Montpellier, France — Les émotions présentes chez les patients vivants avec un diabète de type 1 (DT1) sont susceptibles d’interférer avec le contrôle glycémique. C’est ce qu’a montré la Dre Sylvia Franc, endocrinologue-diabétologue au Centre Hospitalier Sud-Francilien et au Centre d’Étude et de Recherche sur l’Intensification du Traitement du Diabète (CERITD) de Corbeil-Essonnes lors d’un atelier qui s’est déroulé au Congrès de la Société Francophone du diabète (SFD 2023).
À retenir
Les émotions négatives (dépression, anxiété...), liées à la détresse due au diabète et/ou au stress psychosocial chronique induite par les événements de la vie, influencent durablement le contrôle glycémique des patients vivant avec un DT1.
Un état émotionnel positif, un support social et familial fort (surtout pour les adolescents), une bonne estime de soi, sont des éléments qui facilitent un meilleur contrôle glycémique.
Un accompagnement psychothérapeutique améliorant l’état psychologique peut avoir des répercussions bénéfiques modestes mais significatives sur l’HbA1c (-0,3%).
En allégeant la charge mentale, l’instauration d’un système à boucle fermée s’accompagne d’un renforcement des émotions positives.
Selon l’endocrinologue, les émotions négatives rencontrées chez les diabétiques peuvent avoir deux composantes, le « diabetes distress », directement lié à la maladie et le stress psychosocial chronique, associé aux événements de la vie.
Une influence rapide et durable des émotions négatives
Le « diabetes distress » est lié à la nature chronique de la maladie, à la nécessité de soins plusieurs fois par jour, à la complexité de planifier des activités banales comme l’activité physique ou les voyages, ou encore aux incertitudes quant au risque de complications à long terme. Cela augmente la prévalence des émotions négatives, le niveau de dépression, de stress et d’anxiété, par rapport à la population générale. Or, de nombreuses publications ont montré qu’il existait une corrélation significative entre les scores de dépression/anxiété et la variabilité glycémique (HbA1c), et qu’un état émotionnel négatif ou une difficulté à gérer les émotions, intervenaient comme facteurs de risque d’un mauvais contrôle glycémique, au même titre que d’autres facteurs plus classiques tels que l’âge, le statut socio-économique, etc.
Le stress psychosocial chronique liés aux événements de la vie aggrave lui aussi l’instabilité glycémique. L’utilisation de questionnaires, tel que celui de Holmes, permet d’en évaluer l’importance, et une étude a ainsi pu montrer une augmentation significative de l’HbA1c d’environ 0,3% chez les sujets exposés à des événements stressants dans l’année [1]. L’effet peut être observé plus rapidement puisque qu’une autre étude a pu montrer que les patients DT1 qui avaient eu un stress personnel important dans le mois précédent avaient un niveau d’HbA1c plus élevé que ceux qui n’en avaient pas eu. À l’inverse, les sujets qui avaient rapporté uniquement des événements positifs au cours de la même période (mariage, naissance, etc.) avaient une HbA1c qui était restée satisfaisante ou s’était améliorée [2].
L’impact des expériences de la vie et de la perception l’on en a
La revue récente de la littérature s’est intéressée au bien-être subjectif, c’est-à-dire à la façon dont un individu pense et ressent sa vie sur le plan cognitif (qualité de vie) ou affectif (somme des expériences agréables et désagréables). Sur 15 études ayant évalué le bien-être cognitif, une corrélation inverse entre bien-être cognitif et HbA1c a pu être observée. Autrement dit, plus un individu estimait sa qualité de vie élevée, plus son HbA1C était basse. Concernant l’évaluation du bien-être affectif, une seule étude a rapporté une relation inverse avec l’HbA1c [3]. L’utilisation du questionnaire de Holmes étant plus controversé chez l’enfant et l’adolescent, la mesure du stress dans la famille semble plus utile. Une étude conduite au sein d’une population pédiatrique a confirmé une bonne corrélation entre un niveau de stress familial élevé et une HbA1c élevée [4]. Il existerait donc une relation entre contrôle du diabète et stress familial plutôt que stress personnel chez les enfants.
Quelques pistes pour favoriser les émotions positives
Le soutien social semble jouer un rôle déterminant. En effet, sous condition de stress important, un bon soutien social atténue l’impact des facteurs de stress sur l’HbA1c [5].
L’intérêt de nombreux programmes de soutien psychologique a également été évalué chez les DT1. L’un deux comprenant 7 séances hebdomadaires de 2h, animées par un psychologue et couvrant les différents aspects du diabète, a par exemple permis d’obtenir une diminution des humeurs dépressives et de l’anxiété liées à la qualité de vie, par rapport à un groupe contrôle. Et ces changements se sont accompagnés d’une réduction de l’HbA1c de 0,3% [6].
Une autre étude a rassemblé les résultats de 8 essais ayant évalué différents programmes d’interventions. Les participants étaient suivis par un psychologue ou par une équipe pluridisciplinaire comprenant un psychologue durant 6 à 12 mois. Toutes les études montraient une amélioration des participants au plan psychologique, et la moitié d’entre elles ont aussi rapporté une amélioration significative de l’HbA1c à 9 mois, allant de -0,2% à -0,3% [7].
Enfin, une méta-analyse ayant colligé les interventions psychosociales s’intéressant à la fois à la santé mentale et physique, a montré une amélioration de l’état mental, ainsi qu’une réduction modeste mais significative de l’HbA1c, de l’ordre de 0,3%, l’évolution de l’HbA1c s’améliorant avec la santé mentale [8].
De nombreuses autres pistes visant à renforcer les émotions positives existent et doivent être explorées (activité physique, relaxation, etc.). Et par ailleurs, l’automatisation et l’allègement de la charge mentale que l’on obtient avec les boucles fermées ont démontré leurs bienfaits sur l’état émotionnel d’enfants et d’adolescents, ainsi que sur leur contrôle glycémique. Six mois après l’initiation d’une boucle fermée, une augmentation des émotions positives et une réduction des émotions négatives étaient observées [9].
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Citer cet article: Diabète de type 1 : les émotions impactent l’équilibre glycémique - Medscape - 31 mars 2023.
Commenter