Chez les patients atteints de colite ulcéreuse, un traitement par immunomodulateurs ou immunosuppresseurs au long terme peut entraîner le développement d’un sarcome de Kaposi iatrogène associé au HHV8, comme l'illustre cette étude de cas. [1]
Présentation
Une patiente de 45 ans a reçu un diagnostic de colite ulcéreuse en 2019. Deux ans plus tard, la coloscopie a mis en évidence une inflammation floride (active). Après un traitement réfractaire de première ligne, la patiente a suivi pendant plusieurs mois un traitement immunosuppresseur au vedolizumab, à l'infliximab et à la prednisolone. Ce traitement n'ayant pas fonctionné non plus, une proctocolectomie a été pratiquée. Au moment de l'opération, la femme ne recevait que 20 mg de prednisolone par jour.
Examens histologiques
Selon les pathologistes, la préparation montrait une forte inflammation ulcéreuse avec des polypes de granulation, ainsi que de nombreux nodules submucosaux rougeâtres et brunâtres aux contours assez nets (voir figure 1).
L'histologie a révélé une colite ulcéreuse active avec restructuration des cryptes et une destruction des cryptes sans dysplasie.
Les foyers muqueux et sous-muqueux se sont révélés être des tumeurs vasoformatrices à cellules fusiformes, à l'allure fasciculaire, avec des interstices remplis de sang (voir figure 2). Il y avait entre les deux un dépôt focal de sidérose. Des dépôts globulaires d'éosinophiles avaient été observés de manière très focale entre les cellules endothéliales et la membrane basale.
La nature endothéliale des proliférats aurait été confirmée par leur expression CD34 et ERG. Les proliférations de cellules endothéliales et de cellules fusiformes vasoformatrices exprimaient de manière intensive au niveau nucléaire le « long-acting nuclear antigene 1 » (LANA1) du HHV8 (voir figure 3). Une infection par le cytomégalovirus avait été exclue par immunohistochimie.
Diagnostic
Il s'agit d'un sarcome de Kaposi multifocal HHV8-positif du côlon dans le cadre d'une colite ulcéreuse réfractaire de plus de 24 mois, qui devait être attribué à une forme induite de manière iatrogène en raison d'une immunosuppression thérapeutique, notamment par le vedolizumab. La stadification par scanner n'a pas montré d'indice de métastases. La gastroscopie qui a suivi n'a rien révélé non plus. Les examens sérologiques ont exclu une infection par le VIH chez la patiente.
Discussion
Le sarcome de Kaposi est une tumeur angioproliférative associée au HHV8.[1] La cause en est notamment l'infestation des cellules endothéliales par le virus HHV8. Quatre sous-formes sont connues :
la forme classique/sporadique
la forme endémique/africaine
les iatrogènes
la forme associée au SIDA
Dans les pays industrialisés occidentaux, un sarcome de Kaposi indépendant du VIH est très inhabituel. Des cas associés à la transplantation, notamment après une transplantation rénale, sont connus. La littérature spécialisée fait de plus en plus état de sarcomes de Kaposi gastro-intestinaux séronégatifs en cas de colite ulcéreuse réfractaire. 30 cas au total ont été publiés, y compris cette observation.[1]
Dans le cas de différentes maladies auto-immunes, comme la colite ulcéreuse, la maladie de Crohn, la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis ou l'arthrite psoriasique, le traitement par plusieurs immunosuppresseurs ou immunomodulateurs semble être une complication rare favorisant l'apparition d'un sarcome de Kaposi. Il est à noter qu'il s'agit à chaque fois d'une inflammation active ou réfractaire au traitement. Dans presque tous les cas, le sarcome de Kaposi est découvert par hasard sur la pièce opératoire.
Dans ce contexte, trois cas de sarcome de Kaposi non associé au VIH, y compris celui-ci, ont été publiés après l'administration de vedolizumab, un antagoniste de l'intégrine autorisé depuis 2018 pour la colite ulcéreuse sévère réfractaire au traitement ou la maladie de Crohn. [1] Les antagonistes de l'intégrine bloquent de manière très sélective l'intégrine α4β7, une molécule d'adhésion présente à la surface des lymphocytes T activés. Ils empêchent les lymphocytes T de se lier aux récepteurs de la molécule d'adhésion de la cellule d'adressine 1 (MAdCAM1) sur l'endothélium des vaisseaux sanguins intestinaux et de migrer dans les tissus. Il en résulte une suppression de la poursuite du processus inflammatoire et, par conséquent, une diminution de la réponse immunitaire médiée par les cellules T dans le tractus gastro-intestinal. D'autres déclencheurs possibles du sarcome de Kaposi, également controversés, sont des substances actives appartenant au groupe des inhibiteurs des Janus Kinases, comme le tofacitinib. Un autre groupe pourrait être celui des inhibiteurs du TNFα, comme l'adalimumab, sous la prise desquels l'apparition d'autres tumeurs malignes, comme les mélanomes malins, a été décrite.
Sur le plan médicamenteux, le sarcome de Kaposi à manifestation gastro-intestinale répond très bien à un traitement par doxorubicine liposomale pégylée et rituximab.
Pour d'autres médicaments contre la colite ulcéreuse avec suppression directe des cellules T, la littérature spécialisée décrit également l'apparition d'un sarcome de Kaposi iatrogène associé au traitement. On peut citer la thiopurine azathioprine. L'apparition de sarcomes de Kaposi iatrogènes a également été rapportée sous traitement par inhibiteurs de la calcineurine, tels que le tacrolimus ou la ciclosporine A. Les patients atteints de sarcomes de Kaposi iatrogènes doivent être traités avec précaution.
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Source : Dreamstime
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Citer cet article: Étude de cas : effets secondaires des immunosuppresseurs dans la colite ulcéreuse - Medscape - 12 avr 2023.
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