En cas de symptômes neurologiques inexpliqués d’apparition récente, une origine paranéoplasique doit toujours être envisagée. Un diagnostic différentiel minutieux est de mise pour ne pas passer à côté d'une tumeur.[1]
Présentation
Un homme de 73 ans a été admis à l'hôpital afin d'évaluer une démarche de plus en plus incertaine depuis plusieurs mois. Les symptômes persistent depuis environ six mois et une élocution brouillée s'est ajoutée avec le temps.
La réalistation d'une IRM ambulatoire indique une encéphalopathie vasculaire, ainsi qu'une atrophie générale du cerveau. En raison de symptômes de vertiges, le patient est hospitalisé en médecine interne. Les diagnostics sont alors ceux d'une vestibulopathie unilatérale aiguë et d'une crise hypertensive.
Interrogé, le patient rapporte une perte de poids involontaire d'environ 5 kg au cours des cinq derniers mois et des sueurs nocturnes. Les antécédents familiaux de maladies neurologiques sont normaux et le patient ne consomme pas d'alcool avec excès.
Examens supplémentaires et diagnostic final
Le patient présente une ataxie marquée de la station debout et de la marche, et une dysarthrie nette sans trouble de la déglutition
L’oculomotricité est non perturbée au moment de l'admission, les tests de pointage dysmétriques.
L’IRM et le diagnostic neurophysiologique sont sans résultats supplémentaires.
Le diagnostic de laboratoire (entre autres vitamine B12, vitamine E, sérologie infectieuse concernant le VIH, la neuroborréliose, la syphilis) ne montre aucune indication supplémentaire.
Les analyses de laboratoire sont alors étendues : dans le sérum (titre 1:1000) ainsi que dans le LCR (titre 1:10), la détection d'autoanticorps anti-Tr (DNER) s'avère positive. Aucune tumeur n'était connue chez le patient jusqu'alors.
Le TEP-TDM montre une hypertrophie avec activité métabolique des ganglions lymphatiques axillaires gauches, médiastinaux bilatéraux, périclaviculaires gauches et paraaortiques abdominaux, dont le schéma de distribution est compatible avec un lymphome.
La cytologie d'aspiration à l'aiguille fine et biopsie à l'aiguille confirme le diagnostic de lymphome hodgkinien.
Traitement
Avant la réception des résultats histologiques définitifs et des auto-anticorps pathologiques, l'homme a été traité par immunoglobulines en intraveineuse dans l'hypothèse d'une possible cérébellite paranéoplasique. Le résultat s'est stabilisé, avec une légère diminution de l'ataxie de la marche et de la station debout, et surtout une nette diminution de la dysarthrie.
À la suite du diagnostic de la tumeur, le patient a été transféré dans le service d'oncologie pour un traitement curatif du lymphome. Après une amélioration initiale, la symptomatologie neurologique s'est aggravée, avec une dysphagie marquée et une nouvelle perte de poids : l'aggravation est survenue pendant la chimiothérapie. Comme deux nouveaux cycles de traitement par immunoglobulines en intraveineuse n'avaient pas amélioré la symptomatologie neurologique, une plasmaphérèse a été effectuée. L'homme a finalement pu commencer une rééducation neurologique (pas encore terminée au moment de la rédaction).
Discussion
Comme l'expliquent les auteurs rapportant ce cas [1], les ataxies chez les adultes sont des maladies hétérogènes sur le plan clinique et étiologique. L'élément typique est initialement une ataxie progressive de la station debout et de la marche, suivie d'une ataxie des membres, d'une dysarthrie cérébelleuse et d'un trouble oculomoteur.
Outre les ataxies héréditaires, les ataxies acquises et les ataxies dégénératives sporadiques entrent également en ligne de compte. La suspicion d'une ataxie héréditaire résulte généralement d'un tableau clinique typique et de l'anamnèse familiale. En cas de maladie chez l'adulte, il faut par exemple penser aux ataxies spinocérébelleuses (ASC).
Les ataxies acquises sont des maladies sporadiques qui peuvent survenir à tout âge. Outre les causes toxiques ou métaboliques, il faut toujours penser à une genèse immuno-médiée. L'ataxie acquise la plus fréquente chez les adultes est la dégénérescence cérébelleuse alcoolique, mais de nombreux médicaments peuvent également provoquer une ataxie.
Une dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique pourrait survenir dans le cadre de différentes tumeurs malignes, et ce même avant le diagnostic de la maladie tumorale. Il n'est pas rare qu'une tumeur maligne soit diagnostiquée lors de la clarification de la cause d'une dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique. Les syndromes paranéoplasiques sont causés par des anticorps dirigés contre des antigènes intracellulaires, mais aussi par des auto-anticorps contre des antigènes de surface neuronaux. Les anticorps les plus fréquemment trouvés dans la dégénérescence cérébelleuse subaiguë sont les anti-Hu, Yo, amphiphysine, Ri ou CV2/CRMP5. Certains anticorps sont révélateurs d'une tumeur primaire encore inconnue. Ainsi, les anticorps anti-Yo sont typiques des cancers du sein ou des ovaires, les anticorps anti-Tr (DNER) sont souvent associés à la maladie de Hodgkin.
Conclusion
En cas de suspicion clinique de dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique, il serait donc indiqué de déterminer les auto-anticorps en conséquence, idéalement dans le sérum et le LCR.
Ce cas montre l'importance d'un diagnostic différentiel minutieux en cas de symptômes neurologiques nouveaux et progressifs, concluent les auteurs. [1]
Chez ce patient, aucun lymphome de Hodgkin n'était encore connu. En raison de la symptomatologie cérébelleuse, un diagnostic ciblé a été posé ; la mise en évidence d'autoanticorps anti-Tr (DNER) a finalement permis de poser le diagnostic de dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique associée à des autoanticorps. Un lymphome de Hodgkin a en outre été diagnostiqué par la suite.
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Source : Dreamstime
Medscape © 2023
Citer cet article: Étude de cas : symptômes neurologiques inexpliqués d’apparition récente - Medscape - 21 avr 2023.
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