Nouvelle-Orléans, Etats-Unis — Chez les patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique (CMH), que ce soit dans le cadre d’une activité de loisirs ou pour un sport en compétition, il n’est pas justifié de déconseiller de manière systématique les exercices intenses ou une montée en puissance des entrainements, confirme une étude prospective américaine, dont les résultats ont été présentés lors du congrès de l’American College of Cardiology (ACC 2023)[1].
Les activités nécessitant des exercices intenses sont généralement déconseillées par les médecins à tout patient atteint d’une CMH pour ne pas aggraver un risque déjà élevé d’arythmie ventriculaire ou de mort subite. Mais, ces précautions sont probablement infondées et peuvent les priver inutilement des bienfaits de l’exercice physique sur la santé, estiment les chercheurs. Du moins, en l’absence de critères associés à un risque accru de mort subite (voir encadré).
Menée chez des patients avec une CMH avérée ou présentant une disposition génétique pour cette pathologie, leur étude montre que l’incidence à trois ans des décès, arrêts cardiaques, syncopes et chocs délivrés par défibrillateur implantable est < 5%, autant chez ceux qui pratiquent des exercices intenses que chez ceux qui optent pour une activité plus modérée.
Des restrictions systématiques
Ces résultats « ne vont pas dans le sens des restrictions qui amènent de manière systématique à exclure les activités physiques d’intensité élevée chez les patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique », a souligné la Dr Rachel Lampert (Yale School of Medicine, New Haven, Etats-Unis), principale auteure de l’étude.
Selon la cardiologue du sport, ces résultats devraient être intégrés dans les échanges entre les patients et leurs médecins pour apporter un éclairage sur les risques liés à l’intensité de la pratique sportive « dans le cadre d’une prise de décision partagée, basée sur une évaluation et une prise en charge personnalisée de la CMH ».
L’essai présente toutefois quelques limites dans sa méthodologie a reconnu la praticienne. Les patients inclus ne sont pas forcément représentatifs puisqu’ils sont tous pris en charge dans des structures spécialisées dans le CMH et non pas été sélectionnés au hasard, a-t-elle indiqué.
Point recos : Pour rappel, les recommandations ne sont pas en défaveur de la pratique sportive chez les patients avec une cardiomyopathie hypertrophique. Selon les dernières recommandations européennes de 2020 sur la cardiologie du sport, il convient d’évaluer différents critères en cas de CMH, comme la réponse hémodynamique à l’exercice, la présence d’une obstruction intraventriculaire gauche et la présence d’arythmie au repos ou induite par l’exercice avant de recommander l’intensité appropriée.
En l’absence de critères liés à un risque accru de mort subite, tous les sports sont autorisés, y compris ceux d’intensité élevée ou de compétition, autant chez les patients avec une CMH avérée que chez ceux présentant seulement un génotype positif. Un suivi avec une réévaluation annuelle (semestrielle chez les adolescents) est toutefois recommandé.
L’essai LIVE-HCM a inclus 1 660 patients âgés de 8 à 60 ans, dont 42% de femmes, avec une CMH ou une prédisposition génétique (mais pas la maladie), pris en charge dans 42 centres spécialisés répartis entre les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle Zélande. Ceux qui présentaient une contre-indication cardiologique à la pratique sportive, comme une insuffisance cardiaque, ont été exclus.
Pas plus de risque avec les sports de compétition
Les patients ont rapporté le niveau de leur activité sportive en répondant au questionnaire Minnesota Leisure Time Activity, qui permet de distinguer les activités intense (au moins une activité à plus de 6 MET pendant plus de 60 heures par an), modérée (activités de 4 à 6 MET pendant plus de 60 heures par an) et légère (activité ne répondant pas aux critères précédents).
Respectivement 42% et 43% des patients ont déclaré une activité sportive intense et modérée. Les autres ont rapporté une activité physique légère. L’analyse a comparé les données issues du groupe « activité intense » avec celles des deux autres groupes réunis.
Le critère principal d’évaluation est un critère composite associant les décès, les arrêts cardiaques, les syncopes considérées comme probablement liées à une arythmie et les chocs appropriés par défibrillateur implantable sur trouble du rythme ventriculaire.
L’incidence des événements combinés est de 15,3 pour 1 000 personnes-années chez les patients pratiquant une activité à un niveau intensif, contre 15,9 pour 1 000 personnes-années chez les autres patients, soit un taux < 5% pendant les trois ans de suivi. La différence n’est pas significative. A noter que tous les événements rapportés ont été observés chez des patients avec une CMH avérée.
Parmi les 699 patients ayant déclaré « une activité intense », 259 ont précisé qu’ils pratiquaient un sport de compétition. L’analyse montre que le taux d’événements du critère primaire apparait même moins important dans le cadre d’une compétition que dans le sport pratiqué en loisirs, avec respectivement 13,1 contre 17,6 événements pour 1 000 personnes-années.
« Être moins restrictifs »
Interrogé par theheart.org/Medscape Cardiology, le Dr Lampert a précisé que 75% des patients avec une CMH avérée ont initialement reçu le conseil de leur médecin de ne pas pratiquer d’activité physique et sportive. De même, un tiers des patients avec seulement un génotype positif ont eu la même recommandation.
Compte tenu de ces résultats, « nous sommes désormais en mesure d’affirmer aux patients atteints de CMH - après une évaluation appropriée par des experts de la CMH et un échange avec le patient sur les risques - qu’ils peuvent rejoindre telle ligue de football ou profiter des plaisirs et des avantages de l’activité sportive, car le risque n’est pas plus élevé », a commenté la cardiologue.
Les restrictions concernant la pratique sportive peuvent être lourdes pour ces patients, a-t-elle ajoutée. « Nous savons que les freins à l’activité physique détériorent la qualité de vie. Je pense donc que les résultats de cette étude sont libérateurs pour ces patients ».
Le fait que la pratique d’une activité physique intense ne semble pas augmenter le risque d’événements cardiaques majeurs chez ces patients est « très encourageant », estime de son côté le Dr Eugène Chung (University of Michigan Health, Ann Arbor, Etats-unis), également interrogé par theheart.org/Medscape Cardiology. « Le risque n’est pas aussi élevé que nous le pensions », souligne le cardiologue. « Nous devrions être moins restrictifs ».
Souligner les bénéfices de l’activité physique
Le Dr Chung a évoqué l’étude RESET-HCM récemment publiée qui a montré une amélioration de la fonction cardiovasculaire chez des patients avec une CMH impliqués dans un programme d’entrainement physique d’intensité modérée de quatre mois et ce sans hausse du risque d’arythmie.
« Il n’y a eu pratiquement aucun événement au cours du suivi », ce qui a suggéré qu’un niveau d’activité modérée apparait approprié pour ces patients. Désormais, l’étude LIVE-HCM suggère que « des niveaux d’intensité plus élevés sont également raisonnables ».
La discussion entre médecin et patient en ce qui concerne la CMH pourrait évoluer en se focalisant moins sur l’exclusion des activités physiques intenses, mais plutôt sur les bénéfices de l’exercice physique, a ajouté le Dr Chung.
Selon lui le message à faire passer auprès de ces patients est le suivant: « chacun a besoin d’exercice et, qu’importe le niveau d’intensité souhaité, le risque est relativement faible ». « Je pense que nous allons dans cette direction ».
LIVE-HCM a été financé par le National Institutes of Health.
La Dr Lampert a déclaré des liens d’intérêt avec Abbott, Medtronic et Amgen.
Cet article a été publié dans l’édition internationale de Medscape.com sous le titre Even Vigorous Exercise Appears Safe for Patients With Hypertrophic Cardiomyopathy: LIVE-HCM. Traduit et adapté par Vincent Richeux.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Cardiomyopathie hypertrophique : même l’activité physique intense serait sans risque, selon LIVE-HCM - Medscape - 27 mars 2023.
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