France— Le 3 avril prochain, le ministère de la santé a promis de contrôler et d'interdire drastiquement toutes les rémunérations des médecins intérimaires, au-dessus du plafond autorisé. Médecins et directeurs craignent des ruptures de la continuité des soins.
Près de 6000 euros pour 24 heures de travail médical... C'est ce genre de dérives auquel le ministre de la Santé veut mettre fin.
Votée en 2021, la loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » dite loi Rist est l'outil idéal pour mettre un terme aux excès de l'intérim médical.
Son article 33 stipule que « lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu'il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières ».
Le directeur général de l'ARS, lorsqu'il est averti de dérives quant à la rémunération des médecins intérimaires, peut aussi saisir le tribunal administratif. Un tour de vis sévère, qui s'impose du fait d'un non-respect généralisé des plafonds de rémunération des médecins intérimaires.
1170 euros
Car depuis le vote de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, puis la promulgation de décret et d'arrêté en 2017, le plafond de rémunération des médecins intérimaires est fixé à 1170 euros pour 24 heures.
Un plafond allègrement pulvérisé, surtout depuis la pandémie de Covid, en 2020, durant laquelle le ministère de la santé a constaté une augmentation de plus de 60% des rémunérations des médecins intérimaires.
Selon la Fédération hospitalière de France, le coût de l'intérim médical en 2023 s'élève à 1,5 milliard d'euros en 2023 contre 500 millions en 2013, lorsque le député Olivier Véran avait rendu public un rapport sur ce phénomène qu'il fallait juguler.
Les spécialités les plus concernées par ces dérives sont celles soumises à la permanence des soins, rappelle le ministère, soit l'anesthésie-réanimation, mais aussi la pédiatrie, la gynécologie obstétrique...
Des spécialités qui méritent une revalorisation selon la tutelle, pour mettre un terme à l'intérim médical. Le chantier de la revalorisation de la permanence des soins est d'ores et déjà sur les rails, et le ministère de la santé promet d'aboutir en juin prochain.
Agences d’intérim convoquées
Toujours est-il que, dans l'attente de cette revalorisation, le ministère a pris les devants, en convoquant notamment vendredi 17 mars dernier, au ministère de la santé, les patrons des agences d'intérim médical. Le but de cette rencontre étant de les dissuader de contourner la loi, en gonflant les notes de frais kilométrique ou encore les frais de restauration...
Même si, comme l'avoue le ministère de la santé, les principales dérives sont plutôt concentrées dans les contrats signés de gré à gré, hors agence, entre praticien hospitalier et direction d'établissement.
Le ministère de la Santé promet des contrôles systématiques, tout en rassurant les directions hospitalières et le corps des praticiens : il n'y aura ni fermeture de service, ni réquisitions de médecins pour pallier les éventuelles carences dues à la désertion attendue des intérimaires de l'hôpital public, à compter du 3 avril prochain, date de mise en application des dispositions de la loi Rist.
Pour ce faire, le ministre de la Santé compte sur la solidarité territoriale et veut actionner deux outils : la prime de solidarité territoriale et les contrats de type 2.
Le contrat de type 2, en vigueur depuis 2022, permet le recrutement de praticiens contractuel en cas de « difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soin sur le territoire ».
La prime de solidarité territoriale offre des facilités pour les médecins hospitaliers qui décident d'exercer une partie de leur activité dans les établissements sous-dotées. Aucun patient ne va être laissé sans solution, assure le ministère de la santé, qui a également demandé la coopération des fédérations de l'hospitalisation privée, Fehap et FHP.
Réactions
Mais ces assurances du ministère de la santé ne rassurent pas pour autant les acteurs de terrain. La FHF Grand Est, dans un communiqué, a listé les perturbations attendues par l'application le 3 avril de la loi Rist :
« - Fermetures ponctuelles ou totales de services à risque vital comme les urgences ou des maternités ;
- Nécessité d’organiser des parcours de continuité de la prise en charge pour les patients ;
- Recours accru aux transferts médicalisés et aux transporteurs sanitaires dans un contexte de pénuries de moyens ;
- Surcharge prévisible des centres 15 au regard des réponses à apporter dans le cadre d’une offre désorganisée ;
- Impacts sur les centres 18 au niveau des missions de secours et de transports ;
- Conséquences sur la demande à l’attention des établissements privé et de la médecine de « ville »."
Le syndicat des manageurs publics de santé (SMPS) craint lui aussi des catastrophes sanitaires début avril et a mis en place une cellule de veille pour tous les directeurs d'hôpital de terrain. Il demande par ailleurs au ministère de la santé des dérogations pour les petits établissements isolés, la mise en place de services de transferts obstétricaux, la réquisition de médecins spécialistes du secteur privé lucratif et libéraux.
Enquête flash
Le syndicat de praticiens hospitaliers SNPHARE craint pour sa part que l'application de la loi Rist ne débouche sur des « incitations répétées à la réduction des congés annuels, à faire encore plus de temps de travail additionnel ou de prime de solidarité territoriale, de manière pérenne ».
Ce syndicat a lancé, avec l'Association des médecins urgentistes de France, mais aussi le SNMRH, le SNJAR, le CSED, l'APH, JM et SUDF, une enquête flash pour connaitre les motivations des médecins intérimaires : « Pourquoi ont-ils quitté l'hôpital, que pensent-ils du plafonnement de l'intérim et de son montant ? » Les résultats de ce questionnaire permettront au syndicat de négocier, ultérieurement, avec le ministère de la Santé, une revalorisation du statut de PH.
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Citer cet article: Intérim médical : le ministre de la Santé va stopper les dérives - Medscape - 21 mars 2023.
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