Violences conjugales : à Paris, l’Ordre va accompagner les médecins dans leur signalement à la justice

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

27 mars 2023

Paris, France – Comment aider les médecins à repérer et signaler les violences conjugales qu’ils pourraient observer ? Comme deux tiers des conseils départementaux ordinaux, l’Ordre des médecins de Paris a signé un protocole avec le tribunal judiciaire, la préfecture de police et l’AP-HP, pour accompagner les praticiens de la capitale dans leurs démarches de signalement, indispensables pour mettre en sécurité les victimes de violence [1]. Cet accompagnement permettra notamment de mieux protéger les médecins, en leur permettant de s'assurer que le secret professionnel peut bien être levé, lors de la rédaction des signalements à la justice.

Accompagner les praticiens

Alors que 125 femmes meurent en moyenne chaque année en France sous les coups de leur compagnon, la lutte contre les violences conjugales est devenue une priorité d’action publique. Et depuis le Grenelle organisé en septembre 2019, de nombreux acteurs institutionnels, politiques, acteurs de terrains et associations de patients, se mobilisent pour améliorer l’accompagnement des victimes des violences.

Les médecins ne sont pas en reste. Mercredi 22 mars, l’Ordre des médecins de Paris a signé un protocole avec le tribunal judiciaire de Paris, la préfecture de police et l’Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour accompagner les praticiens lorsqu’ils signalent des violences conjugales à la justice.

Il s’agit du 68e partenariat de ce genre entre un conseil départemental, la justice et la police.

Depuis une loi adoptée à l’été 2020, le secret médical ne s’applique plus aux médecins qui alertent la justice des actes de cette nature.

Tout praticien peut signaler au procureur de la République des violences exercées au sein du couple « lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ».

Le ministère de la Justice avait établi dès octobre 2020 un vade-mecum sur le sujet, avec l’Ordre des médecins et la Haute autorité de santé.

Depuis une loi de 2020, le secret médical ne s’applique plus aux médecins qui alertent la justice des actes qui relèvent de violence conjugale.

Protéger les victimes, rassurer les médecins

A Paris, les choses ont pris un peu de temps « Nous travaillons depuis des mois à la conclusion de ce protocole qui va nous permettre d’accompagner les médecins dans le signalement des violences conjugales », déclare le Dr Jean-Jacques Avrane, président de l’Ordre de Paris.

Cette évolution devrait notamment permettre de répondre aux inquiétudes récurrentes des praticiens.

« Les médecins sont en première ligne pour repérer puis signaler les victimes de violences intrafamiliales mais aujourd’hui, ils ont une méfiance et ont peur des plaintes consécutives à leur intervention, confie le Dr Christine Louis-Vahdat, vice-présidente de l’Ordre de Paris. Il faut donc les protéger dans la rédaction des signalements à la justice. S’ils se sentent sécurisés, leur implication sera plus forte. »

Les médecins sont en première ligne pour repérer puis signaler les victimes de violences intrafamiliales. Dr Christine Louis-Vahdat

Le rôle essentiel des généralistes

Les médecins ont donc un rôle primordial à jouer dans la mise en sécurité des victimes de violence.

« Le dépôt de plainte est très difficile pour les victimes, du fait de leur vulnérabilité économique, ou de l’emprise qu’exerce sur eux l’agresseur, analyse Marie-Laure Beccuau, procureure de la République. Beaucoup de féminicides ont lieu aujourd’hui sans que nous ayons reçu une plainte ou une main courante, il importe donc que des tiers procèdent à la révélation des faits. Et particulièrement les médecins qui sont parmi les premiers contacts des familles. »

Une récente étude menée par la HAS montrait notamment le rôle-clé des généralistes dans le dépistage des femmes victimes de violences grâce à un questionnement systématique lors de l’anamnèse.

L’hôpital fait aussi partie des acteurs essentiels dans le repérage et la prise en charge des victimes. « Nous sommes un lieu d’examen, d’identification, et parfois un lieu de protection et de refuge pour les victimes de ces violences, explique Stéphanie Decoopman, directrice générale adjointe de l’AP-HP. Cette convention apporte des outils aux équipes médicales pour mieux repérer des victimes, c’est une étape essentielle à leur prise en charge et à leur protection. »

Le dépôt de plainte est très difficile pour les victimes, du fait de leur vulnérabilité économique, ou de l’emprise qu’exerce sur eux l’agresseur. Marie-Laure Beccuau

Un document type pour le signalement

Concrètement, que prévoit le protocole ? Le protocole veut faciliter la mise en relation des praticiens avec l’ensemble des acteurs concernés : l’Ordre départemental, le parquet de Paris, l’unité médico-judicaire de l’AP-HP, les maisons de femmes et la ou les associations de patientes, le planning familial et la PMI (pour des violences sur mineurs).

L’Ordre des médecins de Paris va mettre à disposition des médecins un signalement type (sous format word). Surtout, il devra informer tous les médecins du département de l’existence de ce protocole, et de la présence d’élus référents violences/sécurité à qui ils pourront s’adresser.

Le protocole formule des conseils pratiques essentiels. Avant de rédiger le signalement, le médecin est invité à vérifier que les conditions de levée du secret médical sont bien remplies (danger immédiat et situation d’emprise), mais aussi le lien exact entre la victime et l’agresseur présumé.

Il rappelle aux praticiens les règles à respecter lors de la rédaction d’un signalement : la mention de l’identité (nom, prénom, date et lieu de naissance de la victime et si possible du mis en cause, l’adresse du domicile du couple), la date des derniers faits concernés mais aussi les lieux où ils ont été commis, les déclarations de la victime et les constatations médicales objectives.

Tout signalement doit être par voie électronique à cab.protocoles.partenariats.tj-paris@justice.fr et être systématiquement intitulé : « Urgent Signalement médical : Violences Conjugales », de façon à être clairement identifié dès réception.

L’Ordre des médecins de Paris va mettre à disposition des médecins un signalement type et les informer de la présence d’élus référents violences/sécurité à qui ils pourront s’adresser.

Des formations spécifiques à l’étude

L’Ordre de Paris prévoit des actions de sensibilisation au sujet des violences conjugales et intra-familiales et des formations spécifiques seront mises en place avec le soutien du parquet pour mettre en application les connaissances théoriques.

« Les médecins sont parfois confrontés à un dilemme déontologique lorsqu’il s’agit de signaler les violences faites à une victime majeure sans son consentement quand celui-ci n’est pas donné, résume le Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente de l’Ordre national des médecins et présidente du Comité national des violences intra-familiales. Ce protocole va aider les médecins à se sentir accompagnés. »

Ce protocole va aider les médecins à se sentir accompagnés. Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi

 

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