Fermeture des petites maternités : les arguments « pour »

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

16 mars 2023

France – Dans le sillage de la publication d'un rapport de l'Académie nationale de médecine sur la périnatalité, de nombreuses sociétés savantes, associations d'usagers, syndicats de médecins, plaident pour un regroupement des maternités de petite taille, et une revalorisation des métiers de la périnatalité.

Fermeture des petites maternités

C'est un rapport qui n'a pas laissé indifférent le lanterneau hospitalier : l'Académie nationale de médecine vient de publier une étude qui préconise la fermeture des petites maternités. En une vingtaine de pages, l'Académie constate que la mortalité néonatale en France « n'a pas diminué depuis 20 ans ». Ce n'est pas le seul mal qui frappe la périnatalité : toutes les professions de ce secteur sont touchées par une crise démographique, les établissements de type 2 et 3 sont saturés, tandis que les établissements de type 1, surtout dans le secteur privé, ferment leurs portes, du fait d'un manque de personnels qualifiés. À cela il faut ajouter une quasi-absence de collaboration entre secteur privé et public, et une absence de planification depuis 2007.

Recommandations

Pour pallier ces carences, l'Académie édicte une série de recommandations, la plus emblématique de toutes étant la création de groupements hospitaliers périnatals de territoire (GHPT). Ces CHPT regrouperaient des structures, publiques ou privées, de type 1 « de moins de 1000 accouchements », « avec les structures de type 2 et 3 les plus proches ». Et d'ajouter : « Ces structures n’effectuant plus d’accouchements deviendront autant de centres de prise en charge de la femme et du nouveau-né et d’hôtels hospitaliers. »

Les professionnels de la ville y auraient également leur place. La continuité des soins serait par ailleurs assurée grâce à la mise en place d'équipes "stables" sur les "listes de garde" comprenant au moins un gynécologue obstétricien de garde, un pédiatre, un anesthésiste réanimateur, des sage-femmes. Afin de relancer l'attractivité du métier de sage-femme, l'Académie souhaite que leur sixième année d'étude soit consacrée à la santé communautaire, à l'exercice hospitalo-universitaire, ou à l'exercice hospitalier. Les académiciens préconisent également la création d'un statut de praticien en maïeutique « au sein des maternités publiques ». Pour les infirmières puéricultrices (IPDE), l'Académie veut aussi revaloriser leur statut en reconnaissant leur formation au grade de master, en leur ouvrant la possibilité d'accéder au statut d'infirmier en pratique avancée, en créant une nomenclature IPDE, et en mettant en place un « ratio règlementaire IDE/IPDE dans les maternités et dans les unités de néonatologie ».

Dégradation des conditions de travail

La publication de ce rapport intervient au moment où « 6 organisations médicales et une association d’usagers lancent un « appel au gouvernement comme à tous les français pour sauver du "naufrage" le système de soins périnatal »*. Les auteurs de cette tribune publiée dans Le Monde déplorent un taux de mortalité infantile en hausse en France, qui la place au 25e rang européen en la matière, « alors qu'elle était en 2e position il y a 20 ans ». Pour les signataires, la dégradation de la prise en charge en périnatalité est la conséquence de la dégradation des conditions de travail des professionnels de santé : « De récentes enquêtes ont montré que le burn-out touchait de 50 % à 75 % des gynécologues-obstétriciens, 65,7 % des sage-femmes cadres et que 49 % de pédiatres néonatologistes souffraient de troubles du sommeil liés à leur activité. »

Résultat, les professionnels quittent l'hôpital et sont remplacés par des intérimaires, qui « n'ont pas toujours une bonne connaissance des services ». Sans compter la fermeture des maternités de petite taille : « entre 2016 et 2021, une quarantaine de maternités ont définitivement fermé, d’après l’ENP 2021. » Les signataires, à l'instar de l'Académie, recommandent le regroupement des maternités : « les plateaux techniques doivent être regroupés dans des maternités mieux équipées et informatisées qui accueillent plusieurs niveaux de soins et offrent des conditions de travail permettant d’accompagner les patientes et leurs enfants en toute sécurité et dans la bientraitance. »

*Liste des signataires de la tribune du Monde : Pierre Albaladejo, président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) ; Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) ; Charlotte Bouvard, directrice de l’association SOS Préma ; Margaux Creutz, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP) ; Michel Dreyfus, président de la Société française de médecine périnatale (SFMP) ; Estelle Morau, présidente du Club anesthésie-réanimation en obstétrique (CARO) ; Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatologie (SFN).

Création de nouveaux postes

Pour ce qui est des conditions de travail des professionnels de santé, les auteurs de cette tribune souhaitent que « toutes les équipes [aient] une taille suffisante pour garantir aux professionnels un exercice pluridisciplinaire et sécurisé de leur activité, avec une limite de cinq gardes mensuelles et une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, conformément à la réglementation. Ce qui suppose nécessairement la création de nouveaux postes. » Le regroupement des maternités doit « être accompagné par la multiplication des centres périnatals de proximité (CPP), afin que l’ensemble des femmes bénéficient en proximité d’un suivi de leur grossesse ».

Positions du CNGOF et du SNPHARE

Le collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) a, lui aussi, salué les préconisations de l'Académie de médecine tout en soulignant que « cela ne suffira pas si l’attractivité du travail en salle de naissance n’est pas restaurée. Pour ce faire, le CNGOF, en association avec les autres sociétés savantes de la périnatalité, a préconisé en 2019 le nombre minimum de ressources humaines (sage-femmes, gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, pédiatres) nécessaires pour assurer la qualité et la continuité des soins non programmés dans les maternités en fonction de leur activité ». Le collège des gynécologues obstétriciens pense qu'il est aussi indispensable que les salaires, les actes, les gardes et les astreintes soient revalorisés.

Le SNPHARE embrasse également l'ensemble des conclusions de l'Académie de médecine, tout en regrettant la « faiblesse du chapitre consacré à l’anesthésie-réanimation, même s’il en partage les conclusions ». Le syndicat de praticiens hospitaliers demande par ailleurs « la présence de professionnels titulaires ou sur des contrats longs dans les maternités », « la présence physique de deux médecins anesthésistes-réanimateurs (MAR) en journée », « la présence physique H24 d’un MAR senior et d’un IADE par tranche de 2000 naissances par an », « en cas d’activité mixte (maternité < 1500 naissances par an), la possibilité que le MAR soit affecté sur d’autres activités ». Le syndicat de médecins hospitaliers propose également la mise en place d'une « gradation des soins maternels », avec un niveau de soins élémentaires, comprenant la présence H24 du MAR et du gynécologue obstétricien, et un niveau de soins spécialisés, comportant en sus un plateau technique, ainsi qu'une unité de soins critiques adultes.

Le regroupement des maternités doit être accompagné par la multiplication des centres périnatals de proximité (CPP), afin que l’ensemble des femmes bénéficient en proximité d’un suivi de leur grossesse.

 

 

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