Paris, France — Alors que le cancer colorectal (CCR) reste le troisième cancer en termes d'incidence et le deuxième en termes de mortalité en France, une question se pose : comment améliorer son dépistage, encore trop souvent négligé en dépit de son efficacité ?
« Lorsque le CCR est détecté à un stage précoce, la survie relative à 5 ans est de 90,2% », a rappelé Sabrine Taleb, chef de projet à l'Institut national du cancer (INCa), lors d'une conférence organisée le 25 mars dernier au cours du congrès de médecine générale 2023. Pourtant, le taux de participation au dépistage du cancer colorectal a du mal à décoller en France, selon l’INCa, organisateur de la session au CMGF.
30% de participation en France
Pour réduire le nombre de nouveaux cas et de décès associés au CCR, l'InCa vise un objectif de 60% de participation au test de dépistage, en accord avec la recommandation européenne de participation la plus haute, a indiqué Sabrine Taieb. La moyenne européenne se situe à 45% mais la France est aujourd’hui à la traine avec une participation de 30% en moyenne ; « même si l'on a connu de petits pics à 34,6% en 2020-2021, et 34,3% en 2022-2023 », a-t-elle précisé.
Ce taux de 30 % permet d'éviter 2600 décès par an. Mais, « à 60% de participation, nous pourrions éviter 6600 décès par cancers », a expliqué l’intervenante.
Aussi, ce taux de dépistage permet aujourd'hui d’éviter 2200 nouveaux cancers « mais si l'on arrivait à 65% de participation, alors ce serait 7500 cancers qui seraient évités », a renchéri Sabrine Taieb.
Repérer les non-demandeurs
Comment faire mieux ?
« Le dépistage organisé s'intéresse aux personnes à risque moyen, c'est-à-dire des personnes qui n'ont ni facteurs de risques, ni antécédents familiaux ou personnels, ni polypes du cancer ou maladies du cancer, ni symptômes », a décrit Sabrine Taieb. Il faut donc savoir repérer ces patients, qui ne sont pas forcément demandeurs, et les inciter à faire le test.
Plus précisément, « les patients non-participants sont souvent des hommes âgés de moins de 55 ans, qui présentent une situation sociale défavorable. Ce sont ces patients qui doivent alerter les médecins généralistes », at-elle souligné.
Diverses voies d’accès au kit
En parallèle du repérage au cabinet, pour augmenter le taux de participation, diverses modalités de récupération du kit de dépistage ont été mises en place. Depuis 2018, l'ensemble des généralistes, gastro-entérologues, et médecins exerçant dans les centres d'examens de santé sont à même de remettre ces tests, plus seulement les médecins traitants.
Aussi, le kit est adressé par voie postale lors de la relance réalisée par les CRCDC (centres régionaux de coordination et de dépistage du cancer).
A noter qu’en 2022, ont été introduites de nouvelles modalités de récupération du kit via le pharmacien d’officine et la commande en ligne.
« Le principe de la commande en ligne était de proposer un service complémentaire au médecin généraliste, pour permettre aux personnes qui ne se présentent pas auprès de leurs médecins de leur faciliter le dépistage. La montée en charge est très progressive. Nous constatons néanmoins que 46% des visites en ligne aboutissent à une commande de tests, 62% des tests commandés ont été réalisés dans un délai moyen de 43 jours. La moyenne d'âge des personnes qui commandent en ligne est de 51 ans », a expliqué Sabrine Taieb.
Etude FORCEPS : se former pour mieux convaincre
Repérer ceux qui passent entre les mailles et multiplier les voies d’accès aux kits sont donc deux pistes importantes pour augmenter l’adhésion au dépistage mais il faut aussi savoir convaincre les personnes éligibles.
Or, une nouvelle étude a montré que les médecins généralistes formés à l’approche centrée-patient dans le dépistage du cancer colorectal obtenaient une meilleure adhésion au dépistage que les autres.
Les résultats de l'étude FORCEPS (FORmation des médecins généralistes à l’approche CEntrée Patient dans le dépistage du cancer colorectal) dont le but était de montrer l'efficacité d'une formation, soit en présentiel, soit en e-learning, pour augmenter le dépistage du cancer colorectal ont été présentés par le Dr Julien Le Breton, médecin généraliste à la Courneuve (93) et président de la Société française de médecine générale.
« Nous avons identifié à l'université Paris Créteil des freins et des leviers à ce dépistage, et voulions sensibiliser les médecins à lever justement toutes ces entraves. Le pilier de cette stratégie restant la communication avec le patient pour lever ces freins. Un essai randomisé a donc été mis en place, pour analyser le résultat au niveau des patients. Notre objectif était le dépistage des patients à 12 mois. Des médecins généralistes de 6 régions ont été inclus dans cette étude », a indiqué le Dr Le Breton.
La formation consistait en quatre modules, portant sur : les freins, les stratégies en fonction des niveaux de risque, les messages clés, et l'approche centrée patient (la maladie vécue par le patient, comprendre le patient dans sa globalité psycho-sociale, trouver un accord avec le patient et développer une relation médecin/patient).
274 médecins se sont inscrits à la formation, dont 243 étaient éligibles. « Cela nous a permis d'inclure 2600 patients dans le bras formation et 3000 dans le bras témoin », a détaillé le médecin généraliste.
Les résultats sont clairs : la probabilité de réaliser un test immunologique augmente de 30% pour un patient dont le médecin a suivi une formation. De même, la probabilité de réaliser une coloscopie est augmentée de 31% pour les patients suivis par un médecin formé.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Se former à l'approche centrée-patient pour améliorer le dépistage du cancer colorectal - Medscape - 30 mars 2023.
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