Transcription
France __ Bonjour et bienvenue sur le site de Medscape, je suis le docteur Manuel Rodrigues – je suis oncologue médical à Paris.
L’actualité, c’est probablement la Convention citoyenne sur la fin de vie qui a rendu, dimanche 2 avril, ses conclusions au gouvernement, accompagnées d’un manifeste (Lire Fin de vie : la Convention citoyenne favorable à l’aide active à mourir).
Il faut saluer ce travail sérieux, un travail approfondi pour intégrer justement toute la complexité, toutes les facettes autour de cette question qui est éminemment clivante au sein de la société. Il faut lire leur manifeste, qui est extrêmement juste.
Inégalités d’accès aux soins palliatifs
Le premier point du manifeste est le relais qu’ils font des préoccupations des équipes soignantes et même des concitoyens qui sont confrontés à un système de santé qui, selon leur expression, est dans une situation alarmante, faute de moyens humains et financiers.
Les citoyens déplorent les déserts médicaux et en particulier, pour cette thématique-là, les inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire.
Personnellement, en tant qu’oncologue médical, j’observe sur le territoire français des déserts médicaux avec des difficultés majeures d’accéder non seulement à des unités de soins palliatifs, mais même à des lits identifiés de soins palliatifs, à des équipes mobiles de soins palliatifs. Il y a des régions très sous-dotées. C’est la priorité, à mon sens, déjà, si on veut réformer la fin de vie.
Les lois d’accompagnement de la fin de vie insuffisamment connues et appliquées
Le deuxième point qui est souligné dans ce manifeste – deuxième point très important – c’est que les lois sur l’accompagnement de la fin de vie sont encore insuffisamment connues, malgré les différentes évolutions législatives qu’il a pu y avoir ces 25 dernières années, elles sont insuffisamment connues et donc, nécessairement, insuffisamment appliquées.
Face à cette situation, il faut des changements profonds, il faut, pour le faire, garantir des soins palliatifs de qualité aux concitoyens et il faut, en particulier, non seulement renforcer la formation des professionnels de santé, mais aussi améliorer la formation de tous les concitoyens afin d’ouvrir la discussion, aussi, au sein de l’environnement familial, amical. Il faut pouvoir libérer la parole.
Si les directives anticipées ne sont pas assez anticipées, la personne de confiance n’est pas, assez souvent, définie. Se sont des problématiques qui sont urgentes, puisque se sont des problématiques que l’on soulève, nous, soignants, depuis déjà de nombreuses années.
La Convention citoyenne en faveur de l’aide active à mourir
Est abordée, bien sûr, la question de l’aide active à mourir – suicide assisté et/ou euthanasie – en rappelant qu’ils en ont longuement débattu et, effectivement, il faut le souligner. Après ces longues délibérations, la majorité des 185 membres s’est prononcée en faveur d’une évolution et, donc, en faveur d’une ouverture à l’aide active à mourir.
Ils disent non pas qu’il faut l’appliquer dès demain et mettre en place le cadre légal, mais ils disent que leur travail permet, justement, de révéler tout un nuancier d’opinions qui a été construit par leur vécu personnel d’individus et par leurs convictions, également.
Ils invitent surtout tous les citoyens à se saisir de ce sujet pour aborder toute sa complexité. Ils ne viennent pas imposer par la convention citoyenne – au contraire, ils viennent donner ces éléments-là, non seulement aux Français, pour en débattre, mais aussi aux représentants que sont les députés, les sénateurs, pour pouvoir en débattre, aussi, dans les chambres.
Il faut saluer toutes ces propositions, en particulier en faveur du développement de l’offre de soins telle qu’on la connaît actuellement, en rappelant que, en fait, le cadre légal actuel d’accompagnement des personnes en fin de vie semble répondre à l’immense majorité des situations.
La problématique actuelle urgente est que sa mise en œuvre n’est pas satisfaisante en raison des carences humaines et financières. Sur la question de l’aide active à mourir, la question est plus problématique puisqu’on se trouve dans une situation où, finalement, les citoyens, que ça soit par le biais de cette convention citoyenne ou par les différents sondages que l’on a pu voir ces dernières années, ces derniers mois, se prononcent en faveur d’une aide active à mourir en France.
Les médecins plutôt contre
Nous avons une problématique, qui est que, logiquement, ils se tournent vers le médecin. Or, quand on regarde les sondages auprès des médecins, quand on se réfère aux avis des différentes sociétés savantes ou, même, de l’ordre des médecins, les médecins se positionnent en majorité contre une forme de mort médicalement administrée.
Pour de nombreuses raisons, particulièrement parce que cela vient subvertir même la notion du soin telle qu’elle a été communément admise jusqu’à aujourd’hui et que cette évolution pourrait être un signal négatif vis-à-vis des personnes les plus vulnérables de notre société qui ont déjà un certain fardeau, un certain poids, une certaine pression sociétale – parfois, même, malheureusement, familiale – ils se sentent, même, justement, fardeau.
Aussi, il faut que la relation avec le médecin reste, à mon sens, une relation privilégiée. Une personne avec laquelle le patient, l’individu, pourra discuter sans qu’il y ait ce concept d’euthanasie qui vienne se cacher derrière, dans la discussion, qui pourrait bloquer la relation, bloquer la discussion avec le médecin.
En tout cas, il faut qu’on puisse être créatif et avancer, puisque la majorité des citoyens, dans un contexte démocratique, veut avancer sur le plan légal. Mais, il faut faire extrêmement attention aux modalités d’application d’une telle forme active de mourir et toujours rester à l’écoute des soignants pendant ce débat, puisque ce sont eux qui sont souvent en première ligne dans l’accompagnement des patients.
S’il y a déjà des difficultés d’accès aux soins palliatifs, alors que les médecins sont en faveur des soins palliatifs et les soutiennent, alors qu’est-ce que cela sera demain, s’il y a une aide active à la mort médicament administrée ?
Ce serait encore plus problématique et probablement que l’on ne résoudrait pas les problèmes d’iniquité, d’accès, sur les territoires français.
En tout cas, le débat n’est pas terminé. Au contraire, finalement cette convention citoyenne a posé les jalons pour l’ouverture du débat au sein de la population française. Reste aux concitoyens, justement, de s’en saisir.
Voilà. À bientôt sur le site de Medscape.
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Citer cet article: Convention citoyenne : « Il faut saluer ce travail sérieux, un travail approfondi » - Medscape - 5 avr 2023.
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