Maladie inflammatoire à IgG4: une nouvelle entité à prendre en charge

Ute Eppinger

Auteurs et déclarations

16 mars 2023

Berlin, Allemagne — Au cours de la conférence de presse annuelle de la Société allemande de médecine interne (DGIM), le Pr Ulf Müller-Ladner (département de rhumatologie et d’immunologie de la clinique Kerckoff, Bad Nauheim, Allemagne) a apporté un éclairage sur la maladie inflammatoire liée aux immunoglobulines G4 (IgG4), une entité connue depuis peu, caractérisée par des atteintes fibrosantes pouvant s’étendre à plusieurs organes. L’occasion d’évoquer les options thérapeutiques actuellement à disposition.

Comme beaucoup d’immunoglobulines, l’IgG4 est impliquée dans la lutte contre les infections virales et bactériennes. Dans la maladie liée aux IgG4, les cellules immunitaires produisant les IgG4 s’accumulent anormalement dans certains organes et sont à l’origine de réactions auto-immunes. « Cela entraine une inflammation, que l’organisme ne parvient pas à maitriser », a souligné l’immunologue, également président de la DGIM.

Une prévalence probablement sous-estimée

L’inflammation chronique aux IgG4 peut affecter un ou plusieurs organes, ainsi que le tissu conjonctif environnant. Elle se manifeste généralement par le développement de masses de type tumoral et d’une hypertrophie indolore des organes. Avec le temps, les atteintes évoluent vers une fibrose et un tissu cicatriciel qui conduisent à une perte des fonctions de l’organe affecté.

« Dans le cas d’une inflation associée aux IgG4, ces fibroses ont une structure histologique spécifique, mais les organes touchés ne sont pas forcément accessibles à un prélèvement par biopsie », a précisé le spécialiste. Foie, voies biliaires, vaisseaux sanguins, peau, yeux ou encore système nerveux central, quasiment tous les tissus et organes peuvent être atteints.

Les diverses manifestations de ces inflammations sont probablement connues depuis longtemps, mais ce n’est que depuis une dizaine d’années  qu’elles sont peu à peu considérées comme « une seule et même maladie », a souligné le Pr Müller-Ladner. Depuis peu, elles sont regroupées dans une seule entité dénommée maladie liée aux IgG4.

D’un point de vue physiopathologique, le processus inflammatoire est provoqué par une réaction conjuguée et entretenue entre lymphocytes B, plasmocytes IgG4 +, cellules T auxiliaires folliculaires, cellules T CD4+ cytotoxiques et macrophages. L’inflammation qui en résulte pousse les fibroblastes à produire en excès du tissu conjonctif.

On estime qu’une personne sur 100 000 est atteinte de ce trouble fibro-inflammatoire chronique à médiation immunitaire, une prévalence qui est probablement sous-évaluée, de nombreux patients avec des manifestations de  cette maladie étant certainement mal diagnostiqués.

L’analyse histologique nécessaire

Etant donné que tous les organes peuvent être atteints et que les symptômes sont très variés en fonction de l’organe concerné, le diagnostic est jugé difficile. « Tout processus inflammatoire inexpliqué et tout dysfonctionnement d’organe peuvent être une maladie liée aux IgG4, en particulier lorsqu’ils s’accompagnent d’une hausse du tissu conjonctif », a commenté l’immunologue.

Par ailleurs, chez la plupart des personnes atteintes, l’inflammation persiste plusieurs années avant l’apparition de symptômes. Une évolution de la maladie vers des formes aiguës est également possible.

Les symptômes comme la fièvre ne sont pas si caractéristiques de la réaction inflammatoire latente et il s’agit même d’un critère d’exclusion dans les classifications publiées par les sociétés savantes spécialisées en rhumatologie. C’est le cas notamment pour le diagnostic différentiel de la vascularite, une inflammation des vaisseaux sanguins qui peut affecter également tout l’organisme.

Le recours au dosage des IgG4 dans le sang et à l’imagerie ne sont généralement pas suffisants pour confirmer le diagnostic de la maladie. L’analyse histologique après biopsie est souvent un point fondamental pour poser le diagnostic définitif.

Les principaux organes touchés par la maladie sont le pancréas, le foie, la vésicule biliaire, les intestins, le retropéritoine, les gros vaisseaux sanguins, les reins, les glandes salivaires, les tissus lacrymaux, le cerveau, ainsi que l’ensemble du tissu conjonctif.

Le rituximab très efficace

Les reins sont notamment le siège d’une inflammation des tissus conjonctifs. Si le pancréas est touché, « les signes peuvent varier d’un gonflement diffus au développement d’un diabète ». Si l’inflammation se localise au niveau de l’aorte, « elle se caractérise par un épaississement de la paroi des vaisseaux et des anévrismes, ainsi que les troubles circulatoires associés ».

La période précédant le diagnostic pouvant être longue, plus de la moitié des patients présentent des lésions irréversibles au moment du diagnostic, a-t-il ajouté. Et, malgré la prise en charge thérapeutique, la maladie peut avoir une issue fatale, même chez des patients jeunes.

Les corticoïdes représentent actuellement le traitement de premier choix. Il est recommandé d’administrer de la prednisolone à la dose de 0,5 mg/kg. « Le traitement conduit à une amélioration rapide de l’inflammation. Chaque organe fait ensuite l’objet d’un diagnostic approfondi pour évaluer la gravité de la maladie et planifier les étapes ultérieures du traitement ».

A plus long terme, des immunosuppresseurs, comme l’azathioprine, le mycophénolate, le leflunomide et le méthotrexate ont fait leur preuve et peuvent être utilisés dans cette indication, comme dans d’autres maladies inflammatoires  chroniques. Le cyclophosphamide ou la ciclosporine sont plus rarement utilisés en raison de leurs effets secondaires.

En raison de la prédominance des lymphocytes B, le traitement par rituximab qui entraine une déplétion en lymphocytes B est actuellement une option thérapeutique très efficace, mais qui doit faire l’objet d’une demande préalable pour obtenir une autorisation d‘utilisation hors AMM.

« Si l’organisme répond bien au médicament, il est fréquent de voir la fonction des organes se rétablir », précise le Pr Müller-Ladne.

 

Cet article a été publié dans l’édition allemande de Medscape.com sous le titre Versteckte Entzündungen in Organen und Bindegewebe: IgG4-Antkörper auf Abwegen – so therapieren Sie und erkennen Warnhinweise. Traduit et adapté par Vincent Richeux.

 

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