Cancer du côlon : vers un allègement de la surveillance postopératoire

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

22 mars 2023

Paris, France — Après traitement chirurgical d’un cancer du côlon, l’ajout d’un dosage régulier de l’antigène carcino-embryonaire (ACE) et/ou d’un scanner thoracique dans le protocole de surveillance n’apporte pas de bénéfice supplémentaire, notamment en termes de survie globale, révèle l’essai PRODIGE 13, dont les résultats ont été présentés lors des Journées francophones d'hépato-gastroentérologie et d'oncologie digestive (JFHOD 2023) [1].

L’étude n’a pas encore été publiée. Les résultats globaux (cancer colorectal) qui se révèlent en faveur d'un suivi standard limité à l’échographie et la radiographie pulmonaire ont été présentés lors du congrès ESMO 2022 .

Ceux concernant spécifiquement le cancer du côlon, « le plus intéressant » d’un point de vue statistique, ont été réservés aux JFHOD, a précisé l’auteur principal, le Pr Côme Lepage (CHU de Dijon), lors d’une conférence de presse.

Des modalités de surveillance contestées

Dans la prise en charge du cancer colorectal, les trois-quarts des patients sont opérés. Si une surveillance post-opératoire est indiquée pendant cinq ans pour détecter les récidives, la stratégie à mettre en place fait toujours l’objet de controverses. Les pratiques sont loin d’être homogènes en particulier dans le choix des examens à réaliser en complément de l’approche standard, établie par consensus en 1998 [2].

Cette surveillance standard, déjà considérée comme « intensive », prévoit :

  • un examen clinique tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 3 ans;

  • une échographie abdominale tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans et tous les 6 mois pendant 2 ans;

  • une radiographie pulmonaire tous les 6 mois pendant 5 ans;

Alors que l’imagerie par scanner thoracique en remplacement de la radiographie était initialement réservée aux cas de cancer métastatique, cette approche s’est progressivement généralisée. « En France, beaucoup de praticiens choisissent d’effectuer un examen par scanner thoracique tous les six mois, voire tous les trois mois », a indiqué le Pr Lepage. Le TEP scan est même parfois envisagé.

Au scanner s’est ajouté le dosage de l’ACE, un biomarqueur surexprimé en cas de cancer colorectal. Pendant longtemps utilisé et même préconisé tous les trois mois, ce dosage s’est finalement avéré inutile dans plusieurs études et n’est plus recommandé, explique le gastro-entérologue. Certains praticiens continuent toutefois d’y avoir recours pour rechercher une récidive de cancer colorectal.

Depuis le consensus sur la surveillance postopératoire du cancer colorectal, « la majorité des recommandations ne reposent que sur des avis d’experts », ainsi que sur des études qui se révèlent « hétérogènes dans les modalités utilisées et les résultats obtenus ». Une situation qui a conduit à des pratiques très variées et controversées.

Une récidive dans 21% des cas

« Les études n’ont pas permis jusqu’à présent de définir les modalités intéressantes pour surveiller les patients opérés d’un cancer du colorectal ». Une récente méta-analyse Cochrane, qui a repris les données de plusieurs essais évaluant l’impact de différentes modalités, s’est montrée en faveur d’une surveillance étroite, mais sans distinguer la meilleure approche en termes de survie [3].

Les études n’ont pas permis jusqu’à présent de définir les modalités intéressantes pour surveiller les patients opérés d’un cancer du colorectal.

 

C’est dans ce contexte que le Pr Lepage et ses collègues ont décidé d’évaluer dans une étude randomisée de phase 3 le bénéfice de l’ajout d’examens à la surveillance initiale établie par consensus. L’essai multicentrique a évalué le recours au dosage de l’ACE complété ou non d’une surveillance intensive par scanner thoracique.

Au total, 2 009 patients pris en charge pour un cancer colorectal de stade II ou III non métastatique ont été inclus. Les patients avec un cancer de stade III devaient avoir bénéficié d’un chimiothérapie adjuvante. La moitié des cancers de phase II étaient classés à haut risque. Tous ont eu résection complète (R0) de leur tumeur.

Ils ont été randomisés pour avoir un suivi postopératoire comprenant un dosage d’ACE (tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans) ou un suivi sans dosage. Les deux bras ont ensuite été à nouveau randomisés entre une surveillance standard et une surveillance avec scanner thoracique tous les six mois à la place de la radiographie pulmonaire.

Survie globale à cinq ans de 80 %

Les résultats présentés concernent les 1 678 patients pris en charge pour un cancer du côlon. Après un suivi moyen de 7,8 ans, une récidive du cancer a été observée dans 21,7% des cas (majoritairement des récidives métastatiques hépatiques), sans différence entre les groupes, en moyenne 21 mois après la chirurgie. Il n’y a pas non plus de différence dans le temps écoulé jusqu’au diagnostic de la récidive.

En revanche, les chercheurs ont pu observer que les récidives sont plus souvent opérées chez les patients ayant bénéficié d’un suivi avec dosage d’ACE (63,1% contre 46,5% dans le groupe sans dosage ACE). Malgré tout, il n’apparait pas de différence entre ces deux groupes sur la survie globale à 5 ans.

A cinq ans, la survie globale varie entre 80 et 85%, tandis que la survie sans récidive dépasse les 70%, sans différence significative entre les quatre bras. Dans les analyses de sous-groupes tenant compte par exemple de l’âge, du sexe ou du stade de cancer, les différences entre les modalités en termes de survie restent non significatives.

« Après une chirurgie curative d’un cancer du côlon, l'ajout dans le suivi d’une surveillance de l’ACE et/ou d’un scanner ne présentait aucun avantage en termes de délai de détection de la récidive, de survie sans récidive ou de survie globale », concluent les auteurs.

Après une chirurgie curative d’un cancer du côlon, l'ajout dans le suivi d’une surveillance de l’ACE et/ou d’un scanner ne présentait aucun avantage.

Des examens « inutiles »

« Les recommandations de surveillance après résection à visée curative doivent rester basées sur un examen clinique régulier associé à l’échographie abdominale et la radiographie pulmonaire », a ajouté le Pr Lepage, lors de sa présentation. L’utilisation systématique de l’ACE et du scanner « apparait inutile et consommatrice de ressources ».

En outre, concernant le recours au dosage de l’ACE, l’étude montre que cette surveillance « pousse à opérer les patients », souligne le praticien. Or, si une métastase hépatique apparait, « il vaut mieux attendre un ou deux mois » pour être sûr qu’il n’y en aura pas beaucoup plus, ce qui rendrait la récidive inopérable.

Le Pr Lepage rappelle que « l’échographie est un très bon examen pour dépister une récidive hépatique ». Le scanner se justifie uniquement chez les patients en surcharge pondérale. Il précise par ailleurs qu’il faut rester attentif aux signes cliniques de la récidive, comme la fatigue ou la perte de poids.

Des outils basés notamment sur la biologie moléculaire ou la recherche d’ADN tumoral circulant pourraient également aider à mieux identifier les patients à risque et adapter en conséquence les modalités de surveillance, a indiqué le gastro-entérologue. « Ces nouveaux outils sont en cours d’évaluation ».

 

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