
Pr Frank Zerbib
Paris, France – L’impact de l’activité physique sur la survenue de symptômes de reflux gastro-œsophagien (RGO) est assez variable. Le Pr Frank Zerbib, chef du service d’hépato-gastroentérologie du CHU de Bordeaux a décortiqué les mécanismes en jeu, complexes et encore peu étudiés, lors d’une session dédiée à l’activité physique, la thématique « fil rouge » des Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive (JFHOD 2023, Paris)[1,2].
Favorisé par l’effort sportif
Les conséquences de l’activité physique sur la survenue d’un reflux gastro-œsophagien dépendent d’une multitude de facteurs.
L’activité physique « vigoureuse », donc plutôt sportive, est à l’origine d’effets délétères sur le RGO. Environ 60 % des athlètes rapporteraient des symptômes de RGO, lesquels seraient favorisés par l’augmentation de la pression abdominale, cette fois-ci non pas liée à l’obésité mais à la contraction abdominale réalisée au cours de l’effort.
D’autre facteurs physiopathologiques favorisant le RGO lors de l’effort sportif sont impliqués dans ce phénomène, notamment une diminution de la pression du sphincter inférieur de l’œsophage et de la motricité œsophagienne, ainsi que des phases de dissociation entre le sphincter inférieur de l’œsophage et le diaphragme au cours desquelles se produisent la majorité des épisodes de RGO [3].
Dans cette situation, « il apparaît donc que l’activité physique « sportive » joue effectivement un rôle plutôt délétère sur la jonction œsogastrique et les mécanismes qui protègent du RGO, résume le Pr Zerbib. Les méta-analyses permettent donc de répondre à certaines questions, mais pas à toutes : celles qui concernent l’activité physique non sportive sont beaucoup plus difficiles à interpréter. »
RGO et activité physique non sportive… Une relation pas si simple
« Si l’on considère uniquement les patients avec un RGO prouvé par la réalisation d’une pH-métrie œsophagienne, il ne semble pas que l’activité physique ait un impact significatif sur les symptômes, ni sur les caractéristiques du reflux objectivées par la pH-métrie [4] », observe le spécialiste.
Ces résultats proviennent d’une étude menée chez 100 patients dont l’activité physique était évaluée par le questionnaire IPAQ (International Physical Activity Questionnaire et exprimés, selon l’unité habituelle, en « metabolic rate by minutes of performance during a week (METs-minute/week).
Ce questionnaire, utilisé dans la plupart des études évaluant l’activité physique, permet ainsi de distinguer 3 groupes de patients en fonction du niveau d’activité physique (faible, médian, élevé). Il prend essentiellement en compte les durées d’activité physique mais pas leur type (professionnelle, loisir, etc.) ni leur intensité, d’où un problème méthodologique dont il faut absolument tenir compte lorsqu’on analyse, par exemple, les résultats d’une grande méta-analyse sur le sujet [5].
Celle-ci a inclus 78 000 patients dont 10 000 présentaient des symptômes de reflux.
D’après les résultats, l’activité physique réduit d’environ un tiers le risque de RGO après ajustement sur l’IMC. « Ce dernier point est important, nuance Frank Zerbib, car le fait d’ajuster sur l’IMC sans fournir les données non ajustées ne permet pas de savoir si l’activité physique réduit le risque de RGO justement par un effet sur l’IMC*. Par ailleurs, les données sont beaucoup moins nombreuses et convaincantes concernant les complications du RGO comme l’œsophage de Barrett ou l’adénocarcinome avec des études cas témoins négatives, pour la plupart [5,6 ]».
L’une de ces deux études, portant sur l’activité physique non sportive et la survenue d’œsophage de Barrett ne met pas en évidence d’impact de l’activité physique (OR = 1,19, IC95% : 0,82–1,73)[5].
« L’activité physique « vigoureuse » (sportive) favorise le RGO en altérant la barrière anti-reflux (dissociation SIO/diaphragme) et en augmentant les contraintes sur la jonction œsogastrique (pression abdominale). En population, il est probable que l’activité physique régulière diminue le risque de RGO pathologique. En ce qui concerne les complications du RGO, les données sont peu convaincantes. En particulier parce que de nombreux facteurs liés à l’activité physique (hygiène de vie) ne sont pas pris en compte dans les études » commente le Dr Zerbib.
De nombreux facteurs confondants
Difficile dans ces conditions de se forger une opinion. Les facteurs confondants sont nombreux et les études en font peu cas. Si celles-ci ont toujours intégré des facteurs comme l’âge, le sexe ou l’IMC, d’autres paramètres directement ou indirectement en lien avec l’activité physique et qui concernent l’hygiène de vie en général ne sont en revanche jamais pris en compte. En effet, on connaît l’impact de l’alimentation (hypercalorique, riche en graisses) sur la survenue accrue du RGO, comme celui de la consommation d’alcool. Le rôle de l’activité professionnelle est également probable mais non mentionné dans les études.
« Ainsi, il est facile d’imaginer qu’un patient ayant une activité physique importante s'alimente probablement de manière plus saine qu’un patient sédentaire, avec possiblement moins de risques de développer des symptômes de RGO, souligne le Pr Zerbib. Au total, il n’est pas simple d’évaluer l’impact de l’activité physique sur le RGO. Il est assez clair que l’activité sportive favorise le RGO avec des mécanismes physiopathologiques bien démontrés. En population cependant, il est probable que l’activité physique réduise le risque de RGO mais pas de ses complications[6]. Outre son impact sur le poids et l’obésité abdominale, il est assez vraisemblable que l’inactivité physique soit associée à une moins bonne hygiène de vie et, de ce fait, à des comportements qui favorisent le RGO. »
A suivre.
*Sur le plan physiopathologique, il est bien démontré qu’un indice de masse corporelle (IMC) élevé augmente le gradient de pression gastro-œsophagien et les dissociations entre le sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) et le diaphragme, que celle-ci soient transitoires ou permanentes comme dans la cas d’une hernie hiatale. L’obésité abdominale augmente les contraintes sur la jonction oeso-gastrique et accroît le risque de RGO et de ses complications d’un facteur 2 à 3 [7,8].
Le Pr Frank Zerbib déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec sa présentation.
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Crédit image de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2023
Citer cet article: RGO et activité physique, amis ou ennemis ? - Medscape - 29 mars 2023.
Commenter