France – Dans un avis rendu récemment, le Comité consultation national d'éthique (CCNE) prodigue ses conseils et recommandations pour faire en sorte que la défiance ne s'installe pas entre le praticien et la patiente, dans le cadre d'examens gynécologiques. 'Lire aussi Nouveau consensus d'experts pour l’examen pelvien : comment améliorer le vécu des patientes ?)
Un contexte de violences gynécologiques
Saisi le 4 juillet 2022 par la première ministre Élisabeth Borne pour « conduire une réflexion approfondie sur la notion de consentement dans le cadre des examens gynécologiques et plus largement tous les examens qui touchent à l'intimité », le CCCNE (comité consultatif national d'éthique) vient de rendre son avis sur la question.
En préambule, dans ce document, le comité rappelle le contexte dans lequel a jailli cette saisine de la première ministre : « La publicisation du rapport complexe entretenu par certaines femmes avec le corps médical, en particulier gynécologique, initiée par la création du hashtag #PayeTonUtérus en 2014, l’éclosion d’une polémique en 2015 sur la réalisation de touchers vaginaux et rectaux sous anesthésie générale et sans consentement dans certains établissements, la médiatisation récente de procédures judiciaires à l’encontre de médecins ».
Sans le nommer, le CCNE évoque à mots couvert le gynécologue Émile Daraï, mis en examen en novembre dernier, à la suite des plaintes déposées par 32 femmes, pour "violence" dans le cadre d'examens gynécologiques. Le désir du CCNE étant d'apaiser les relations entre soignants et patientes.
Une trentaine d’auditions
Pour ce faire, le CCNE a réalisé une trentaine d'auditions de septembre 2022 à janvier 2023 auprès de représentants d'usagers, de professionnels de santé et d'étudiants en médecine. Si cet avis se fixe pour périmètre « la pratique des examens gynécologiques et/ou médicaux touchant de facto à l’intimité - et même vécus comme un " extrême intime " s’agissant des examens touchant à la zone uro-génitale et ano-rectale », il n'inclut pas « l'étude des gestes médicaux en situation d'urgence obstétricale », ou encore l'ensemble des actes touchant à l'intimité dans le soin. Il concerne majoritairement les femmes, mais pas exclusivement.
Se faisant, le CCNE liste les "actes ou attitudes" portant atteinte à l'intimité :
- la non-prise en compte de la gêne ou de la pudeur physique ou psychique ;
- l'expression de remarques désobligeantes ;
- les injures sexistes.
Atteinte à l’intégrité physique ou psychique
Les atteintes à l'intégrité physique et psychique peuvent relever de :
- la réalisation d'examens sans recueil du consentement ;
- la réalisation d'examens non justifiés médicalement ;
- les violences sexuelles : harcèlement sexuel, agressions sexuelles, viol.
Ces atteintes peuvent faire l'objet de réponses pénales pour les auteurs de ces faits. Quoi qu'il en soit, si ces actes délictueux existent, il est difficile d'obtenir des statistiques fiables sur leurs itérations.
Toutefois, la conférence des doyens de médecine estime qu'entre 20 et 30% des touchers vaginaux ou rectaux réalisés sous anesthésie générale par des étudiants en médecine dans le cadre de leur formation sont effectués sans le consentement du patient, et 4% des parturientes, selon la grande enquête de périnatalité conduite en mars 2021, ont déclaré que les professionnels de santé n'ont jamais sollicité leur accord avant la réalisation d'un toucher vaginal durant leur grossesse.
Par ailleurs, note le CCNE, les patients se trouvent confrontés, lors de ces examens intimes, à plusieurs difficultés : faire respecter un refus de consentement, subir un examen devant des étudiants, être confronté au manque de temps du personnel soignant, par ailleurs insuffisamment formé sur les enjeux d'éthique. À cela s'ajoutent des difficultés particulières chez les femmes victimes de violences sexuelles ou les personnes en situation de vulnérabilité.
Perte de chance
Les conséquences de ces freins à l'examen peuvent être graves : moindre recours aux consultations et perte de chances pour le patient, désaffection par les étudiants de certaines spécialités médicales, opprobre jeté sur toute une profession, judiciarisation de certaines pratiques médicales, réticence de la part des médecins à la palpation des seins en gynécologie...
Aussi, si la prise en considération du ressenti et des doléances des patients est primordiale, l'attention portée à l'inquiétude des soignants ne doit pas être négligée, pour le CCNE : « Se sentant mis(e)s en cause par le sentiment d’agression dont témoignent certaines patient(e)s, les praticien(ne)s – dont l’immense majorité respecte les droits des patient(e)s et mettent tout en œuvre pour une prise en charge bienveillante et professionnelle – expriment un sentiment d’injustice. »
Alliance patients/soignants
Ainsi, le CCNE prône une alliance entre patients et soignants pour une meilleure prise en charge. Cela passe par la prise en compte, par le médecin, de la compréhension des enjeux « psychiques relatifs aux consultations touchant à l'intimité, [...] partie intégrante de la maitrise professionnelle », par la prise en compte, également, du libre consentement du patient.
La relation de confiance doit être basée sur un dialogue entre patients et médecins, « et la décision médicale doit être co-construite et partagée ». Les patients ne sont pas non plus exempts de devoirs à respecter : leurs doléances doivent être exprimées sans agressivité, et le soignant n'est pas tenu de répondre à l'ensemble de leurs demandes, « par exemple des examens complémentaires coûteux, qui apporteraient des informations moins fiables qu’un examen clinique sans inconvénient majeur ».
Personne tierce
Si un examen se déroule mal, le CCNE préconise entre autres solutions le recours à une personne tierce, pour faire remonter les souffrances des patients aux décisionnaires ; le CCNE ajoute que ce genre de structures existe d'ores et déjà, mais qu'il faut les renforcer. Concernant le recueil du consentement, le CCNE prend position pour un recueil oral et non écrit, « accompagné d’une traçabilité précise dans le dossier du patient ». « Le consentement préalable des patient(e)s à la présence d’étudiant(e)s, ou à la réalisation d’examens par des étudiant(e)s, doit être recherché après la délivrance d’une information adaptée », ajoute le comité.
Autres recommandations du CCNE : l'attention apportée à l'environnement physique et architectural de la consultation, la présence d'un observateur impartial lors des examens intimes, le renforcement de la formation des soignants, et un « empowerment » de la démocratie participative en santé.
Cet avis a été reçu favorablement par la fédération nationale des collèges de gynécologie médicale qui rappelle, dans un communiqué, « qu'une charte de la consultation en gynécologie, orientée sur les notions de consentement et de bienveillance, a été élaborée et co-signée par l'ensemble des sociétés savantes et organisations représentant la profession en octobre 2021 ».
Et d'ajouter : « Les gynécologues rejoignent le CCNE sur le fait que le consentement oral de la patiente doit être recueilli expressément avant tout examen clinique et pelvien. De même, l’examen doit être interrompu dès que la patiente en manifeste la volonté, tout en apportant les explications nécessaires sur les limites diagnostiques et thérapeutiques que cette absence d’examen clinique peut entrainer. »
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Crédit de Une : BSIP
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Citer cet article: Pratique des examens gynécologiques : les conseils et recommandations du CCNE - Medscape - 12 avr 2023.
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