Dr Agnès Giannotti : qui est la nouvelle présidente de MG France ?

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

21 mars 2023

Dr Agnès Giannotti

Paris, France – Elle était aux premiers rangs des manifestants pour réclamer de meilleures conditions de travail. Elle fut aussi la première, avec le syndicat de médecins de famille MG France qu’elle préside, à rejeter le projet de convention médicale. Même si elle n’en a pas la prétention, la Dr Agnès Giannotti, généraliste dans le quartier parisien de la Goutte d’or, incarne les médecins en colère et exténués, qui refusent l’injonction du travailler plus pour gagner plus. Rencontre avec une généraliste engagée pour préserver la santé de ses patients… mais aussi celle de ses confrères.

Le message selon lequel les médecins ne bossent pas assez, on n’en peut plus. Dr Agnès Giannotti

Quartier de la Goutte d’or

Un mardi matin ensoleillé, fin février, dans le quartier populaire de la Goutte d’or, à Paris. Il est 9h. Un groupe se forme devant le cabinet médical de la Dr Giannotti et de sa consœur. Les gens arrivent au compte-gouttes. Ici, pas de rendez-vous, le dernier arrivé demande à l’assemblée qui l’a précédé, et la discipline opère d’elle-même.

Ce matin, Agnès Giannotti a un peu de retard. La faute à une première réunion en visio aux aurores sur le projet de convention. Une autre est prévue le midi, une 3e de la CPTS du 18e arrondissement de Paris, qu’elle préside, clôturera la journée. Entre temps, elle verra 30 à 40 patients. Voici un aperçu du planning de la présidente de MG France qui continue à travailler les lundis et mardis, depuis qu’elle a pris ses fonctions en juin dernier. « Je savais qu’il y avait du boulot mais, oui, la période est compliquée », confesse-t-elle sobrement.

Première présidente du plus important syndicat de généralistes

A 63 ans, la Dr Giannotti est devenue la première présidente du plus important syndicat de généralistes. Elle n’accorde pourtant pas plus de portée que cela à ce symbole. « Ma mère a été la première femme présidente d’un tribunal en France, confie-t-elle. Le fait que des femmes entreprennent des choses n’est pas nouveau pour moi ! »

A l’heure où la profession est quasiment paritaire, trois syndicats de médecins libéraux sont désormais présidés par des femmes depuis quelques mois (lire encadré). Le Dr Jacques Battistoni, président sortant du syndicat, a fait en sorte que le bureau soit paritaire, explique-t-elle. On retrouve donc trois femmes aux manettes du syndicat : à la présidence, à la vice-présidence (Margot Bayart) et au secrétariat général (Alice Perrain).

Passionnée par l’Afrique et formée à l’ethnopsychiatrie

L’ascension d’Agnès Giannotti est la consécration d’un engagement de longue date et d’un parcours assez atypique. Née à Fontainebleau, et après des études de médecine à La Pitié, la jeune diplômée part deux ans au Cameroun. « Là-bas, je me suis rendu compte que je n’arrivais pas à prendre en charge les gens à cause des problèmes psys, il me manquait quelque chose dans mon approche de l’interculturalité. »

A son retour en France, elle se forme à l’ethnopsychiatrie. L’Afrique a définitivement gagné son cœur – un ethnopsychiatre béninois aussi, à qui elle est mariée. Jusqu’à il y a quelques années, elle se rend régulièrement dans le village béninois de Bello-Tounga, proche de Karimama. Dans ce lieu luxuriant situé entre le fleuve Niger et le parc national du W, Agnès Giannotti s’est beaucoup adonnée à la photographie des oiseaux – elle leur a d’ailleurs consacré un ouvrage : « Oiseaux d’Afrique, les plus belles histoires » (éd. Grandvaux, 2008, 144 pages, 24 euros).

Mais, ces dernières années, elle ne se rend plus à Bello-Tounga, l’endroit n’est plus sûr du fait du haut risque terroriste, confie-t-elle.

De l’associatif au syndicalisme

Sa passion pour l’Afrique a beaucoup pesé dans sa décision de s’installer dans le quartier métissé de la Goutte d’or en 1990. « Je voulais être avec des Africains et des migrants. » En plus de son activité professionnelle, elle s’engage pendant 15 ans dans l’Unité de réflexion et d'action des communautés africaines (Uraca), association à l’origine de projets communautaires de santé.

Membre de MG France depuis quasiment les premières années du syndicat (fondé en 1984), la généraliste s’investit pleinement dans le syndicalisme en devenant présidente de MG Paris en 2011. Pourquoi MG France ? « Parce que, comme ce syndicat, j’accorde une importance à l’accès aux soins et à la lutte contre les inégalités, explique-t-elle. A l’époque, nous nous battions pour la reconnaissance de la médecine générale, avec le slogan “ fiers d’être généralistes “ ».

Avec ce syndicat, elle a accompagné les évolutions de la profession, le concept du médecin référent puis le médecin traitant, l’émergence des maisons de santé, de l’interpro aussi.

La première à dire non à la convention

L’histoire retiendra qu’elle fut la première à dire non au projet de convention de 2023 et que sa parole a compté. Dimanche 26 février, en fin d’après-midi, Agnès Giannotti, annonce en conférence vidéo que le premier syndicat de médecins généralistes rejette à l’unanimité le projet de convention médicale après consultation de son comité directeur.

Dans la foulée, l’ensemble des organisations de médecins libéraux prennent la même décision, mettant en échec l’Assurance-maladie et le gouvernement. Il était hors de question pour la généraliste de conditionner la revalorisation des tarifs des actes médicaux à une activité supplémentaire.

« Le message selon lequel les médecins ne bossent pas assez, on n’en peut plus », fulmine la Dr Giannotti. La « notion de droits et devoirs » et la proposition de la Cnam de revaloriser à 30 euros la consultation des généralistes uniquement s’ils s’engageaient à voir plus de patients dans le cadre d’un contrat territorial (CET) n’avait aucune chance de passer, affirme-t-elle.

« Nous bossons déjà 55 heures par semaine en moyenne, demain, on va nous demander quoi, travailler 65 ou 75 heures ? A un moment, il faut dire stop », a-t-elle fulminé à Télématin, au lendemain du refus du syndicat de signer la convention. « Travailler plus n’a aucun sens, car 40% des médecins sont au bord du burn-out. »

Travailler plus n’a aucun sens, car 40% des médecins sont au bord du burn-out.

Fermeté et résistance aux pressions

« Le gouvernement n'a pas compris le malaise de cette profession », se désole encore la patronne de MG France, qui reconnaît toucher environ 7000 euros par mois. « Nous gagnons bien notre vie mais nous avons des conditions de travail difficiles et nous le méritons après toutes ces années d’études et avec les responsabilités que l’on a. »

En peu de temps, la Dr Giannotti a réussi à imprimer sa patte, de bienveillance et de fermeté, dans un monde syndical encore très masculin. « Agnès est la présidente qu’il nous fallait à ce moment précis, confie son prédécesseur, le Dr Jacques Battistoni. Elle l’a montré par sa pugnacité lors des négociations avec l’assurance maladie qui se sont déroulées dans un moment compliqué avec des propositions de loi Rist et Valletoux hostiles aux médecins. »

Syndicat proche des valeurs sociales de la gauche, attaché à la convention et signataire des précédentes conventions, MG France a donc été le premier à refuser de parapher la convention. Un texte qui, sur le papier, pouvait apporter 1,5 milliard d’euros aux médecins libéraux, « effort sans précédent », a martelé le ministre de la Santé François Braun. Mais l’argent ne fait pas tout.

Nous gagnons bien notre vie mais nous avons des conditions de travail difficiles et nous le méritons après toutes ces années d’études et avec les responsabilités que l’on a.

 

« Agnès a su prendre le pouls de la profession, elle a su s’indigner, dire stop, assumer la décision de non-signature qui était logique et courageuse, tout en résistant aux pressions », analyse le Dr Battistoni.

La présidente de MG France a aussi gagné le respect de ses confrères syndicalistes. « Je la connaissais peu, je la trouve combative et engagée », commente le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Le gastro-entérologue regrette cependant qu’elle « ramène tout à la médecine générale sans tenir compte des autres spécialités » et défende trop, avec son syndicat, « la rémunération forfaitaire » au détriment de l’acte.

Un nouveau modèle à inventer

Et maintenant, comment recoller les morceaux avec les pouvoirs publics et l’Assurance maladie pour défendre la profession ? Une arbitre a été chargée par le gouvernement d’établir un règlement qui déterminera des règles conventionnelles minimales pour les deux prochaines années.

C'est peut-être un nouveau modèle conventionnel, reposant moins sur la contrainte et davantage sur la confiance, que les partenaires devront rebâtir. « Nous avons reçu des témoignages poignants de médecins qui n'en peuvent plus, cela doit nous faire réfléchir si nous ne voulons pas qu'ils quittent le métier », conclut le Dr Giannotti.

Nous avons reçu des témoignages poignants de médecins qui n'en peuvent plus, cela doit nous faire réfléchir si nous ne voulons pas qu'ils quittent le métier.

 

Deux autres syndicats de médecins libéraux sont présidés par une femme

Outre MG France, la Fédération des médecins de France (FMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) ont confié leurs rênes à des femmes syndicalistes expérimentées. Après avoir occupé les postes de trésorière, secrétaire générale puis vice-présidente de la FMF, la Dr Corinne Le Sauder, médecin généraliste ostéopathe à Olivet (Loiret), a succédé en juin 2020 au médiatique Dr Jean-Paul Hamon à la tête du syndicat. Elle est ainsi devenue la première femme présidente d’un syndicat de médecins libéraux. Elle s’était notamment engagée, il y a quelques années pour que les consœurs disposent de congés maternité supplémentaires.
Plus récemment, le 10 décembre dernier, la Dr Sophie Bauer, chirurgienne thoracique et cardiovasculaire libérale de 56 ans, qui exerce à la clinique Les Fontaines à Melun depuis 1999, a été élue présidente du SML pour trois ans. Membre du syndicat depuis 23 ans, elle est, elle aussi, une syndicaliste chevronnée, ayant occupé de nombreuses fonctions au niveau local puis national.

 

En dates :
Naissance en septembre 1959
Fin des années 1980 : Adhésion à MG France
1990 : Ouverture de son cabinet à la Goutte d’or, à Paris
2011 : Devient présidente de MG France Paris
Juin 2022 : Elue présidente de MG France
14 février 2023 : Entre 5000 et 10 000 médecins manifestent à Paris
26 février 2023 : Annonce le rejet « à l’unanimité » du projet de convention médicale

 

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