Cas clinique : diarrhée sévère et vessie neurogène chez un homme sous régime cétogène

Dre C. Elena Cervantes

Auteurs et déclarations

17 avril 2023

Contexte

En raison de la découverte d’un taux de créatininémie élevé, un homme de 68 ans est adressé en consultation de néphrologie. Mais le problème rénal n’est pas isolé : il souffre conjointement d’une pullulation bactérienne avec diarrhée chronique (caractérisée par un nombre excessif de bactéries dans l’intestin grêle [> 10 5 CFU/ml] qui peut provoquer une malabsorption), d'une vessie neurogène (entité complexe qui se manifeste soit par une altération de la miction, soit par un dysfonctionnement du système de la continence) et d'une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (production d'une protéine M par des plasmocytes non tumoraux en l'absence d'autres manifestations caractéristiques de myélome multiple).

L’histoire débute 10 années auparavant par une diarrhée sévère, qui s'est initialement résolue après suppression des glucides alimentaires et adoption d’un régime cétogène. Cinq ans plus tard, une nouvelle poussée est survenue, mais qui ne s'est pas améliorée avec les modifications du régime alimentaire. Un bilan complet a été réalisé (avec biopsies de l'intestin grêle) qui n'ont révélé que l’existence d’une pullulation bactérienne grêle. Ses symptômes de malabsorption ont été compliqués d’une fatigue sévère, d’une perte de poids de 26,6 kg au cours des 3 dernières années, et plus récemment, de vertiges posturaux et d’épisodes de syncopes. Le patient signale aussi des urgenturies et une nycturie, qui ont été mises sur le compte d’une vessie neurogène.

Aucun antécédent familial n’est retenu. Le patient n’est pas habituellement sous traitement et il ne consomme pas de suppléments alimentaires. Par ailleurs, il ne fume pas, ne boit pas et ne consomme pas de drogues.

Examen clinique et bilan paraclinique initial

En salle d’examen, le patient semble maigre et son teint laisse à penser qu’il souffre d'une maladie chronique. Sa température est de 36 °C, sa tension artérielle en position assise s’établit à 90/60 mm Hg avec une fréquence cardiaque de 82 battements/min. On note une hypotension orthostatique dans les 3 minutes qui suivent la mise en position debout avec une valeur tensionnelle de 75/50 mm Hg associée à une fréquence cardiaque de 90 battements/min. Sa fréquence respiratoire est de 16 respirations/min. Son examen cardio-pulmonaire est sans particularité, néanmoins, il existe un œdème des deux membres inférieurs quantifié à 2+ par l’examinateur.

L’examen de sa NFS complète donne des résultats dans les limites de la normale, à l'exception d’une anémie (taux d'hémoglobine, 9,8 g/dL [plage de référence, 13,8-17,2 g/dL]) et d’une thrombocytopénie (98 000 cellules/μL [plage de référence, 150 000-450 000 cellules/μL]). Son bilan métabolique de base retrouve une albuminémie sérique abaissée (3,2 g/dL [plage de référence, 3,5-5,3 g/dL]), une baisse de la protéinémie totale (6 g/dL [plage de référence, 6-8,2 g/dL]) et une créatininémie élevée (1,6 mg/dL [plage de référence, 0,6-1 mg/dL]). Les autres paramètres de laboratoire se situent dans les limites de la normale. Les résultats de son analyse d'urine se révèlent sans particularités : pas d’hématurie ni pyurie. L'échographie rénale met en évidence une vessie distendue, mais sans signes d'hydronéphrose associée.

L’analyse des examens biologiques du dossier du patient montre que le taux de créatinine a varié entre 1,1 et 1,3 mg/dL au cours des trois dernières années, avec un pic à 2,1 mg/dL au décours d’une période de majoration de l’azotémie pré-rénale (ou défaillance rénale fonctionnelle correspondant à une élévation de composés azotés directement provoquée par la réduction du débit sanguin rénal) associée à des épisodes de diarrhée et d'hypovolémie. Au cours de l'année écoulée, son taux de créatinine a varié entre 1,5 et 1,6 mg/dL, avec un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) de 42 à 46 ml/min selon l'équation de la Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration (CKD-EPI). Une protéinurie de 300 mg a été détectée dans une collecte d'urine de 24 heures (taux normal < 150 mg en 24 heures) sans signe d'albuminurie.

Il y a environ 2 ans, une bande monoclonale d'immunoglobuline (Ig) A lambda a été identifiée à l’occasion d'un examen d’immunofixation des protéines sériques (772 mg/dL [intervalle de référence, 82-453 mg/dL]), mais les résultats de l'électrophorèse sérique et urinaire étaient strictement normaux. Son dosage des chaînes légères libres sériques était normal (0,39 [plage de référence, 0,26-1,65]), avec des chaînes légères kappa libres de 17,6 mg/l (plage de référence, 3,3-19,4 mg/l) et des chaînes légères lambda libres de 45,6 mg/l (plage de référence, 5,7-26,3 mg/l).

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....