Cannabis : à l'origine d'insomnies et autres troubles du sommeil

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

16 mars 2023

Bordeaux, France – « Fumeurs de cannabis réguliers, méfiez-vous, c'est peut-être le petit joint que vous fumez le soir qui vous donnera des troubles du sommeil ». Voici le message-clef d'une étude française menée à partir des données de près de 15 000 étudiants volontaires de la cohorte i-Share et publiée dans Psychiatry Research[1]. Ce travail s'est en effet penché sur la relation entre les troubles du sommeil et la consommation de cannabis des étudiants âgés de 18 à 30 ans (moyenne d'âge, 20,4 ans). Il montre une association indépendante de la santé mentale. C'est la première fois qu'une étude s'intéresse aux paramètres de santé mentale, comme la dépression ou l'anxiété, dans cette relation entre les troubles du sommeil et le cannabis. Explications.

Des étudiants consommateurs de cannabis et qui dorment mal

Plus de la moitié de la population étudiante aurait des perturbations de leur sommeil, et 19 % d’entre eux souffriraient d’insomnie. Face à la fréquence si inquiétante de ces troubles du sommeil qui retentissent sur la réussite universitaire des étudiants, des chercheurs de l’Inserm, de l’université et du CHU de Bordeaux ont décidé d'explorer la relation entre le sommeil et la consommation de cannabis, grâce à l'analyse des réponses à des auto-questionnaires en ligne portant sur la fréquence de la consommation de cannabis sur l’année écoulée et sur la qualité du sommeil des trois derniers mois.

De fait, s'ils dorment mal, les étudiants français présentent une autre caractéristique : ils sont de gros fumeurs de cannabis. Selon Santé Publique France, 13,9 % des 18-25 ans déclarent consommer mensuellement du cannabis et 4 % quotidiennement. Des chiffres peu fiables en fait. « L'usage du cannabis est très élevé mais les chiffres sont mal connus : on peut raisonnablement penser qu'il y a une sous-déclaration » considère le Pr Christophe Tzourio, épidémiologiste et dernier auteur de l’étude, à Medscape édition française. Quant au rapport avec le sommeil, il serait dans l'imaginaire collectif plutôt en faveur du cannabis. « Assez souvent, les gens qui fument du cannabis pensent qu'ils sont plus détendus et on s'aperçoit que les étudiants l'utilisent comme somnifère. Notre étude montre, elle, que la consommation de cannabis est associée à des troubles du sommeil pour 6 % des fumeurs de cannabis ».

Consommation régulière de cannabis = risque d'insomnies

Plus précisément, les auteurs montrent que le risque d'insomnie est augmenté de plus de 45% chez les consommateurs de cannabis en comparaison aux non-consommateurs. Et la probabilité de souffrir d’insomnie augmente avec la régularité de la consommation. Elle est même deux fois plus élevée chez les consommateurs quotidiens de cannabis par rapport aux consommateurs occasionnels ou rares. Et ces résultats sont les mêmes pour les autres plaintes liées au sommeil comme l'endormissement pendant la journée, la sensation de ne pas avoir suffisamment dormi ou encore l'impression subjective d'un sommeil de mauvaise qualité.

Le risque d'insomnie est augmenté de plus de 45% chez les consommateurs de cannabis en comparaison aux non-consommateurs.

 

Un des résultats importants de cette étude concerne le lien avec la santé mentale, laquelle présente un lien très fort à la fois avec la consommation de cannabis et avec l'altération du sommeil. Pour démêler cette relation triangulaire, les chercheurs ont constitué des sous-groupes selon que les répondants signalaient ou non un problème de santé mentale (dépression ou anxiété) et ont comparé les résultats. « Nous montrons que la santé mentale n'a pas un impact majeur sur la relation entre le sommeil et la consommation de cannabis alors qu'indépendamment elle a un rôle et sur cette consommation et sur les troubles du sommeil » résume Christophe Tzourio. Pour lui, cela rend le message de santé public plus fort et renforce l'hypothèse d'une relation causale.

A la question de savoir comment le cannabis pourrait en effet modifier le sommeil, Christophe Tzourio rappelle l'existence de plusieurs hypothèses, « notamment l'inhibition du CAMP, un neurotransmetteur jouant un rôle dans le contrôle veille/sommeil ».

 

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