France — Alors qu'un nouveau round de négociations sur le statut de praticiens hospitaliers s'est ouvert, qui devrait déboucher cet été sur une revalorisation du statut de PH, la revue scientifique JAMA publie des résultats plus qu'inquiétants sur la santé mentale des hospitalo-universitaires français.
Intitulé "Job strain, Burnout, and suicidal ideation in tenured university hospital faculty staff in France in 2021", cette étude établit que 40% des HU participant à cette enquête présentent des symptômes de burn-out, 14% ont eu des pensées suicidaires, 12% éprouvent du stress au travail...
« Ces résultats suggèrent que le fardeau psychologique du personnel enseignant hospitalo-universitaire en France est considérable. Les administrateurs d'hôpitaux et les autorités sanitaires devraient élaborer d'urgence des stratégies de prévention, de prise en charge et d'attractivité pour la nouvelle génération », indiquent les auteurs, le Pr Martin Dres et coll.
Le questionnaire, adressé à l'ensemble des PU-PH et MCU-PH, couvre sept thématiques : profil psychologique et expérience professionnelle, organisation du temps de travail, symptôme de stress, carrière, symptôme de burn-out et ressenti personnel.
Les symptômes de burn-out ont été mesurés grâce au test d’inventaire de Burn Out de Maslach qui comprend trois sous-ensembles : épuisement émotionnel, dépersonnalisation, et accomplissement personnel.
L'enquête a été renseignée entre le 25 octobre 2021 et le 20 décembre de la même année, par 2390 HU sur une population totale de 5332 professeurs et MCUPH, soit 40% des effectifs globaux. L'âge moyen des maitres de conférences praticiens hospitaliers (MCU-PH) était de 40 ans, contre 53 ans pour les professeurs des universités praticiens hospitaliers (PU-PH). 66% des répondants étaient des hommes et 34% des femmes, mais ce taux varie lorsque l'on ne considère que la population des MCU-PH, composés à 45% de femmes.
Emploi du temps
La majeure partie de l'emploi du temps de ces personnels hospitalo-universitaires est consacrée aux activités cliniques (40%), à la recherche et à l'enseignement (30%), aux tâches administratives (20%), et à des activités transversales (10%). Les activités préférées des HU sont, en première position, le soin, suivi de l'enseignement, de la recherche puis des tâches administratives.
Burn-out
Si près de la moitié de ces HU présentent des symptômes de burn-out, il semble que certains facteurs les atténuent comme la longévité de la carrière en tant que professeur, un bon sommeil, une reconnaissance par les pairs, ou par les patients, et l'acceptation de tâches variées.
En revanche, les facteurs aggravant le burn-out sont l'absence d'activité clinique, l'empiètement des activités professionnelles sur la vie privée, l'obligation de faire bonne figure, les changements de carrière, et une expérience du harcèlement.
Stress
Pour ce qui est du stress au travail, les auteurs de cette étude constatent qu'il est également atténué par la longévité de la carrière en tant que professeur, alors que l'empiètement du travail sur la vie privée aurait tendance à accroitre ce stress.
Idées suicidaires
Les facteurs associés aux idées suicidaires sont : la maladie chronique, le harcèlement, l'incapacité de partager ses difficultés professionnelles avec ses collègues.
En revanche, les facteurs qui minimisent l'apparition d'idées suicidaires sont une bonne qualité de sommeil, la capacité à se mettre en congés, la reconnaissance par les pairs, l'amour de sa famille.
« L'impossibilité de discuter des difficultés professionnelles avec des collègues est associée aux idées suicidaires, ce qui suggère que les réunions de groupe pourraient avoir des effets protecteurs », indiquent les chercheurs.
Les MCUPH plus touchés
Les auteurs de l'études constatent que les symptômes de burn-out sont plus présents chez les MCU-PH que chez les PU-PH. Ils ont aussi pu analyser, dans une revue de la littérature, 15 essais cliniques randomisés sur le sujet.
Dans l'un de ses essais, par exemple, l'organisation mensuelle de trois repas entre collègues permettait de faire baisser significativement les symptômes de burn-out, de 55% à 44%.
Dans une autre étude qualitative, les auteurs ont relevé que les facteurs qui protègent du burn-out sont autant individuels (autonomie, temps de travail consacré à des activités non cliniques) que collectifs (adaptabilité, objectifs clairs, cohésion d'équipes), ou encore institutionnels.
Les auteurs notent aussi que les maitres de conférences regrettent leur choix de carrière, ce qui est inquiétant : « Recruter la prochaine génération de PUPH est capital pour maintenir un haut niveau de qualité de prise en charge des patients, d'enseignement et de recherche. »
Les chercheurs concluent : « les hôpitaux universitaires et les administrateurs qui les gèrent doivent s'attaquer à la spirale de la baisse d'attractivité des carrières HU. En outre, des stratégies visant à renforcer la mise en place du soutien mutuel, du respect mutuel et de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont essentielles ».
Réaction syndicale
À propos des conclusions de cette enquête, l'intersyndicale de praticiens hospitaliers Action Praticiens hôpital (APH) abonde dans le même sens :
« Le défaut d'attractivité des carrières Hospitalo-Universitaires est majeur. Il s'agit pourtant d'un enjeu crucial alors qu'il est prévu de doubler en quelques années le nombre de médecins à former. »
En termes de parité, APH regrette que « les femmes représentent seulement 25% des PU-PH titulaires alors qu'elles constituent plus de 60% de l’effectif des médecins diplômés ».
Comme pour combattre ce mal qui s'empare du corps des hospitalo-universitaires, APH prodigue ses conseils : l'obtention de 10 demi-journées de travail plutôt que 11, la reconnaissance de la pénibilité de la carrière de PUPH, une meilleure définition des trois missions des HU, l'assurance de pouvoir s'épanouir professionnellement mais aussi personnellement.
APH, enfin, tire la sonnette d'alarme en évoquant, dans son communiqué, quelque 15% des postes hospitalo-universitaires qui ne seraient pas pourvus.
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Crédit de Une : BSIP
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Citer cet article: Les HU français, touchés de plein fouet par l'épuisement professionnel, selon le JAMA - Medscape - 14 avr 2023.
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