
Sophie Bauer
Paris, France – Sophie Bauer, chirurgienne thoracique et cardiovasculaire de 57 ans, est devenue en décembre dernier la première femme à présider le Syndicat des médecins libéraux (SML).
Portrait d’une femme engagée qui défend l’esprit entrepreneurial de l’activité libérale.
Certains ont encore en mémoire ce qu’ils faisaient le 21 juillet 1969, la nuit où Neil Armstrong a marché sur la Lune. La Dr Sophie Bauer se souvient, elle, comme d’hier, du jour où elle a voulu devenir chirurgienne. « J’avais 8 ans et demi, j’étais chez ma grand-mère et à la télévision, ce jour-là, j’ai vu une intervention chirurgicale. Je me suis précipitée voir mes parents et je leur ai dit : c’est ça que je veux faire ! ».
Elle réussit à convaincre sa mère, prof de math, et cet objectif l’accompagne toute sa scolarité. Bonne élève, la jeune femme du Val-de-Marne part suivre ses études de médecine à Tours (37).
Bête à concours
Au moment de passer les concours d’internat, qui se déroulent alors dans plusieurs inter-régions, la candidate a la varicelle. « Je sais que ce n’est pas bien mais j’ai piqué le maquillage de ma grand-mère et j’ai passé le concours dans 3 inter-régions, je n’étais vraiment pas en forme mais j’ai été retenue aux trois », se souvient l’intéressée.
Elle part suivre son internat à Marseille (13), « par hasard » et se trouve confrontée aux excès du mandarinat. « Deux spécialités m’intéressaient dont la neurochirurgie. Quand il m’a reçu, le patron de neurochir m’a simplement demandé si j’étais née à Marseille ou en Corse…et comme j’ai dit non, il m’a dit qu’il n’avait pas de place pour moi. »
Ce sera donc chirurgie thoracique et cardiovasculaire où l’accueil fut plus bienveillant. « J’ai travaillé d’arrache-pied, se remémore Sophie Bauer. J’ai passé deux maîtrises de génétique et d’anatomie pendant l’internat, et un DEA de biologie moléculaire où j’ai terminé major. »
La jeune femme garde de cette expérience phocéenne une médaille des hôpitaux de Marseille en récompense de ses très bons résultats.
Toujours faire ses preuves
Elle reste à jamais reconnaissante à son patron de l’époque, le Pr Jean-Claude Jouven, à l’hôpital Saint-Joseph, à Marseille (13) : « Il m’a appris à opérer avec une seule personne, une aide opératoire ! Cela m’a bien aidé par la suite. »
Au terme de son clinicat, à Paris, et d’une période de remplacements, Sophie Bauer s’installe en 1999 en libéral à la clinique Les Fontaines de Melun (77), établissement où elle exerce toujours aujourd’hui en secteur II, ayant souscrit l’Option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam).
Etre une chirurgienne, à l’époque ? « Nous étions très peu de femmes, peut-être trois sur la France entière, se souvient le Dr Bauer. On était une espèce en voie d’intégration, il fallait faire ses preuves en permanence. »
Illustration du sexisme ambiant, la jeune femme est en position de 7e signataire d’un article consacré à sa thèse de médecine. Quand elle s’en plaint à l’un des cosignataires, celui-ci lui rétorque : « Vous êtes une femme, vous n’avez pas besoin de faire une carrière. »
Une fibre syndicale précoce
Cela n’empêchera pas Sophie Bauer de mener une carrière. Trilingue, Sophie Bauer est continuellement en train de se former. Après un MBA en healthcare management, elle un doctorat en business administration (DBA). « Ça fait du bien de s’activer les neurones, s’amuse-t-elle. J’ai toujours aimé étudier et quand je n’apprends rien, je m’ennuie. »
Malgré une profession très prenante, la chirurgienne s’est engagée très tôt pour défendre ses intérêts et ceux de la profession. Cette fibre syndicale, elle la découvre pendant son 3e cycle en adhérant au Syndicat des internes et des chefs. Quand elle s’installe, elle paie la cotisation de tous les syndicats. Elle fait rapidement le tri. Nous sommes au début des années 2000 et le seul syndicat auquel Sophie Bauer reste membre est le SML. « C’était le seul qui défendait l’exercice libéral sans compromission », affirme-t-elle.
C’est aussi l’un des syndicats qui laisse à l’époque de la place aux femmes. « Il y avait une ouverture d’esprit envers les femmes et nous avons été un certain nombre à nous engager comme Dominique Jeulin-Flamme, Christine Bertin Belot, Nina Quedru, Françoise Roudil ou Corinne Godenir… Elle s’engage également en 2010 dans la création de Femme Médecin Libéral (FML), association émanant des femmes du SML mais autonome, qui organisera plusieurs assises.
En 2011, dans un passé pas si lointain, sous la présidence de Christian Jeambrun, elle fait partie avec Nina Quedru des deux femmes intégrées à la délégation du SML en commission paritaire nationale (CPN) à une époque où elles n’y apparaissaient pas.
« Pour l’anecdote, on passait des petits mots à Christian sur des post-it pour qu’il relaie nos interventions. A un moment, on lui en faisait parvenir tellement qu’il n’arrivait plus à suivre. La réunion suivante, nous avons pris la parole. »
Son élection, une opération rondement menée
Après 23 ans au syndicat et deux mandats au poste de secrétaire générale, Sophie Bauer décide de se présenter à la course à la présidence du SML pour succéder au Dr Philippe Vermesch.
« J’avais envie de me lancer et j’avais un réseau de soutiens », explique la chirurgienne. Le 10 décembre dernier, elle l’emporte finalement avec 56% des voix contre un ancien du syndicat, le Dr William Joubert (42 %), généraliste au Mans, devenant la première présidente du SML.
Le contexte ne lui laisse pas de temps de grâce. En cinq mois, le Dr Bauer a déjà eu du grain à moudre avec une grève de la permanence des soins pendant les fêtes, une manifestation nationale, le 14 février à Paris, qui a réuni entre 5000 et 10 000 médecins.
La chirurgienne s’est élevée contre la loi Rist qui visait notamment à donner aux patients un accès direct à certains professionnels paramédicaux ou de confier à ces professionnels les compétences médicales du diagnostic et de la primo-prescription.
Sophie Bauer a aussi vécu l’échec de la récente négociation conventionnelle au cours de laquelle elle n’a pas hésité à monter au créneau. Quitte à utiliser quelques formules chocs dont elle a le secret, lors d’une émission radio.
« Quand vous proposez à quelqu’un qui exerce déjà 55 heures par semaine de travailler en plus la moitié des samedis, vous réalisez ce que cela représente ? En droit commun du travail, l’Etat serait aux prud’hommes ! », déclare-t-elle, fin février, au micro de Sud-Radio.
Dans l’attente du règlement arbitral, la chirurgienne continue de demander haut et fort la suppression de tous les forfaits et le passage à 50 euros du tarif de la consultation de base mais aussi l’ouverture du secteur II.
« Le C à 50 euros, cela veut dire investir dans l’entreprise libérale et permettre aux médecins d’avoir du personnel administratif, avance la syndicaliste. Comment voulez-vous que les jeunes aient envie de s’installer avec un C à 25 euros ? Le libéral est devenu le mode d’exercice le moins attractif, il faut que ça change ! »
Un certain caractère
Joint par Medscape édition française, l’ex-président du SML (2088-2012), le Dr Christian Jeambrun, rangé du syndicalisme, loue les « qualités fantastiques » de la Dr Bauer à qui il a un peu mis le pied à l’étrier.
« Qu’une femme devienne chirurgienne, s’installe en libéral puis s’engage dans le syndicalisme, cela dénote un certain caractère, lance-t-il. Je lui ai fait de la place rapidement car elle était engagée et n’avait pas peur de grand-chose. Elle a d’ailleurs rapidement pris le leadership avec d’autres femmes. »
A l’heure où la médecine libérale est bousculée, le Dr Jeambrun espère que le Dr Bauer « saura ranimer la flamme ».
Quand la médecine et le syndicalisme lui en laissent le temps, le Dr Bauer s’évade en s’adonnant à la randonnée ou grâce à la danse lors de stages qu’elle pratique tous les étés. Jusqu’à il y a peu, elle pilotait des avions. Désormais, elle pilote un syndicat de médecins.
En quelques dates :
1966 : Naissance en Seine-et-Marne
Etudes de médecine à Tour, Internat à Marseille, clinicat à Paris
1999 : chirurgien thoracique et cardiovasculaire à la clinique Les Fontaines de Melun
2000 : s’engage au SML
2010 : participe à la création de Femme Médecin libéral (FML)
2016 : devient secrétaire générale du SML
10 Décembre 2022 : elle est élue présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML)
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Source: Dreamstime
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Citer cet article: Portrait de la chirurgienne Sophie Bauer, 1ère femme à la tête du SML - Medscape - 17 avr 2023.
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