Stéatose hépatique non alcoolique : un état des lieux des pratiques en médecine générale

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

19 avril 2023

France — Le repérage, la prise en charge et le suivi de la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD), maladie « du foie gras » silencieuse qui touche environ 20 % de la population générale, pourraient-ils être améliorés en médecine générale ?

Pour se faire une idée, la Dr Hanieh Beheshti Moez (médecin généraliste, Saint Denis) et coll. ont réalisé une enquête auprès de médecins généralistes d’Ile-de-France et ont comparé leurs réponses avec les recommandations de bonne pratique en vigueur. La présentation des résultats a fait l’objet d’une session lors du congrès de la médecine générale (CMGF)[1].

Un questionnaire qui portait sur le diagnostic, le traitement, le suivi de la maladie et les pistes d’amélioration possibles a été envoyé par email à 317 médecins entre le 21 décembre 2022 et le 24 mars 2022. En tout, 85 ont répondu, soit 37,5% de répondants (71% de femmes).

Diagnostic : penser aux facteurs de risque CV comme signaux d’alerte

Sur la partie diagnostic, les médecins généralistes ont indiqué rechercher une stéatose hépatique non alcoolique en cas d’obésité (à 94 %) ou de surpoids (à 87%), de diabète (à 70%) mais aussi d’anomalies du bilan hépatique (à 84 %). Pour rappel, 90 % des personnes obèses et diabétiques de type 2 ont une stéatose hépatique.

« Cela correspond aux recommandations. Toutefois, les facteurs de risque comme l’HTA et les dyslipidémies étaient peu rapportés comme éléments poussant à une exploration. Or, l’exposition des patients atteints de NAFLD aux maladies cardiovasculaires est très importante et probablement plus méconnue que les risques hépatiques (transplantation hépatique, carcinome). La mortalité CV est la première cause de mortalité chez ces patients », a indiqué l’oratrice qui a souligné qu’en revanche, l’alcool était rapporté comme un signal d’alerte pour 80 % des répondants alors qu’il s’agit d’un facteur d’élimination de la stéatose hépatique non alcoolique.

L’exposition des patients atteints de NAFLD aux maladies CV est très importante et probablement plus méconnue que les risques hépatiques. Dr Beheshti Moez

 

Lors de l’interrogatoire, les facteurs les moins recherchés étaient les maladies génétiques et les toxines industrielles (à 6 %) qui relèvent du domaine d’expertise du spécialiste mais aussi les symptômes (à 21-27 %), la maladie étant asymptomatique. 

Explorations : mesurer le tour de taille et palper la thyroïde

Sur le plan de l’examen clinique, la pesée et le calcul de l’IMC étaient fréquemment réalisés, dans 98 % et 91 % des cas respectivement, de même qu’un examen cardiovasculaire très complet (à 97 %).

L’oratrice a cependant fait remarquer que d’autres examens l’étaient moins comme « la mesure du tour de taille qui permet de repérer un syndrome métabolique, une obésité abdominale (à 27 %) et la palpation thyroïdienne qui fait partie des pathologies associées à la stéatose hépatique non alcoolique (recherchée par 28 % de répondants).

Sur le plan de l’imagerie, les médecins généralistes prescrivaient initialement une échographie hépatique (à 94 %), qui est l’imagerie de première intention.

En revanche dans l’étude, un tiers des médecins réalisaient un fibroscan® d’emblée, alors que les recommandations françaises préconisent d’abord de calculer des scores basés sur des marqueurs sanguins comme le FIB4.

Sur le plan biologique, les médecins effectuaient au départ un bilan métabolique et un bilan hépatique.

Concernant les bilans complémentaires, la majorité des médecins réalisaient des sérologies des hépatites virales (à 94%), « ce qui est la seule recommandation française ».

La moitié d’entre eux recherchait une hémochromatose et un quart d’entre eux des pathologies auto-immunes. « Ils poussent donc le bilan plus loin que ce que préconisent les recommandations françaises », a constaté la Dr Hanieh Beheshti Moez.

Le bilan des comorbidités concernait surtout les maladies auxquelles les médecins généralistes font souvent face : TSH (à 46 %), évaluation CV (à 40 %) et une polysomnographie (à 41 %). Seulement 18 % des médecins ne recherchaient pas de comorbidités.

Prise en charge : prescrire de l’activité physique

Alors qu’une perte de poids de 10 % fait disparaître la stéatohépatite dans 90 % des cas, 84 % des médecins généralistes répondants donnaient, en effet, des consignes diététiques et sportives orales et la moitié des médecins orientait leur patient vers un nutritionniste.

« Toutefois, les mesures un peu plus proactives comme le sport sur ordonnance ne sont pas encore inscrites dans nos pratiques actuelles », a déploré l’oratrice (seuls 29 % des répondants en ont prescrit). 

Les mesures un peu plus proactives comme le sport sur ordonnance ne sont pas encore inscrites dans nos pratiques actuelles.

 

Les traitements médicamenteux n’étaient prescrits que de façon très marginale, « ce qui correspond bien aux recommandations puisqu’actuellement il n’y a encore aucun qui dispose d’une AMM », a précisé la Dr Beheshti Moez.

Il est toutefois important de bien traiter et équilibrer l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie, est-il rappelé.

Le chirurgie bariatrique, n’était pas la mesure qui dominait (16%), ce qui est en concordance avec les recommandations.

Suivi : le FIB-4 est un test non-invasif facile à réaliser

En termes de suivi, les médecins généralistes l’assuraient eux-mêmes (à 99%). Il était biologique (à 84 %) et une évaluation clinique était assurée dans 73 % des cas. La prise en charge des comorbidités et l’encadrement des règles hygiéno-diététiques étaient moins souvent réalisées, « alors que c’est un rôle que le médecin généraliste devrait plus assurer », a indiqué l’intervenante qui a ajouté que  « l’évaluation de la fibrose (test FIB-4…) n’était réalisée que par un tiers des médecins généralistes, ce qui montre la méconnaissance de ce marqueur pronostic du patient ».

L’évaluation de la fibrose (test FIB-4…) n’était réalisée que par un tiers des médecins généralistes ce qui montre la méconnaissance de ce marqueur pronostic du patient.

 

Le test sanguin FIB-4 qui associe des paramètres sanguins (transaminases, plaquettes) peut être calculé facilement. Il permet d’éliminer la présence de la fibrose hépatique chez une grande partie des patients (70/80 %). Et lorsque le test est positif, il permet d’orienter le patient vers une évaluation plus spécifique incluant un test sanguin spécialisé (ex : FibroMètre©, FibroTest©) et/ou une mesure de la dureté du foie avec un appareil d’élastométrie (ex : FibroScan©), décisive pour l’indication de la biopsie hépatique dont l’objectif est de déterminer la gravité de l’atteinte hépatique.

 

En termes de fréquence des examens de suivi, les médecins généralistes avaient tendance à en faire un peu trop. Le suivi était semestriel pour 41 % d’entre eux, voire annuel (35%) ou même trimestriel (11%) alors que les recommandations préconisent de suivre les patients tous les 2 ou 3 ans.

En conclusion, l’oratrice a reconnu que les médecins généralistes étaient globalement bien au fait des recommandations mais les encourage à évaluer plus systématiquement la fibrose hépatique par le test FIB4 car il s’agit d’un marqueur important du pronostic des patients.

La Dr Hanieh Beheshti Moez n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet.

 

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