traitement et entre les traitements chez le même participant.
Dans l'ensemble, un traitement personnalisé utilisant la monothérapie optimale a permis d'abaisser la pression artérielle systolique de 4,4 mm Hg dans la population étudiée, par rapport à un choix aléatoire de l'une des autres classes de médicaments.
Si l'on tient compte du fait que le lisinopril s'est avéré être en moyenne le plus efficace des médicaments aux doses sélectionnées, le traitement personnalisé comparé au lisinopril a tout de même conduit à une amélioration de 3,1 mm Hg de la pression artérielle systolique.
Les chercheurs notent que la réduction supplémentaire moyenne de la pression artérielle obtenue en utilisant l'agent optimal était deux fois plus importante que celle obtenue en doublant la dose d'un premier médicament, et plus de la moitié de celle obtenue en ajoutant un deuxième médicament en moyenne.
Alors qu'il n'y avait que de petites différences entre certains médicaments (par exemple, candésartan vs lisinopril ; amlodipine vs hydrochlorothiazide), pour toutes les autres comparaisons testées, le choix était important, avec des gains particulièrement importants à réaliser en personnalisant le choix entre candésartan vs amlodipine et entre lisinopril vs amlodipine.
En outre, certaines personnes ont montré de très grandes différences de réponse aux différents médicaments, alors que d'autres n'ont pas eu beaucoup de différences.
Comment identifier le médicament optimal ?
« La question à un million de dollars est de savoir comment identifier le meilleur médicament pour chaque patient », a déclaré le Dr Sundström. « Cette étude a ouvert la boîte de Pandore. Nous devons maintenant déterminer comment aller de l'avant et comment adapter le traitement à chaque patient ».
Dans l'étude, les chercheurs suggèrent que la personnalisation de la thérapie pourrait être réalisée soit en identifiant les caractéristiques phénotypiques qui sont associées à une meilleure réponse à un traitement par rapport à un autre, soit en mesurant directement les réponses de l'individu à une série de traitements pour s'assurer qu'ils sont les plus efficaces.
Le Dr Sundström explique le premier scénario : « Nous pouvons analyser les caractéristiques des patients qui ont obtenu les meilleurs résultats avec chaque médicament. De nombreuses variables peuvent être prises en compte, telles que l'âge, le régime alimentaire, la tension artérielle de base, le niveau d'exercice, le tabagisme, la race, le poids corporel, la consommation de sel et les résultats des tests génétiques. Nous allons essayer d'examiner ces variables pour voir si nous pouvons trouver des prédicteurs de la réponse à différents médicaments ».
En ce qui concerne la deuxième stratégie, il a été suggéré que les patients qui commencent un traitement pharmacologique puissent essayer plusieurs traitements différents. « Par exemple, nous pourrions donner aux patients deux médicaments différents et leur demander d'alterner les périodes de traitement avec chacun d'entre eux, de mesurer leur tension artérielle à l'aide d'un kit de surveillance à domicile et d'enregistrer les effets indésirables ».
L'inobservance « est un problème majeur avec les antihypertenseurs », a-t-il ajouté. « Cette approche pourrait permettre aux patients d'être plus autonomes [dans le choix] du bon traitement, ce qui devrait favoriser l'observance à long terme. »
"Preuve de principe"
Commentant l'étude dans un éditorial[2], le Dr Robert Carey, University of Virginia Health System, Charlottesville, écrit : « À ce stade, les résultats sont plus théoriques qu'immédiatement pratiques pour la mise en œuvre d'un traitement antihypertenseur personnalisé, mais l'étude fournit une preuve de principe et les auteurs suggèrent quelques scénarios dans lesquels une approche personnalisée pourrait être utilisée à l'avenir ».
Il estime que les ramifications pratiques d'un traitement personnalisé restent floues, étant donné que la détermination de la réponse d'un individu à une série de traitements d'essai de courte durée avant de choisir un traitement à long terme peut être considérée comme trop lourde, et qu'il existe actuellement peu de marqueurs phénotypiques susceptibles de prédire avec précision la réponse individuelle à un traitement particulier.
Le Dr Carey conclut que les résultats de cette étude « encouragent la poursuite d'essais randomisés de plus grande envergure utilisant des schémas croisés répétés similaires pour valider ce concept et, éventuellement, des essais avec des données de suivi plus longues pour déterminer s'il y a une amélioration des résultats cliniques à long terme par rapport aux stratégies actuelles ».
Il ajoute que les résultats soutiennent également la possibilité que le traitement médical personnalisé de l'hypertension « puisse finalement compléter ou même supplanter la méthode actuelle de prise de décision concernant les médicaments antihypertenseurs à l'avenir ».
Cette étude a été financée par le Conseil suédois de la recherche, la Fondation Kjell et Märta Beijer et Anders Wiklöf. Sundström a déclaré posséder des actions dans Symptoms Europe AB et Anagram Kommunikation AB. Le co-auteur Emil Hagström, MD, PhD, a déclaré avoir reçu des subventions de Pfizer et d'Amgen et des honoraires personnels d'Amgen, Novo Nordisk, Bayer, AstraZeneca, Amarin et Novartis. Le co-auteur Ollie Östlund, PhD, a déclaré avoir reçu des honoraires de l'Université d'Uppsala versés à son institution, le Centre de recherche clinique d'Uppsala, pour sa participation à l'essai PHYSIC pendant la conduite de l'étude. Carey ne fait état d'aucune relation financière pertinente.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé Individual Response to BP Meds Shows 'Substantial' Variation. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2023
Citer cet article: La réponse individuelle aux antihypertenseurs montre des variations "substantielles" - Medscape - 24 avr 2023.
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