9% des patients seraient intolérants aux statines, selon une vaste méta-analyse

Pablo Hernández Mares

Auteurs et déclarations

3 avril 2023

Guadalajara, Mexique – La Food and Drug Administration (FDA) américaine définit l’intolérance aux statines comme « l’incapacité à tolérer au moins deux statines aux doses les plus faibles approuvées en raison de symptômes musculosquelettiques », a rappelé le Dr Francisco López-Jiménez, cardiologue au département de cardiologie de la Mayo Clinic (Rochester, Minnesota, États-Unis) lors de sa présentation au Congrès annuel de cardiologie internationale (CADECI) 2023  [1].

Une intolérance aux statines qui touche 9 % des patients

« Une méta-analyse très récente incluant 176 études de cohortes, essais cliniques et séries de cas colligeant les données de plus de 4 millions de patients a montré que l’intolérance aux statines est présente chez environ 9 % des patients traités par statines », a déclaré López-Jiménez.

L’étude a identifié des facteurs de risque d’intolérance aux statines, notamment le sexe féminin (47,9 %), l’obésité (30,6 %), l’hypothyroïdie (37,6 %), le diabète (26,6 %), l’utilisation d’antiarythmiques (31,2 %), la consommation d’alcool (22 %), l’exercice physique (23,2 %), les maladies hépatiques chroniques (24,3 %), l’insuffisance rénale chronique (25,2 %), l’utilisation d’inhibiteurs calciques (35,5 %) et l’utilisation de statines à forte dose (37,5 %).

Certains facteurs n’étaient pas liés à l’intolérance aux statines, comme le tabagisme, l’hypertension artérielle, la durée du traitement par statine, le fait d’être d’ethnie blanche ou hispanique et l’utilisation de la warfarine.

Le Dr López-Jiménez rappelle que lorsque les statines ont commencé à être utilisées, le concept d’intolérance au médicament n’existait pas : « Il n’était pas admis que des symptômes musculosquelettiques puissent être attribués à la statine. »

Plusieurs études déjà réalisées sur le sujet

Pour clarifier cette situation, une étude a été publiée en 2017 qui a comparé l’intolérance aux statines lors de deux phases d’un même essai clinique. La première était une phase en double aveugle, où l’intolérance et/ou les symptômes musculaires étaient présents chez 2 % des patients traités avec des statines et des placebos. La seconde était une phase ouverte [2].

Les participants traités avec des statines présentaient un risque de symptômes 40 % plus élevé que ceux qui avaient pris un placebo, ce qui suggère ce que l’on appelle l’effet nocebo (opposé au placebo), où le patient croit et est convaincu qu’un traitement lui fera du mal, de sorte qu’il ressentira les symptômes nocifs même si le médicament ne provoque rien », a expliqué le Dr López-Jiménez.

Mais, il a noté que l’étude la plus importante pour démontrer l’existence de l’intolérance aux statines est l’étude Effect of Statins on Skeletal Muscle Function and Performance (STOMP), publiée dans la revue Circulation en 2013[3].

« Il s’agissait d’un essai clinique en double aveugle portant sur l’atorvastatine 80mg par rapport à un placebo, spécifiquement conçu pour évaluer la différence au niveau des symptômes musculaires et de la force musculaire, ainsi que de la capacité d’exercice », a expliqué le Dr López-Jiménez. Il a souligné que l’étude, qui ne portait que sur 420 patients avec un suivi de 6 mois, a révélé que l’intolérance aux statines due à des symptômes musculosquelettiques s’est produite chez 9 % des patients prenant de l’atorvastatine contre 4 % de ceux prenant un placebo.

Par ailleurs, dans l’étude GAUSS-3, publiée en 2016, tous les participants avaient des antécédents d’intolérance aux statines, et ceux qui prenaient de l’atorvastatine présentaient une incidence plus élevée de douleurs musculaires par rapport à ceux qui prenaient le placebo : « Cependant, environ 60 % des patients sous placebo ont développé une intolérance. » [4]

Enfin, pour confirmer la présence d’intolérance et les proportions de patients réellement intolérants et tolérants, une méta-analyse portant sur 123 000 patients a été réalisée et publiée en 2022. Cette étude a inclus des données provenant d’essais cliniques contrôlés comparant statine ou placebo, dose élevée versus faible dose [5].

« Ils ont constaté que 27 % des participants ont développé une intolérance au cours des quatre années de suivi, mais la différence absolue entre ceux qui prenaient des statines et ceux qui prenaient un placebo n’était que d’un cas pour 1 000 années-patients. En termes pratiques, il a été conclu que seul 1 cas sur 15 rapportant des symptômes musculosquelettiques attribués aux statines était réel », a noté le Dr López-Jiménez.

Il a ajouté que certaines recommandations pratiques pour le diagnostic de l’intolérance aux statines consistent à mesurer l’enzyme créatine phosphokinase et à évaluer le niveau de certitude qui relie les symptômes aux statines au moyen de règles de causalité.

Lorsque les symptômes apparaissent 5 ans après la prise de statines, l’intolérance est peu probable « parce qu’habituellement, lorsqu’elle est réelle, elle commence dans les premières semaines, voire dans les deux premiers mois qui suivent la prise. Aussi, lorsque les symptômes apparaissent le jour même de la prise de la statine, il n’y a certainement pas d’intolérance », a-t-il déclaré.

Intolérance avérée : les statines sont-elles nécessaires ?

En ce qui concerne la prise en charge de l’intolérance aux statines lorsqu’il est prouvé que le patient présente des symptômes associés, le Dr López-Jiménez a recommandé de « se demander si le médicament était vraiment nécessaire. La plupart du temps, la réponse sera positive, mais dans d’autres cas, elle ne le sera pas. En prévention primaire, le score calcique doit être utilisé. Si le score calcique est faible chez des patients considérés comme présentant un risque modéré ou élevé, il est conseillé de réduire leur niveau de risque, et ils n’ont probablement plus besoin de statines ».

Un autre aspect important est l’évaluation de la perception du risque. « Si nous apprenons au patient que le risque d’événement grave, de décès, d’hospitalisation ou de complications graves lié aux statines est inférieur à 1 sur 3 millions de personnes sous traitement, il peut partir en craignant l’événement rare et en ne se concentrant pas sur le risque de l’événement réel. Il faut donc bien faire comprendre que le risque de ne pas prendre de statine est beaucoup plus élevé, en particulier chez les patients atteints de maladie coronarienne », a-t-il fait remarquer.

Le Dr López-Jiménez a également recommandé d’éviter de commencer ou d’augmenter l’exercice physique au moment même où le patient commence à prendre des statines ou change de dose. « Lorsque le patient quitte le cabinet médical avec son ordonnance de statines et qu’il est motivé pour faire de l’exercice, il est inévitable que ses muscles lui fassent mal, et il ne l’attribuera pas à l’exercice qu’il a commencé à faire, mais aux statines », a conclu le clinicien.

Si le score calcique est faible chez des patients considérés comme présentant un risque modéré ou élevé, il est conseillé de réduire leur niveau de risque, et ils n’ont probablement plus besoin de statines.

 

Financements et liens d’intérêts
Le Dr López-Jiménez n’a révélé aucune relation financière pertinente.

 

Cet article a initialement été publié sur Medscape.com Prevalence of Statin Intolerance Is Approximately 9%.Traduit et adapté par Mona El-Guechati

 

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