Les Français et le sommeil : encore beaucoup d’idées reçues

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

17 mars 2023

France – Où en sont le Français avec le sommeil ? Dorment-ils plus et mieux qu’avant ? Que savent-ils du sommeil ? Quels liens avec les troubles anxiodépressifs ? Pour le savoir, l’Institut national du sommeil et de la vigilance (InSV), en partenariat, avec la mutuelle MGEN, a interrogé un échantillon représentatif de 1004 personnes âgées entre 18 et 65 ans autour de « sommeil, croyance et santé mentale » [1]. En voici les principaux résultats à l’occasion de la journée du sommeil du 17 mars 2023.

La durée du sommeil continue de se réduire

Premier enseignement, 37% des personnes interrogées se disent insatisfaites de leur sommeil – plus particulièrement les femmes –, 42% déclarent souffrir d’au moins un trouble du sommeil (insomnie 20% et troubles du rythme du sommeil 17% en tête).

« Ce résultat confirme les données des enquêtes CoviPrev menées par Santé Publique France qui montrent une aggravation des problèmes du sommeil des Français corrélée à l’aggravation des troubles de la santé mentale depuis le début de l’épidémie de Covid en mars 2020 », commente le Dr Marc Rey, neurologue et président de l’InSV.

Parallèlement, le temps de sommeil continue de se réduire, les français dorment toujours peu la semaine (6h58 en moyenne vs 6h57 en 2019). « Dormir moins de 7 heures par nuit est considéré comme insuffisant » considère le neurologue. Et même le week-end, le temps de sommeil s’est réduit de 34 minutes (7h40 vs 8h14) en raison d’un lever plus précoce les samedis et les dimanches.

Peu de Français dorment d’une traite : 8 sur 10 déclarent se réveiller la nuit. Ces réveils nocturnes surviennent en moyenne deux fois par nuit, et même 2,3 chez les femmes, 2,4 chez les personnes anxieuses et 2,5 chez les personnes souffrant d’un trouble du sommeil (insomnie, apnées, syndrome des jambes sans repos, troubles du rythme veille/sommeil), ainsi que chez les patients qui prennent des médicaments pour les aider à dormir. Si les deux tiers d’entre eux se rendorment en moins d’une demi-heure, certains peuvent mettre beaucoup plus.

Du mieux mais encore pas mal de fausses croyances

Bonne nouvelle, « les Français, à image de ce que l’on constate en consultation, sont plutôt bien éduqués concernant l’hygiène du sommeil », remarque la Dr Isabelle Poirot, psychiatre, spécialiste des troubles du sommeil. Par exemple, dans l’enquête de l’INSV, 3 Français sur 4 qui souffrent de troubles du sommeil déclarent avoir mis en place au moins une mesure pour répondre à leurs troubles du sommeil et la plupart des comportements néfastes pour le sommeil leur sont bien connus: s’inquiéter de ne pas pouvoir dormir suffisamment (77%), utiliser son lit à d’autres activités que le sommeil ou aller directement au lit après avoir mangé (73%), étudier ou travailler tard (71%), consommer des boissons contenant de la caféine (69%), utiliser régulièrement des médicaments pour dormir (68%), faire une longue sieste pendant la journée, se coucher l’estomac vide ou encore penser à sa journée du lendemain...

Ils semblent, en revanche, moins bien connaître les comportements ayant un effet positif sur le sommeil. Si la plupart des personnes interrogées savent que dormir dans une pièce calme et obscure favorise un bon sommeil (80%), et qu’il est préférable de se relaxer et de se changer les idées avant d’aller dormir (75%), elles ne sont plus qu’une faible majorité (58%) à avoir intégré la notion que le rythme du sommeil doit être régulier avec des horaires de coucher et de réveil qui restent les mêmes que l’on travaille ou non le lendemain.

« En pratique clinique, nous observons que si les rituels du coucher sont assez bien actés, il n'en va pas de même de l'heure du lever – et ce d’autant qu’une pathologie mentale survient », commente la Dr Isabelle Poirot.

Aussi, l’enquête souligne que les Français sont à peine 1 sur 4 à savoir qu’en cas de difficultés à s’endormir, mieux vaut se relever quelques minutes plutôt que s’agiter dans son lit. « Le temps d’éveil pendant le sommeil est mal géré, remarque la psychiatre, les gens ont peur de se lever et de ne plus se rendormir alors que rester au lit est gage d’appréhension ».

Autre croyance erronée : 29% estiment que pratiquer une activité physique intense avant d’aller se coucher va permettre de mieux dormir. Or, il est préférable de privilégier un sport doux le matin et plus cardio en milieu d’après-midi. « Pratiquer une activité physique intense le soir est un facteur d’aggravation des plaintes de sommeil même si cela peut donner un sentiment de relaxation », confirme la spécialiste.

Enfin, 16% des Français - mais 23% des jeunes et 26% de ceux qui prennent des médicaments pour mieux dormir -, estiment que boire de l’alcool en soirée est favorable à un bon sommeil. « Il est encore fréquent de penser que l’alcool est un excellent sédatif. Or, l’alcool, au contraire, a un effet néfaste sur la sécrétion de mélatonine, fragmente le sommeil et entraine un risque supplémentaire d’insomnie avec des effets résiduels en journée ».

Même si les Français ont intégré la plupart des recommandations en matière de sommeil, certains messages que l’on pensait acquis ne le sont manifestement pas, constate la Dr Isabelle Poirot. « Certaines croyances peuvent s’expliquer par un décalage dans le temps entre les avancées de la science et leur appropriation par le grand public. À ceci s’ajoute le décalage entre les connaissances objectives de chacun et la mise en pratique qui fait appel à l’émotion et à l’expérience du sujet au changement : on a beau savoir qu’il faut éviter de passer du temps sur son smartphone le soir, on continue de consulter les réseaux sociaux avant d’aller au lit. »

Au regard de ces résultats, l’INSV recommande d’appliquer quotidiennement les 10 conseils ci-dessous pour réduire les difficultés de sommeil et augmenter la qualité des nuits. « Si ces conseils ne permettent pas de traiter des troubles installés, ils sont essentiels à titre préventif et aident à garder un bon sommeil, une fois celui-ci retrouvé », conclut la Dr Poirot.

https://twitter.com/INSV_Sommeil/status/1635568668334497792

 

Santé du sommeil et santé mentale sont intimement liées

D’après les résultats de l’enquête d’Opinion Way pour l’INSV et la MGEN, les femmes et les jeunes sont plus sujets à l’anxiété que le reste de la population. C’est également le cas des personnes qui souffrent de troubles du sommeil et plus particulièrement d’insomnie (54%). La dépression, en revanche, touche indifféremment les hommes et les femmes du panel de l’enquête. Elle est associée à un moins bon sommeil (19% ont une très bonne qualité de sommeil vs 33% des personnes non dépressives) et à davantage de troubles du sommeil (70% vs 50%), essentiellement de l’insomnie (30% vs 16%). En parallèle, 16% des personnes interrogées déclarent prendre actuellement des anti-dépresseurs ou des anxiolytiques, avec une proportion plus élevée parmi des 25-34 ans et ceux souffrant de troubles du sommeil. « Avec un sommeil qui n’est pas pour autant de meilleure qualité », constate la Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du réseau Morphée. En effet, d’après les résultats de l’étude, seules 42% des personnes sous anxiolytiques ou antidépresseurs estiment avoir un sommeil de meilleure qualité ; à l’inverse, 21% d’entre elles estiment dormir moins bien et 37% ne notent aucun changement ! « Troubles de santé mentale et troubles du sommeil sont étroitement liés mais le traitement médicamenteux des premiers ne traite pas forcément les seconds », explique la Dr Royant-Parola. « L’insomnie est désormais considérée comme une pathologie comorbide et non plus secondaire au trouble anxiodépressif », ce qui implique une prise en charge conjointe de l’ensemble des troubles », complète Isabelle Poirot.
Enfin, on sait que les problèmes de sommeil exacerbent les troubles anxiodépressifs et vice versa. Les patients souffrant de troubles bipolaires connaissent par exemple un important décalage des rythmes veille/sommeil.

 

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