POINT DE VUE

Une anesthésiste-réanimatrice en piste pour le Marathon des Sables

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

21 avril 2023

France – Venir à bout du Marathon des Sables, 250 km sous le soleil de plomb du désert sud marocain, en autosuffisance alimentaire, c’est le défi que s’est fixé la Dr Magali Heintzelmann.

Cette anesthésiste réanimatrice de 45 ans, exerçant près de Toulouse et mère de 2 enfants, sera sur le départ de la 37ème édition de cette course (21 avril - 1er mai). Elle devra affronter, tout comme les 1362 autres concurrents, la chaleur – autour de 30°C, mais jusqu’à 45°C pour les concurrents exposés au soleil –, le poids du sac à dos – car la course se fait en autosuffisance alimentaire–, le relief parfois tourmenté et le sable qui complique la progression.  

Courbatures, crampes, ampoules, et parfois même blessures sont à craindre, donc vraiment pas une promenade de santé ! Même si le soin sera au rendez-vous car les professionnels de santé (infirmiers, médecins ou podologues) représentent tout de même 10% des coureurs, sans compter l’encadrement médical assuré par l’organisation.

Défi sportif pour les uns, challenge plus personnel pour les autres : cette course de l’extrême voit se côtoyer de grands spécialistes de la course à pied venus remporter le trophée et des anonymes, de tous horizons et toutes nationalités (54 sont représentées).

Mais c’est l’occasion pour tous de mettre leur sens de la solidarité et de l’entraide à l’épreuve – des valeurs fortement mises en avant par l’organisation – et de profiter, comme l’espère Magali Heintzelmann, d’un voyage intérieur hors norme. Il y aurait, en effet, se dit-il, un avant et un après Marathon des Sables.

Comment se prépare une telle aventure dans le désert ? Nous avons posé la question au médecin anesthésiste à 2 jours de son départ vers le Maroc.

Le fait d’être en autosuffisance alimentaire pendant toute la semaine en fait une épreuve complètement différente des courses de quelques heures.

Medscape édition française : A quand remonte votre intérêt pour la course à pied ?

Dr Magali Heintzelmann : J’ai commencé à courir il y a une dizaine d’années, après mes études de médecine, initialement pour me maintenir en forme – en Alsace, d’où je suis originaire, j’avais l’habitude de me déplacer en vélo. Arrivée dans la région de Toulouse il y a 13 ans, j’ai opté pour la course à pied car c’était pratique, pas cher, et accessible quand on sort de garde.

Quelle a été votre évolution ?

Dr Heintzelmann : J’ai commencé à faire de la course à pied, 10 km sur route, puis je suis passée au semi-marathon, ensuite j’ai fait le marathon de New-York, et celui de Paris. Comme j’adore la montagne, je me suis mise au trail et j’ai commencé à parcourir les Pyrénées – l’occasion de découvrir cette région que je ne connaissais pas, tout en me faisant du bien.

Comment vous est venue l’idée de participer au Marathon des Sables (MDS) ?

Dr Heintzelmann : Je fais partie d’un club de course à pied local « la foulée beauzelloise », au sein duquel un couple de sexagénaire a déjà participé 7 fois au MDS. Ils ont vanter la course comme étant « une super aventure », un moment « exceptionnel » et m’ont convaincu de les accompagner pour cette édition 2023, qui sera donc la première pour moi. J’ai par ailleurs moi-même quelques affinités pour le désert de par mon histoire familiale, via ma mère qui adorait le désert et mon grand-père qui a eu l’occasion de connaitre le Sahara. C’est donc en quelque sorte un retour aux sources.

En quoi cette course va-t-elle grandement différer de ce que vous avez déjà connu et comment vous êtes-vous préparée ?

Dr Heintzelmann : Le fait d’être en autosuffisance alimentaire pendant toute la semaine – aucun ravitaillement si ce n’est l’eau – en fait une épreuve complètement différente des courses de quelques heures.

Inscrite il y a un an, j’ai rapidement démarré mon entrainement sportif en parcourant 50 km toutes les semaines. Il faut aussi faire du renforcement musculaire pour pouvoir porter son sac d’environ 10 kg (voir encadré). J’ai vu un nutritionniste car il importe de bien s’alimenter pendant la course et d’éviter les carences. Consulter un préparateur mental permet d’aider à visualiser la course, anticiper les problèmes et savoir les résoudre. Kiné, ostéo sont là pour nous apprendre à prendre soin de soi et pallier les tensions musculaires pendant les entrainements. Et bien sûr, le podologue, indispensable pour préparer ses pieds.

Quelle est votre plus grande crainte en lien avec ce trial des sables ?

Dr Heintzelmann : Indéniablement, la peur de ne pas réussir à maintenir une bonne hydratation. Des check points sont présents tous les 10/12 km pour s’y procurer 1,5 à 3 litres d’eau, mais il faut vraiment penser à boire. Sur le plan nutritionnel, j’espère aussi avoir prévu assez de calories – je suis partie sur 2250 kcal/j pendant 7 jours – car je ne tiens pas à porter une charge trop lourde. J’ai aussi la hantise de rencontrer un problème de matériel, sac à dos ou autres.

En quoi le fait d’être médecin est un plus pour ce challenge ?

Dr Heintzelmann : Je connais mieux les risques liés à la déshydratation. De plus, j’ai passé un DIU de médecine d’urgence et de montagne, pour lequel j’ai rédigé un mémoire sur l’hyperthermie d’effort. Du coup, je vais faire attention à ne pas en faire (rires).

J’ai rédigé un mémoire sur l’hyperthermie d’effort. Du coup, je vais faire attention à ne pas en faire !

Quelle est la prise en charge médicale sur place ?

Dr Heintzelmann : L’organisation de la course prévoit une équipe de 61 personnes sous la direction du Dr Frédéric Compagnon, les Doc trotter, constituée de médecins, infirmiers, podologues, logisticiens. Ils encadrent les coureurs, tant au niveau médical (déshydratation, gastro, déchirures musculaires, ampoules …) qu’au niveau du moral qui flanche parfois devant la dureté de l’épreuve et l’hostilité du climat. J’aimerai d’ailleurs, à terme, intégrer leur équipe et assurer le suivi de course sur le plan médical.

Qu’attendez-vous de cette épreuve à titre personnel ?

Dr Heintzelmann : J’aime le fait que ce soit une course axée sur l’entraide, et cela s’est senti pendant les préparatifs. Par exemple, nous sommes 7 de mon club de Beauzelle (31) à participer et nous sommes 7 à nous entraider. Hier, mes collègues se sont mobilisés face à mon problème de sac à dos qui s’est déchiré. De mon côté, j’ai donné des sachets lyophilisés surnuméraires à l’un des coureurs qui n’avait pas reçu les siens à temps.

Cette solidarité me plait beaucoup. On ne va pas forcément être les premiers mais on va vivre une aventure ensemble, partager des émotions fortes et sentir qu’ensemble on est plus fort – un état d’esprit qui me tient à cœur.

On va vivre une aventure ensemble, partager des émotions fortes et sentir qu’ensemble on est plus fort – un état d’esprit qui me tient à cœur.

 

Savoir garder le cap
Les participants ne peuvent s’affranchir d’un équipement de base – potentiellement utile en cas de pépin – dans lequel figurent notamment une balise GPS, un couteau, un sifflet, un briquet, une pompe à venin, une couverture de survie, un miroir et…une boussole.
Car si, avec une balise tous les 500 mètres, les risques de se perdre sont quasi inexistants, il faut effectivement savoir utiliser une boussole pour garder un cap dans certaines dunes ou lorsque le vent se lève et que suivre le balisage peut devenir très compliqué ! Le miroir joue aussi son rôle : perdu, le marathonien des sables sera à même de signaler sa présence en jouant avec le soleil : une alternative avant de déclencher sa balise GPS, laquelle permet à chaque participant de se signaler via un bouton SOS en cas de problème majeur.

 

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