Rhumatismes inflammatoires et alimentation : les premières recommandations de la SFR

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

23 mars 2023

Paris, France – Quelle alimentation recommander aux patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante et arthrite psoriasique ? Perte de poids, compléments en oméga-3, régime méditerranéenLes diètes et les modifications de l’alimentation chez les personnes souffrant de rhumatismes inflammatoires chroniques sont une pratique courante. Par exemple, un quart des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde développent des stratégies d’éviction alimentaire. Pour cette raison, la Société française de rhumatologie a publié l’an dernier les premières recommandations françaises sur l’alimentation des patients souffrant de rhumatisme inflammatoire chronique. La Pre Claire Daien, co-auteur du texte français* est revenue lors de la Journée annuelle Benjamin Delessert (03 février 2023, Paris) sur les principaux points [1]. (Voir aussi la vidéo Premières recommandations nutritionnelles dans les rhumatismes inflammatoires chroniques)

* Ce travail a été conduit et validé par des rhumatologues ainsi que des représentants de la société française de nutrition (SFN), la société francophone de nutrition clinique et métabolique (SFNCM), l’association française d’étude et de recherche sur l’obésité (AFERO), l’association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN) ainsi que des associations de patients atteints de RIC (AFPric, AFS, ANDAR).

RIC : 9 recommandations

- Recommandation n°1 : Chez les patients en surpoids ou obèses, l’accompagnement vers une perte de poids pourrait être proposé pour contrôler l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique.

L’obésité est associée à des taux plus élevés de douleur chronique et de consommation d’opiacés, ainsi qu’à des marqueurs inflammatoires élevés. Malgré une activité clinique apparemment plus accentuée de la maladie, « les preuves se sont accumulées démontrant que les patients obèses atteints de polyarthrite rhumatoïde ont moins d’inflammation à l’imagerie et des taux de progression radiographique plus faibles au fil du temps, décrit le Pr Dilli Poudel (service de rhumatologie, Université de Pennsylvanie, Philadelphie, Etats-Unis) [2]. La question de savoir si l’obésité influence l’efficacité de thérapies spécifiques reste controversée. L’obésité est très courante et est associée à des symptômes plus graves et à des taux d’invalidité plus élevés chez les patients atteints de PR. Bien que l’on observe fréquemment que l’activité clinique de la maladie est plus élevée chez les patients obèses atteints de PR, il n’est pas certain que des taux de réponse thérapeutiques plus faibles dans ce contexte soient liés à une efficacité réduite des thérapies ou sont un artefact de biais dans l’évaluation précise de la maladie. »

Recommandation n°2 : Le régime sans gluten ne devrait pas être proposé pour le contrôle de l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique, en l’absence de maladie cœliaque confirmée. 

Seulement deux études randomisées contrôlées ont été conduites sur ce sujet. La plus ancienne [3] proposait à 53 patients un jeûne de 10 jours suivi d’un régime végétalien sans gluten pendant 3 mois et d’une réintroduction du lait et du gluten pendant 9 mois. Avec 37 % d’arrêt dans le groupe intervention, il est impossible d’analyser cette étude. Une seconde [4] comparait l’effet d’un régime végétalien sans gluten à un régime équilibré pendant 1 an. Cette étude ouverte, avec 42 % d’arrêt du régime dans le groupe intervention, ne permet pas non plus de conclure. D’où les attentes vis-à-vis du GlutenSpA trial [5], un essai randomisé contrôlé français en cours chez des patients souffrant de spondyloarthrite.

Recommandation n°3 : Le jeûne ou le régime végétalien ne devraient pas être proposés pour contrôler l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique.

Concernant spécifiquement les régimes végétariens/végétaliens, les données sont de très faible qualité, négatives comme positives et très anciennes.

Pr Claire Daien : « Nous ne recommandons pas les régimes d’exclusion (végétarien/végétalien, sans gluten, Seignalet, Kousmine) car nous ne disposons d’aucune preuve solide de leur efficacité. Des données suggèrent même un effet délétère sur le risque fracturaire pour les régimes sans laitage ou sur le risque cardiovasculaire pour les régimes sans gluten. Le jeûne prolongé (10 jours) a pu montrer un effet sur les symptômes articulaires mais qui, malheureusement, ne se maintient pas longtemps après la reprise de l’alimentation. Nous ne possédons aucune donnée sur l’intérêt du jeûne intermittent dans les RIC ». 

Nous ne recommandons pas les régimes d’exclusion (végétarien/végétalien, sans gluten, Seignalet, Kousmine) car nous ne disposons d’aucune preuve solide de leur efficacité.

 

Recommandation n°4 : L’éviction des produits laitiers ne devrait pas être proposée dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques. La littérature est très pauvre sur ce sujet.

Recommandation n°5 : Une supplémentation en acides gras essentiels polyinsaturés, principalement oméga-3 (EPA+DHA>2 g/jour) peut être proposée à visée symptomatique aux patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et probablement d’autres rhumatismes inflammatoires chroniques.

Une méta-analyse française [6] concluait en 2022 que la consommation d’AGPI, en particulier d’oméga-3 d’origine animale (> 2 g/jour), est en mesure d’améliorer l’activité de la maladie rhumatismale inflammatoire et ainsi constituer un traitement adjuvant dans la polyarthrite rhumatoïde. Les études sur ce point, principalement conduites dans la polyarthrite rhumatoïde, sont nombreuses et font état d’un effet sur les symptômes (nombre d’articulations douloureuses gonflées, consommation d’AINS, déverrouillage matinal).

Nous ne possédons aucune donnée sur l’intérêt du jeûne intermittent dans les RIC.

 

Recommandation n°6 : Une alimentation de type méditerranéen pourrait être proposée aux patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et probablement à ceux atteints d’autres rhumatismes inflammatoires chroniques, en raison de ses effets symptomatiques articulaires et surtout cardio-métaboliques. Les données articulaires sont cependant issues d’une littérature de qualité médiocre.

Recommandation n°7 : Pour le contrôle de l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique, il n’y a pas d’indication à proposer une supplémentation vitaminique (B9, D, E, K) ou en oligoéléments (sélénium et/ou zinc). L’ensemble des essais randomisés contrôlés sont globalement négatifs.

Recommandation n°8 : Les probiotiques ne sont pas conseillés pour contrôler l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique, les données d’efficacité étant actuellement insuffisantes et hétérogènes.

Recommandation n°9 : Certaines supplémentations (safran, cannelle, ail, gingembre, sésamine, concentré de grenade) pourraient produire un effet bénéfique sur la polyarthrite rhumatoïde mais les données sont trop limitées pour les proposer en pratique courante. Les essais sont de bonne qualité mais non répliqués, et avec de faible effectifs.

En conclusion, « la littérature scientifique est relativement pauvre pour édicter des conseils nutritionnels, reconnaît le Pr Claire Daien. C’est pourquoi, parfois, la « non-recommandation » est plus liée au manque de données qu’à la publication d’études négatives. Il nous faut donc rester à l’écoute des patients et de leur ressenti, et les accompagner dans leur démarche pour éviter les carences nutritionnelles. Le groupe de travail insiste sur le fait que les mesures nutritionnelles ne doivent pas se substituer à l’observance du traitement de fond, mais viennent en complément de celui-ci, en permettant aussi une plus forte implication du patient dans sa prise en charge. »

Une supplémentation en oméga-3 peut être proposée à visée symptomatique aux patients atteints de PR et probablement d’autres rhumatismes inflammatoires chroniques.

 

 

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