Paris, France — Chronique, fréquente, hétérogène et encore taboue dans le population générale, l’épilepsie concerne plus de 600 000 personnes en France. Si pour 2 patients sur 3, les traitements médicamenteux permettent de contrôler les crises, ils s’avèrent insuffisants pour un tiers d’entre eux. Des solutions existent pour ces patients pharmaco-résistants.
Plus invasives, elles supposent toutefois une prise en charge très pointue au sein des centres spécialisés, lesquels sont peu nombreux comparés au nombre de patients éligibles à ce type de solutions neurochirurgicales. Néanmoins, l’offre s’élargit avec la création à l’Hôpital Fondation Rothschild à Paris, fin 2022, d’un nouveau parcours dédié à ce type de patients.
Une pathologie fréquente
Faisant suite à un remaniement cérébral, l’épilepsie – qui se traduit par des crises survenant les unes après les autres – est une « maladie extraordinairement courante puisqu’on considère qu’au moins 10% de la population mondiale aura au moins une crise au cours de la vie », a indiqué le Dr Gilles Huberfeld, neurologue (Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild) lors d’une conférence de presse [1].
On estime que 2 à 3% de la population mondiale aura plusieurs crises et on évalue à plus de 50 millions le nombre de personnes ayant une épilepsie active dans le monde. En Europe, aux Etats-Unis et au Japon, on est à 5 millions de patients épileptiques, dont entre 600 000 et 700 000 en France, « ce qui en fait une pathologie significative en nombre de patients dans le spectre des maladies neurologiques ».
La fréquence varie avec l’âge, la maladie est plus fréquente chez les enfants et les personnes âgées. Cela traduit le fait que l’on n’est pas forcément atteint d’épilepsie toute sa vie et que des formes d’épilepsie de l’enfant peuvent guérir à l’âge adulte. « On parle d’épilepsie résolue chez des patients qui n’ont pas connu de crise au cours des 10 dernières, avec une absence de traitement au cours des 5 dernières années », a expliqué le neurologue. Néanmoins, une épilepsie peut aussi débuter à l’âge adulte.
Deux grands types d’épilepsie
Sur la plan physiologique, la crise d’épilepsie est un épisode qui correspond à une anomalie de fonctionnement de réseaux des neurones sous-tendue par un comportement et une régulation anormale des neurones qui deviennent « hyper synchrones ».
A l’échelle du cerveau entier, on considère deux catégories d’épilepsies : les épilepsies focales, limitées à une région du cerveau, qui représente 70% des épilepsies et les crises généralisées où l’ensemble du manteau cortical est impliqué dans le processus de décharge anormale, soit environ 20% des épilepsies – celles qui se traduisent par des convulsions.
Quelles sont les causes ? Celles-ci peuvent être de 4 ordres. L’origine peut être métabolique, toxique, ou infectieuse. Certaines peuvent faire suite à des causes lésionnelles acquises comme des tumeurs cérébrales, un traumatisme crânien, des maladies cérébro-vasculaires ou encore des cicatrices. D’autres relèvent d’un terrain génétique ou de malformations du développement cortical. Il arrive enfin qu’aucune cause ne soit retrouvée.
Les médicaments permettent de contrôler les crises de deux tiers des patients épileptiques. « Mais si le portefeuille d’antiépileptiques a grossi de façon quasi exponentielle depuis le début du XXème siècle, il existe une certaine déception en termes d’efficacité car, malgré l’apparition de nouveaux médicaments, le taux de patients contrôlés ne varie pas, a considéré le neurologue.
Une monothérapie génère un taux de réponse chez 50% des patients, en l’absence de résultat, l’ajout d’une deuxième ligne de traitement génère 13% d’efficacité en plus, enfin l’ajout d’une troisième ligne procure 4 à 7 % d’efficacité supplémentaire. Cela signifie, qu’in fine, 30 % des patients continuent à présenter des crises même si celles-ci sont de moins en moins fortes, et/ou moins fréquentes. »
Que proposer à ces patients pharmaco-résistants ?
Deux options thérapeutiques plus invasives peuvent être envisagées. Dans certains cas, il s’agira d’une prise en charge neurochirurgicale, dans d’autres, ce sera la neuromodulation.
Mais ces options supposent, l’une et l’autre, que le patient ait effectué un parcours complet, en termes de diagnostic et d’investigations, au sein d’un centre expert bénéficiant de techniques de pointe. Et c’est là que le bât blesse car ces centres sont trop peu nombreux – une quinzaine sur l’ensemble de la France – au vu du nombre de patients qui pourraient en bénéficier.
De fait « adresser un patient pour un bilan, c’est aujourd’hui près d’un an d’attente, et il faut compter 4-5 ans avant une opération, alors qu’une prise en charge chirurgicale précoce est un facteur d’efficacité » a témoigné le Dr Pierre Bourdillon, neurochirurgien (Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild).
Pour remédier – en partie – à ces délais d’attente délétères, l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild – connu pour son expertise pédiatrique – a mis en place fin 2022 un nouveau « parcours patients » pour confirmer les diagnostics de suspicion d’épilepsie et, d’épilepsies pharmaco-résistantes de l’adulte.
Il s’agit d’un des seuls centres en France et en Europe à proposer l’intégralité de la prise en charge neurochirurgicale depuis le diagnostic épileptologique par un neurologue expert jusqu’à la décision opératoire en passant par la réalisation des examens complémentaires de neurophysiologie et de neuroradiologie.
« L’enjeu de ce parcours est de réunir tous les éléments pour confirmer le diagnostic d’épilepsie pharmaco-résistante, et de disposer d’informations pour localiser avec précision le foyer épileptique avant d’envisager la chirurgie », précise la Dre Anca Nica, neurologue (Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild). Le centre est notamment en mesure de proposer la réalisation d’IRM cérébrales, d’électroencéphalogrammes (EEG) vidéo pour enregistrer les crises, de PET scan et d’EEG vidéo avec implantation d’électrodes intracrâniennes.
Chirurgie et neuromodulation
« Au terme des explorations, la décision d’opérer se base sur ces critères : une épilepsie invalidante et rebelle aux médicaments, une zone unique générant les crises, une zone localisée précisément et opérable sans séquelle inacceptable », indique le Dr Bourdillon.
Sachant que la chirurgie classique – qui consiste à retirer ou à déconnecter du reste du cerveau, la zone du cortex générant les crises – s’adresse uniquement aux patients souffrant d’une épilepsie focale. Qu’elle soit stéréotaxique ou non, la chirurgie de l’épilepsie peut apporter d’excellents résultats, « dans 60 à 80 % des cas, le patient connait une guérison complète de son épilepsie, 40% voient une amélioration des crises », évalue le Dr Bourdillon.
Les patients ne pouvant pas bénéficier de la chirurgie peuvent se voir proposer de la neuromodulation, « une technique qui ne guérit pas le patient mais améliore la qualité de vie au quotidien » précise le neurologue.
Si plusieurs techniques existent, la stimulation du nerf vague est la plus courante. L’idée est d’effectuer une neuromodulation en utilisant une voie naturelle, à savoir le nerf vague gauche, qui sert essentiellement à véhiculer les informations vers le cerveau. Une incision est pratiquée au niveau du cou pour y placer une électrode, laquelle est connectée à un pacemaker placé sous l’aisselle. Celui-ci est capable de reconnaitre l’arrivée d’une crise et surstimule le nerf vague pour la prévenir ou l’interrompre.
La technique fonctionne chez 1 patient sur 2 avec 50% d’amélioration. C’est à ce jour la seule méthode validée – et donc remboursée – par les autorités françaises.
Autre option : la stimulation cérébrale profonde, qui à l’instar de ce qui se fait dans la maladie de Parkinson, consiste à implanter deux électrodes dans le cerveau connectées à un stimulateur.
« Cette technique n’est pas couramment disponible en France, car d’un coût plus élevé pour une efficacité équivalente, à la stimulation du nerf vague. Néanmoins les résultats d’une étude publiée prochainement devraient permettre une utilisation plus large en France », a estimé le Dr Bourdillon.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Epilepsies pharmaco-résistantes de l’adulte : création d’un nouveau parcours expert - Medscape - 13 mars 2023.
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